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Full text of "Vie de la vénérable Marie-Crescence, religieuse du Tiers-Ordre de Saint-François au couvent de Kaufbeuren [microforme]"

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LA VÉNÉRABLE 


Marie-Crescence de Kautbeure. 5 


:0: 


CN DR rm v: heu me ve +. 


LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE HÔSS. 


HÔSS. 


VIE 


DE LA VENERABLE 
MARIE--CRESCENCE 


Heligieuse du Tiers-Ordre 
DE 


SAINT-FRANÇOIS 


AU 
Couvent * de * Âaufbeuren 


PAR 


J. CaMmiLce Pouzior 


TT 


FRASERVILLE. 


LIBRAIRIE SAINT-JOSEPH 
T E. FRENETTE, EDITEUR 


1895 | 


Î 


ENREGISTRÉ conformément à l'acte du Parlement du 

Canada, en l’année mil huit cent quatre-vingt-quinze, . 
par J. Caire Pourior, an bureau du Ministre d'A. 
griculture. de 


DÉDICACE 


D 1 . 
Sa Grandeur, | 
Monseigneur Bégin, 
.« Archevèque de Cyrène ; 
Monseigneur, | 
C’est la confiance et l’admiration qui 
m'ont inspiré la publication dece livre. La 


gratitude et le respect me font un devoir de 
vous le dédier. 


FREE 


Je n'ai pu oublier, Monseigneur, lo ten- 
dre sollicitude et les. paternels conseils que 
vous m'avez prodigqués, pendant mes années; 
de séminaire. 


Daïignez donc agréer, comme l'hommage 
d’une reconnaissance et d’une affection que le 
temps n’a pu que cimenter, les prémices de ce 
travail qui vous est humblement dédié. 


\ rl 
+ 1148 


lement du | 
ngt-quinze, 
inistre d'A 


L'auteur. 


-#, 
\ 


— LETTRES — 
Québec, le 20 Mai 1895. 


Monsieur J. Camille PouiorT, Avocat, 
Fraserville. 
Bien cher Monsieur, 

Je vous félicite bien cordialement de 
l’heureuse idée que vous avez eue de publier 
la vie si édifiante, si merveillense de la 
Vénérable Marie-Crescence Hôss, religieuse 
du Tiers-Ordre régulier de Saint-François 
d’ Assise. Vous avez fait là une œuvre ex- 
eellente, qui rappelle les travaux justement 
appréciés des plus éminents catholiques de 
France. 

La reconnsissance et l'admiration que 
vous avez vouées à cette grande chrétienne 
du siècle dernier, à cette âme privilégiée, à 
cette courageuse enfant de la Bavière, au- 
ront servi à glorifier l'Eglise de Jésus-Christ, 
la mère nourricière des saints, et à donner à 
nos compatriotes le spectacle de la vertu 
héroïque, toujours fidèle à la grâce divine, 
constamment calme et sereine au milieu des 


épreuves et des tempêtes de la vie. 


Mai 1895. 


rocat, 


raserville. 


ialement de 
e de publier 
lense de la 
, religieuse 
nt-François 
œuvre ex- 
justement 
holiques de 


iration que 

chrétienne 
rivilégiée, à 
avière, au- 
ésus-Christ, 
à donner à 
e la vertu 
âce divine, 
milieu des 
le. 


Le modèle des vertus chrétiennes et 
eligieuses que nous offre la Vénérable Marie- 
rescence ne peut que donner un nouvel 
flan au zèle de nos excellentes communautés, 
animer la ferveur de nos Tertiaires de Saint- 
rançois d’Assise, réchauffer la piété de 
otre population et mettre au cœur de tous 
a confiance en son intercession auprès de 


Une gloire imrmnortelle s’est attachée à 
ertains grands noms de l'antiquité, de mèê- 
e qu’à certains personnages distingués de 
‘Âge moderne. Cependant, ces illustrations 
le la guerre et de la politique, ces patriotes 
l'âme fière et chevaleresque n’offrent rien 
le comparable aux existences radieuses et 


uasi surhumaines que le Christianisme a 


revôêtues d’une éternelle grandeur, d’une 


mpérissable majesté . 
| Je fais des vœux pour que votre ouvra- 
be se répande dans nos communautés reli- 
bieuses, dans nos familles canadiennes et y 
porte l’édification et l’amour de la vertu. 
uisse-t-il faire chérir et admirer la religion 
par les exemples multiples de la force divine 
qu’elle communique aux âmes, de la charité 


ardente dont elle les embrase et des sacri- 
fices héroïques qu’elle leur inspire. 


Nous sommes inondés depuis quelque 


” temps de livres dangereux ou frivoles ; le 


vôtre d’un caractère tout différent ne peut 
que faire naître dans les cœurs les senti- 
ments les plus purs, avec la noble ambition 
et le désir sincère de devenir des chrétiens 
modèles. 


Veuillez agréer, bien cher monsieur, 
avec mes vœux et mes sincères félicitations, | 


expression de mes sentiments les plus 
dévoués. 


 L. N. ARCHEVÊQUE DE CyrèNE, 
Administrateur. 


et des sacri- 
spire. 


Rimouski, le 5 Juin 1896. 


lepuis quelque 
ju frivoles ; le 
rent ne peut 
2urs Îles senti- 
oble ambition 
des chrétiens 


A Monsieur J. Camille Pouzror, Avocat, 


à Fraserville. 


Mon cher Monsieur, 


Y'est dans le sanctuaire même où repo- 


sent, dans la paix du Seigneur et à l’ombre 


her monsieur, 
8 félicitations, 


de nos autels, les restes sacrés de la Vénéra- 


ble Marie-Crescence Hôss, après avoir prié 


ents les plus auprès de son tombeau miraculeux et res- 


senti le bienfaisant effet de son intercession, 


lyue vous avez été inspiré de publier une tra- 


: CYRÈNE, 
ninistrateur. 


iduction française de sa vie admirable. Vo- 


tre travail ne pouvait avoir une meilleure 


source, et eu l’entreprenant, vous avez fait 


tout ensemble un livre excellent et une 


œuvre d’apostolat. 


Vos pages révèleront à nos populations 


croyantes, les combats extraordinaires et les 


longues et si rudes épreuves d’une grande 


âme qui a laissé le monde pour aborder au 


rivage de la vie religieuse, et qui, une fois 


abritée dans ce port, s’est élevée avec la 
pos 


puissance de l'aigle et la grâce de la colom- 


| 
| 
1 
| 
| 
| 
1 
| 
| 
| 
| 
} 


be, jusqu'aux sommets les plus lumiueux 
de toutes les vertus chrétiennes et religieu- 
ses. En propageant ainsi la connaissance 
et l'amour du culte de la Vénérable Tertiai- 
re régulière de Saint François d'Assise, elles 
serviront en même temps à fortifier notre 
attachement à l’Eglise, dont l’inépuisable 
vitalité et la jeunesse sans cesse renaissante 
produisent, à chaque siècle, pareils exem- 
ples de vertus, de semblables modèles de 
sainteté. Sans doute aussi elles susciteront,des 
rangs divers de notre société, de plus abon- 
dantes recrues à l’incomparable milice du 
Tiers-Ordre Franciscain, et en nous rappe- 
lant à tous nos sublimes destinées, elles con- 
tribueroni à nous rendre meilleurs dans le 
temps et pour l’éternité. 

Recevez donc, mon cher Monsieur, vec 
mes félicitations sincères, et mes vœux pour 
a diffusion de votre livre dans toutes les 
familles de mon diocèse, par l’intermédiai- 
re-de nos bibliothèques de paroisse, l’ex- 
pression de mes sentiments dévoués en No- 
tre-Seigneur. 

.: + ANDRÉ-ALBERT, Ev. de: Saint-Ger- 
main de Rimouski. 


lumiueux 
t religieu- 
naissance 
ble Tertiai- 
\ssise, elles 
tifier notre 
inépuisable 
renaissante 
eils exem- 
aodèles de 
iteront,des 
plus bon- 
milice du 
ous rappe- 
, elles con- 


rs dans le 


sieur, 1vec 
œux pour 
toutes les 
termédiai- 


isse, l’ex- 


és en No- 


saint-Ger- 


Evêché de Chicoutimi 17 Mai 1895. 


Monsieur J. CAMILLE PouzioT, 
Avocat, Fraserville. 
Mon cher Monsieur, 


C’est avec jole que je donne mon 
approbation à l’opuscule que vous venez de 
publier sur la vie de la Vénérable Marie- 
Crescence, religieuse professe du Tiers-Ordre 
de St-F'rançois. Cet ouvrage, entrepris par 
son auteur dans un sentiment de pieuse 
reconnaissance, contribuera, j'en ai l’intime 
conviction, à la gloire de Dieu, qui est admi- 
‘able dans ses saints et à l'édification des 
âmes, pour qui l'exemple est toujours une 
leçon plus puissante que les paroles. 

Cette vie extraordinaire, dont vous 
retracez les grandes lignes, ne saurait qu’al- 
lumer le feu de amour de Dieu dans les 
Âmes et les encourager à marcher sur les 
traces de votre sainte. Aussi est-ce avec 
empressement que je souhaite à votre ouvra- 
ge tout le succès qu’il mérite. 

Agréez, mon cher monsieur, l’assurance 
de mon entier dévouement en N.-$. 


+ M. T. Ev. pe Curcourimr. 


PRÉFACE 


De tous les endroits à visiter aux alen- 


tours du petit village de Woœærishôfen en Ba- 


vière, —où je suis allé l’an dernier, suivre un 
traitement du célèbre Abbé Kueipp, qui à 
Brempli l'univers entier du bruit de ses cures 
merveilleuses, — il n’y en a guère de plus at- 
Itrayant que la jolie petite ville de Kaut beu- 
ren, remarquable par sa position stratégique 
exceptionnelle, et intéressante par les sou- 
|venirs qui se rattachent à son histoire. 

C’est au cours d’une de ces promena- 
des favorites, que j’eus la bonne fortune de 
visiter, en compagnie de quelques autres Ca- 


D nadiens, le couvent de Mayrhoff, habité par 


les Dames du Tiers-Ordre de St. François. 
La Révérende Sœur. Mathilda, la seule 
religieuse parlant français, nous fit les hon- 
ineurs de la communauté. 
| Grâce à l’amabilité et À la courtoi- 
sie des autorités du monastère, nous 
vimes se dérouler devant nous avec 
‘une profusion de détails minutieux la vie 
extraordinaire, merveilleuse de la Vénéra- 
ble Marie-Crescence, qui est l’objet d’une 
vénération, je pourrais dire nationale, dans 
toute la Bavière, 


Après avoir prié sur le tombeau d: humble 
religieuse. nous fûmes admis à pénétrer 
dans sa cellule, convertie par la piét: filiale 
de ses compagnes, en un sanctuaire où lon 
conserve dans leur état primitif les divers 
objets dont elle s’est servis : 

Des témoignages sans nombre de gra- 
titude et de foi envoyés au couvent, furent 
étalés à nos yeux et nous pûmes contempler 
et pour ainsi dire palper chaeun des miracles 
que la confiance publique attribue à la puis- 
sante intercession de Marie-Crescence ; 

Nous n'avons pu nous défendre d'un 
profond sentiment d’admiration et de pieuse 
confiance en l’humble fille d’un pauvre tis- 
serand, devenue si grande devant Dieu et de- 
vant les hommes, sentiment qui ne: peut 
être comparé qu'aux saintes émotions que 
nous avons ressenties en visitant les sanctu- 
aires vénérés de Fourvières, de Notre-Dame 
de la Garde, et de Lourdes. 

Mes compagnons manifestèrent le dé- 
sir de connaître mieux encore la vie de la 
Vénérable Marie-Crescence, mais un obs- 
tacle insurmontable se présentait : 1l n’exis- 
tait point d'édition française de sa biogra- 


phie. 


de Phumble 

à pénétrer 
à piété filiale 
aire où lon 


nf les divers 


bre de gra- 
uvent, furent 
s contempler 
des miracles 
bue à la puis- 
»sCenCe ; 

‘fendre d'un 
: et de pieuse 
n pauvre tis- 
it Dieu et de- 
qui ne. peut 
motions que 
nt les sanctu- 


Notre-Dame 


tèrent le dé- 
la vie de la 
nais un obs- 


it : il n’exis- 


de sa biogra- | 


C'est pour combler cette lacune et ré- 


poudre à un besoin qu'elle-même m'a mis 
au cœur que je présente aujourd'hui ce livre 
au public. Le charme que j'ai éprouvé 


lors de. cette visite, l'émotion que j'ai res- 


Ésentie en parcourant les lieux bénis, témoins 


des vertus si extraordinaires de cette sainte 


femme m'ont inspiré le désir de faire con. 


a L 
naitre Sa VIe : 


Je w’ai pas.la prétention d’avoir fait 
une œuvre d'art, J’ai voulu tout simplement 
retracer dans les grandes lignes ce que fut 
la Vénérable Crescence, grouper en un fais- 
ceau les faits les plus propres à faire ressor- 


tir l'intéressante personnalité de la grande 


thaumaturge, et relater dans leur forme Vé-, 
ridique les épisodes les plus probants de sa 
sainteté et de sa puissante intercession. 

Jette tâche m’a été grandement facili- 
tée par le Rev. Père Jeiler, de l’ordre des 
Franciscains, auteur d’un ouvrage remar- 
quable sur la Vénérable Crescence et qui 


hm'a bienveillamment autorisé À m'inspirer 


le son livre, qui a mérité les honneurs 


d'une traduction en langue anglaise ; 


J’ai largement usé de sa gracieuse per- 


huission et je tiens à lui rendre le témoigna- 


ge public de ma reconnaissance. 


{| 
| 
| 
| 


Heureux m’estimerai-je si j’ai réussi À 
faire de ce livre une œuvre populaire qui 
atteigne le seul but que je me suis proposé : 
faire connaître et aimer la Vénérable Marie- 
Crescence. 

Doublement heuréux seraïs-je de voir 
la dévotion à cette digne fille de St. Fran- 
cois prendre une extension nouvelle et con- 
quérir dans ce pays même, la faveur que 
ses vertus et sa puissante intercession lui 


méritent. 


Avant de terminer ces quelques expli- 
cations, que je devais à mes lecteurs, je tiens 
à déclarer que je n’entends donner aux ex- 
pressions que j’emploie dans le cours de 
cet ouvrage, que la signification et la portée 
en accord avec le décret de l’Eglise qui, en 
conférant à Marie-Crescence le titre de Vé- 
nérable, a jugé qu’elle avait pratiqué dans 
un dégré héroïque les vertus chrétiennes. 


L'AUTEUR. 


Rivière du Loup, En Bas, 
Mai 1895. 


j'ai réussi à 
pulaire qui 
is proposé : 
able Marie- 


s-je de voir 
> St. Fran- 
elle et con- 
faveur que 


cession lui 


ques expli- 
urs, je tiens 
ner AUX ex- 
> cours de 
et la portée 
lise qui, en 
itre de Vé- 
tiqué dans 


‘étiennes. 


"EUR. 


LA VÉNÉRABLE 


Marie-Crescence de Kautbeuren. 


PP Re LOT LL ST TT LS LS SSSR SP TS 


.. Enfance de Marie-Crescence — Première Vision. 
Voeu de chasteté.— L’habit de St.-François— Le cou- 
vent de Mayrhoff.— Refus de la Supérieure. — Persévé- 
rautes supplications— Le Christ du Cloitre.— Inter- 
vention du Maire Wærle.— Admission au noviciat. 


Sur la rive gauche d’une riante vallée 


| arrosée par le Wertach, l’un des tributaires 


de la Lech, à quelques heures d’Augsbourg, 
s'élève la petite ville de Kaufbeuren, intéres- 
sante par les anciennes fortifications qui la 
dominent, et par l’Eglise de St. Blaise dont 
la construction remonte, dit-on, au cinquiè- 
me siècle. 


2 LA VÉNÉRABLE MARIE-CREECENCE 


Yest là qne naquit, le 20 Octobre 1682, 
Anna Hôss, qui devint plus tard la Vénéra- 
ble Marie-Crescence. 

Son père était un pauvre tisserand de 
son métier, mais la piété et l'honnêteté de 
cette famille attiraient le respect et la consi- 
dération de tous ceux qui la connaissaient. 


Dès sa plus tendre enfance, la petite 
Anna étonnait ses parents par son amour de 
la prière et des choses saintes. Souvent, sa 
mère l’amenait avec elle à la messe, et quand 
le prêtre offrait l’Hostie à l’adoration des fi- 
dèles, à l'élévation, l'enfant devenait trans- 
portée ; sa figure rayonnait de joie et de dé- 
votion. Sa promenade favorite était le lieu 
saint. Elle demandait rarement à ses pa- 
rents d'autre faveur que la permission d’al- 
ler à l’église. Elle y séjournait des heures 
entières, assistant à toutes les messes. 

Quand la petite Anna n'était pas à la 
maison, on était certain de la trouver là, à 
genoux près de l'autel. 

Tous ceux qui connaissaient l'enfant fu- 


rent témoins de son étonnante piété ; ce- 


pendant elle en cachait la source . aux yeux 


:NCE 


tobre 1682, 
la Vénéra- 


isserand de 
onnêteté de 
et la consi- 
naissaient. 
«e, la petite 
n amour de 
Souvent, 54 
sse, et quand 
ration des fi- 
venait trans- 
oie et de dé- 
était le lieu 
bnt à ses pa- 
mission d’al- 
des heures 
s messes. 
tait pas à la 
trouver là, à 


t l'enfant fu- 


e piété; ce- 


ce. aux yeux 


DE KAUFBEUREN 8 


du monde. Ce n’est que longtemps après 
qu’Anna, contrainte par l'obéissance raconta 


les mystères de son enfance. 


Il est fait mention dans le procès de sa 


| béatificatiou. que, dès sa troisième et qua- 


trième année, elle eût dés visions merveilleu- 
ses de l'Enfant-Jésus et de son ange gur- 
dien. 


Le Père Ott, qui a été pendant plusieurs 
années le directeur spirituel du couvent de 
Kuufbeuren, racoute le détail d’une de ces 
visions : * À trois ans, l’Enfant-Jésus lui ap- 
parût rayonnant de beauté, vêtu d’un habit 
violet émaillé de fleurs et d’un manteau rou- 
ge ; il avait la tête et les pieds nus. Anna 
était senle, tenant dans ses mains une pom- 
me et une poire que sa mère lui avait don- 
nées. La petite fille s’adressant à Jésus lui 
offrit de manger avec elle. Le Divin Enfant 
répondit : “ Mon père a de bien meilleurs 
fruits que ceux-la dans son jardin. ?” — * Qui 
est votre père et où demeurez-vous ? Quel 
est votre nom, et comment s'appelle votre 
mère ? demanda la petite fille. ” Mon 
père est le Père Céleste, et ma demeure est 


4 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


danse le ciel, mon nom est Jésus, et Marie est 
celui de ma mère bien aimée. ” 

En entendant ces paroles, Anna fut com- 
blée de joie et supplia l’Enfant de l’amener 
voir son père dans le jurdin ; aussitôt elle 
fut ravie en extase et transportée au Para- 
dis où le Père Céleste lui dit : * Si tu veux 
être mon enfant, il faut que tu n'aimes que 
moi et mon fils ; tu ne peux pas avoir de rap- 
ports avec d’autres enfants, tu dois préférer 
la solitude et obéir en toutes choses à tes 
parents. ” L’enfant Jésus souriant amou- 
reusement ajouta : ‘* Tu ne dois croire qu’en 
un seul Dieu, mais il y a trois personnes di- 
vines qui ne forment qu'un seul Dieu : le Pè- 
re, le Fils et le Saint-Esprit. C’est la premiè- 
re chose qu’il te faut croire et connaître. ” 

Ce fut alors qu'Anna reçut, par une faveur 
spéciale, l'usage de la raison. Lorsqu'elle re- 
vint à elle, elle était couchée dans son petit 
lit Sa mère l’ayant surprise ainsi, prenant 
éette extase pour un profond sommeil, l’y à- 
vait transportée. 


A l'instar d’un grand nombre de saints à 


mystiques, Anna conversait familièrement 


SCENCE 


DE KAUFBEUREN 


, et Marie est 


9 


avec son auge gardien ; Il lui apparût «ou- 


vent sons uue forme visible et l’accompagna 


\nna fut com- en plusieurs circonstances soit à l’église ou à 


t de l’amener 
aussitôt elle 
rtée au Para- 
« Si tu veux 


l'école, lui enseignant lui-même les articles de 


foi, et lui conseillant spécialement de sancti- 


tier par la bonne intention toutes ses actions. 


Si extraordinaire était sa piété, que 


_n'aimes que 


Dieu permit qu’elle fat admise à faire sa 


avoir de rap- 


première communion à l’âge de sept ans. 


| dois préférer 
choses à tes 


A l’école et au catéchisme. elle se dis- 


tingua entre.toutes par sa conduite et sa fa- 


uriant amou- 


cilité à apprendre, au point qu’un jour le 
Père Ignace Wagner, de la Société de Jé- 
sus, ne put s'empêcher de lui dire: ‘* Mon 


is croire qu’en 


personnes di- 
il Dieu: le Pè- 
’est la premiè- 


enfant, il faut que vous ayez un meilleur 


FL) LATE ) 
k maître que mot. 


connaître. ?” 


Dieu avait magnifiquement doué An- 
na : elle était d’une intelligence facile et pé- 


par une faveur 


Lorsqu'elle re- 
lans son petit 


nétrante, servie par une brillante imagina- 
tion, et se distinguait par une bonté excessi- 
ve, un cœur toujours prêt à se dévouer et à 
souffrir. Bien que d’une complexion faible et 
délicate, elle savait accomplir tout ce qu’on 
| demandait d'elle. | 


ainsi, prenant 


sommeil, l’y a- 


mbre de saints à 
familièrement 


h | 6 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE 


Ces précieux germes de vertu furent 
constamment cultivés et développés en elle 
par l'éducation éminemment chrétienne 


qu’elle reçut au sein de sa famille. 


A l’âge de six ans, de sa propre impul- 
sion, ou plutôt inspirée par le Saint-Esprit, 
la petite Anna fit vœu de chasteté perpétuel. 
le en l'honneur de la Vierge Immaculée. 
Un document signé par six religieuses at- IS 
teste’qu'elle a révélé elle-même ce fait à la 


Supérieure de son couvent, par obéissance, 
Crescence en avançant en Âge crût aus- 
si en sagesse et en grâce devant Dieu et de- 
vaut les hommes. Pendant qu'elle faisait à 
l’intérieur de la famille la ronsolation et 
l'appui de ses parents, elle était au dehors, 
un ange de charité, versant sur les douleurs 
|| des autres le baume de la religion, et leur 
| prodiguant mille adoucissements que lui 
suggérait son bon cœur. Elle-même, elle ne 
s'épurgnait guère ; et pour soumettre da- 
vantage son corps, elle se torturait au moyen 
| de cilices, de racines amères et de jeûnes. 
FU | Elle obtint facilement de son confesseur À 
la faveur de communier tous les dimanches 


CENCE DE KAUFBEUREN 


vertu furent et jours de fêtes. Elle se préparait À la 
oppés en elle Sainte Communion longtemps d'avance et 
chrétienne la nuit précédant cette solennelle action àpei- 
le, ne pouvait-elle dormir, On la trouvait souvent 
Jropre \mpul- à deux heures du matin pieusement age- 
Saint-Esprit, nouillée sur le seuil de l’église, attendant a- 
té perpétuel- vec anxiété l'ouverture des portes pour s'é- 
» Immuculée. Blancer auprès de son Divin Fiancé. 
eligieuses at- se Le Père Pamer, son confesseur, raconte 
à ce fait à la qu'il arriva plusieurs fois que les portes de 
obéissance, l'Eglise, bien que fermées à clef, . s’ouvrirent 
Âge erût aus- d’ellesmêmes pour livrer passage À cette 


it Dieu et de- vierge prédestinée, et se reformèrent aussi- 
'elle faisait à tôt. 


onsolation et C'était la Passion du Christ qui avait 
it au dehors, le plus d’attrait pour Crescence, au point que 
ir les douleurs LG seul désir était de n'aimer que Jésus- 


igion, et leur Christ et d'être crucifiée avec lui. Ces ver- 

ents que lui tue extravrdinaires étaient couronnées par 
A Ca 0 

même, elle ne Di: pins grande humilité. Quelqu’un pariait- 


soumettre da- Bi d'elle avec éloge, qu'aussitôt elle s’esqui- 
irait au moyen ait. Pour mettre fin aux applaudissements 
t de jeûnes. que lui attirait sa jolie voix, souvent. exprès, 


gon confesseur À lle donnait une note fausse considérant 
les dimanches u’une pensée d’orgueil est plus désagréable 


8 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


à Dieu qu’une note fausse dans un morceau 
de musique. 

Toute la jeunesse de cette Âme appelée 
à la perfection angélique se passa ainsi dans 
l'innocence, la simplicité et le calme. 

Dieu ne tarda point à lui inspirer le dé- 
sir de devenir une épouse du Christ. 


Son ange gardien apparut à Crescence 
à l’âge de quatorze ans. d’après nn rapport 
du père Ott, tenant d’une maïn une croix 
couleur de sang et de l’antre l'habit de St. 
François ; et s’adressant à l'humble fille : 
‘ Regarde mon enfant, dit-il, une robe sem- 
» 


blable à celle-ci a été préparée pour toi. 
-Sa vocation lui était tracée. - 


Il y avait à Kaufbeuren un couvent du 
Tiers-Ordre de St. François d'Assise ; les 
religieuses y vivaient dans une austère 
pauvreté. 


Bâti, croit-on, en 1028, ce couvent fut 


en grande partie détruit par le feu en 1470. 


morceau 


e appelée 
insi dans 
irer le dé- 
t. 


Crescence 
n rapport 
une croix 
bit de St. 
ible fille : 
robe sem- 


our toi. ” 


‘ouvent du 
saise ; les 
e austère 


‘ouvent fut 
su en 1470. 


DE KAUFBEUREN 9 


Grâce à l'aide de dons généreux que re- 
eueillit la mère supérieure, la révérende An- 
na Scherich, il put être reconstruit. C'est a- 
lors que ces religieuses adoptèrent la règle 
du tiers ordre de St. François, qui, jusque 
vers cette date, n'était pratiquée que par les 
personnes vivant dans le monde. Approu- 
vés dans cette nouvelle forme par les Papes 
Urbain VI, Boniface IX, Martin V et sur- 
tout Léon X, des cloîtres ne tardèrent pas 


à s'ouvrir partout, mais les constitutions et les ” 


règles ne furent pas partout les mêmes. Aïn- 
si, au couvent de Mayrhoff, à Kaufbeuren, 
la supérieure était élue à vie. 

Au seizième siècle, Kaufbeuren fut ra- 
vagé par le schisme ; ces religieuses, restées 
fidèles à leur foi et à leur vocation, furent 
l’objet de persécutions et d’éxactions qui les 
réduisirent à la plus extrême pauvreté. La 
prière et le travail manuel formaient alors 
les seules occupations de ces religieuses. Ce 
n'est que récemment qu'elles ont ajouté à 
leurs oeuvres l'éducation de la jeunesse. 

Convaincue qu'elle était appelée par 
Dieu à se séparer tout à fait du monde et 


10 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


À se consacrer à lui et, tourmentée du dé- 
sir de réaliser sa vocation, Anna se décida 
à s’en ouvrir à son père, pour qu’il püût l’ai- 
der, ou au moins lui indiquer le moyen d’ob- 


tenir sou entrée dans ce couvent. 


Sa demande rencontra une vive opposi- 
tion de la part de son père, qui chercha par 
tous les moyens à la dissuader, lui représen- 
tant qu’il lui était impossible de lui fournir 


la dot nécessaire à son admission, que la 


communauté était si pauvre et la vie si du- 
re qu’elle ne pourrait résister. 

Voyant que ses demandes réitérées n'a- 
vaient aucun effet sur son père, qui motivait 
son refus sur des considérations humaines, 
Anna, guicée par l’Esprit-Saint, se présenta 
elle-même à la supérieure du couvent, la 
révérende Mère Teresa Schmid et, humble et 
confiante, sollicita son admission. Elle fut 
refusée, comme son père le lui avait bien 
dit : le couvent était trop pauvre et elle n’a- 
vait point de dot à offrir. Deux années du- 
rant, ou à pou près, elle réitéra ses instances, 
maisen vain ; ses larmes mêmes ne purent 


ébranler la résolution de la supérieure. 


ENCE 


tée du dé- 
. se décida 
il pôût l’ar- 
oyen d’ob- 


ive opposi- 
hercha par 
ui représen- 
> Jui fournir 
ion, que la 
la vie si du- 


éitérées n'a- 
qui motivait 
humaines, 
se présenta 
couvent, la 
et, humble et 
n. Elle fut 
avait bien 
e et elle n’a- 
années du- 
see instances, 
es ne purent 


érieure. 


DE KAUFBEUREN 11 


Jependant, la pieuse vierge, espérant 
‘ontre toute espérance, redoubla ses prières 


| À celui qui peut tout. Sa foi héroïque ne fut 


point déçue : 

Près de l’oratoire du couvent, à l’entrée 
de corridor, se trouvait un grand crucifix. 
C. our qu'elle passait par là, la pieuse An- 
n#, se jetant à genoux, supplia le Sauveur, 
avec toute la ferveur de son Âme, de lui ac- 
corder la faveur qu’elle demandait... Elle 
entendit alors ces paroles tomber des lèvres 
du Christ : C’est ici que sera ta demeure. *? 
Chose étonnante et constaté par des témoins 
dignes de foi, jusqu'alors ce Christ en croix 
avait la bouche fermée, mais, de ce mo-. 
ment, il est resté la bouche visiblement ou- 
verte, tel que le témoignent les documents 
de la canonisation. Aujourd’hui encore, on 
peut voir ce crucifix miraculeux, au même 
endroit, dans le couvent. 

Ce changement subit, opéré dans l'ex- 
pression du crucifix, produisit une grande 
sensation dans le couvent : tout le monde én 
ignorait la cause. Ce n’est qu’un grand 
nombre d’années après, qu’il vint à l’esprit 


norme 


12 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


de la supérieure, de demander à Crescence 


TP 


ai elle pouvait expliquer lu chose.  Crescen- 
re rougit et, forcée par l'obéissance, elle lui 
raconta le détail de cette transformation. 

Crescence cacha, même à son père, la 
réponse miraculeuse, et se contenta de l'as- 
surer qu’elle était certaine d’entrer un jour 
dans cette communauté. 

Toute la ville apprit bientôt le refus é- 
prouvé par la pieuse Anna  L’estime, la 
véneration qu’on lui portait étaient telles, 
que le sentiment unanime jeta le blâme sur 
la supérieure ; Les protestants eux-mêmes 
partageuient cette manière de voir. 

C’est un protestant qui fut suscité par 
Dieu pour lui faire ouvrir lc: portes du cou- 
vent comme nous allons le voir : 


Il y avait, tout près de la chapelle du 
| | couvent, une taverne très peu recommanda- 
Lil «| ble, On y faisait uu tapage d’enfer qui trou- 
| blait continuellement les religieuses, pen- 
dant les offices du jour et de Ja nuit. Le 
seul moyen de se débarasser d’un voisinage 
si incommodant était d'acheter la maison ; 
maïs ii y avait des objections insurmonta- 


'ENCE 


 Crescence 
Crescen- 
ce, elle lui 
mation. 
n père, la 
ta de l'as- 
rer un jour 


_ le refus é- 
estime, la 
aient telles, 
> blâme sur 
eux-mêmes 
ir. 

suscité par 
tes du cou- 


chapelle du 
:commanda- 
fer qui trou- 
ieuses, pen- 
a nuit. Le 
an voisinage 


la maison ; 


insurmonta- 


LE KAUFBEUREN 18 


bles : d’abord, la pauvreté de la commu- 
nauté, et le refus persistant du conseil mu- 
nicipal de Kaufbeuren qui considérait la re- 
quête des sœurs comme nn empiètement 


: sur le bien-être de l’état. ! 


Sous l'administration du maire Wôrle, 
cet homme de bien, quoique ne partageant 
pas la croyance des Catholiques, comprit l’in- 


| justice imposée au couvent, par le refus de 
‘la ville d'autoriser la disparition de cette 


auberge. 
Il soumit l’affoire à la considération du 


| conseil et plaida la cause du couvent avec 
| tant de force et de chaleur, que le conseil 


de ville, à l'ananimité, résolut d'acheter lui- 
même la maison et d’en faire don à la com- 
munauté. : 

Ce service signalé assura à son auteur 
une reconnaissance et un respert qu’il sut 


| mettre à profit dans l'occasion qui se présen- 


tait. 


Il avait connu et admiré la pieuse jeu- 


| ne fille depuis son enfance et, apprenant a- 


vec regret qu’on lui refusait l’entrée du cou- 
vent, il résolut de mettre son influence au 


} | FA CT — 
Î 
? 
l 
L 
£ 
F 
f 


14 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE 


profit d'Anna. Il se rendit, hors de la con- 
naissance de la jeune personne et de ses pa- 
rents, auprès de la supérieure, et insista pour 
qu’on la reçut dans la communauté. “ Bien que 
dénuée de richesses temporelles, elle est riche 
en vertus, dit-il, et il serait regrettable qu’un 
ange d’innocence tel qu'Anna resta dans 


le monde. ” 

Toutes les objections tombèrent devant 
les sollicitations d’un tel bienfaiteur, surtout 
après que le maire se fut adressé au Père 
Provincial, alors de passage à Kaufbeuren. 
Le Père Odoricus fit mander Anna et fut 
si émerveillé de sa vertu, qu’il recommanda 
qu’elle fut accueillie sans plus de retard et 


sans dot. 

C’est le 5 Juin 1703, qu'Anna fut ad- 
| mise au noviciat, par le vote unanime du 
Û AE chapitre. Ses désirs les plus chers étaient 
li | ainsi réalisés, sa pieuse persévérance était 
|| | donc récompensée d’une manière et à une 
|) époque que rien ne faisait prévoir. Aussi, 
jt) la joie de la servante de Dieu fnt-elle im- 
El mense ; son bonheur fut à l’apogée onze jours 
[1 all plus tard. Le 16 Juin, Anna quittait, à 


:NCE 
DE KAUFBEUREN 15 


de la con- 


l'A à 2 ; , . F 
de seë pa- âge de 20 ans et neuf mois, la maison pater- 


sista pour 
« Bien que 


nelle, disant adieu À ceux qu’elle aimait le 
plus sur terre, pour se donner sans partage, 


à celui qu’elle s’était choisi 
e est riche q était choisi pour époux. 


able qu'un 
esta dans 


Par un privilège qui n'avait jamais été 
accordé dans le passé, le temps de prépara- 


tion ordinaire fut supprimé et elle prit l’ha- 


bit le lendemain même de son entrée 
ent devant 


ur, surtout 
éau Père 
aufbeuren. 
nna et fut 
commanda 
e retard et 


ina fut ad- 
nanime du 
ers étaient 
rance était 
re et à une 
ir. Aussi, 
fut-elle im- 
e onze jours 
quittait, à 


Marie-Crescence revêt la livrée de St.-François — 
La croix de la souffrance. — La Révérende Mère Schmid.- 
Influences occultes. — Persécutions et tentations— Pro- 


fession.— Phénomène extraordinaire — 


Dès qu'elle fut revêtue de la livrée de 
St. François, la servante du Christ oublia 
tout ce qui la rattachait au monde, pour 
s’immoler dans l’amour de la Croix. Elle 
pratiqua toutes les vertus du cloître ; mais 


Vhumilité, l'obéissance, une paix et nne séré- È 
nité extraordinaires, au milieu des plus gran- 


des tribulations, furent le cachet distinctif 


de Crescence, durant toute sa vie religieuse, 


_St.-François— 
e Mère Schmid.- 


utations— Pro- 


le la livrée de 
Yhrist oublia 
monde, pour 
Croix. Elle 
oître ; mais 


ix et une séré- } 


les plus gran- 
het distinctif 
vie religieuse, 


? DE KAUFBEUREN 17 


La grandeur de sa vertu ne peut se me- 
surer que par le nombre de souffrances de 
toutes sortes que Dieu permit qu’elle éprou- 
vât. Pendant plus de quatre ans, elle porta 
cette lourde croix sans consolation humaine 
humble et oubliée, non seulement sans plain- 
te ou murmure, mais au contraire, avec joie 
et reconnaissance. Mauvais traitements, in- 
justices criantes de la part de ses compa- 
gnes, tentations terribles et assaults incroya-. 
bles de la part du démon, tels furent les moy-. 
ens dont Dieu se servit pour purifier et sanc- 
tifier cette Âme d’élite de toutes les sonillu- 
res humaines. 

Avant de commencer le récit des mau- 
vais traitements qu'elle essuya de la part de: 
ses compagnes, n'ert-il pas à propos de re- 
marquer que toute âme, appelée au plus 
haut dégré de la prière et à l’union mysti- 
que avec Dieu, doit passer par le creuset de 


2 la souffrance ? Pendant cette période de. 
[purification le mépris, la calomnie, la persé-. 


cution injuste éprouvent l’ême de mille 


| manières, avec la violence d’un torrent. Sou- 


vent Dieu permet que ces persécutions vien- 


18 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


nent des siens, ou de personnes bien inten- 
tionnées, quelquefois même, de personnes 
vivant saintement, ce qui ajoute encore à la 
torture de l’âme. 

La vie des Saints contient des té- 
moignages abondants de la vérité de cette 
assertion. Est-ce que Ste Elizabeth de Thu- 
ringe n’a pas été traitée par ses plus pro- 
ches amies avec une rudesse de langage in- 
croyable ? Est-ce que St François d’Assise 
ne s’est pas vu maltraité par son propre pè- 
re en présence de l’Evêque ? Ste Catherine 
de Sienne n’était-elle pas réduite à faire l’of- 
fice d’une domestique dans la maison de ses 
parents ? 

Dieu daigna cependant préparer son 
enfant À ces souffrances par une vision : El- 
le vit le Rédempteur sortir de la chambre 
de la supérieure, portant sur ses épaules 
une lourde croix. (Crescence comprit que 
c'était là son lot et que sa supérieure sérait 
l'instrument suscité par Dieu pour la sancti- 
fier par la souffrance. | 

La révérende Mère Teresa Schmid a- 


vait été élue à-la charge de supérieure en 


JNCE 


en inten- 
personnes 
ncore à la 


it des té- 

, de cette 

th de Thu- 
; plus pro- 
langage in- 
is d’ Assise 
propre pè- 
> Catherine 
à faire l’of- 
aison de ses 


éparer son 
vision : El- 
a chambre 
ses épaules 
omprit que 
rieure serait 
ur la sancti- 


a Schmid 2- 
périeure en 


DE KAUFBEUREN 19 


1698. Son élection fut due à ses qualités 
administratives plutôt qu’à ses vertus. 
On ne tarda pas à s’en apercevoir, et le 
mécontentement prit une telle extension, 
qu’on dût, en 1707, la déposer comme su- 
périeure, bien que la règle du couvent sti- 
pulât que le supériorat fut une charge ina- 
movible. C’est même le seul cas de dépo- 
sition qne l’on trouve dans les annales du 
couvent, qui remontent cependant à plu- 
sieurs siècles. 

Cette supérieure ne pouvait manquer 
de trouver quelques religieuses pour ap- 
prouver sa conduite vis-à-vis de Crescence. 
Une vieille religieuse, . la Sœur Antoiïne, la 
seconda complaisamment. Le 

Si l’on recherche la cause première de 
la rudesse témoignée à Crescence par la su- 
périeure, on la trouvera dans le fait qu’on 
l'avait forcée, en quelque sorte, de recevoir, 
et sans dot aucune, cette jeune fille, malgré 
ses refus persistants. Il se peut qu’elle con- 
sidérait son admission comme une charge 


| pour la communauté ; de là, cette antipa- 


thie qui alla jusqu’à accuser Crescence d’in- : 


20 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


justice pour être entrée ainsi au noviciat. 
L’aveuglement de la supérieure fut tel, qu’el- 2 
le se crût justifiable de la maltraiter, pour 
l'induire à laisser d’elle-même le couvent, 
I peut se faire, qu’en traitant cette pauvre 
fille, non comme une sœur, maïs comme une 
véritable esclave, elle croyait rendre service 
à Dieu et à la communauté ! Peut-être aus- 
ai, que la conduite singulière de Crescence, 
{ dont les idées sur la vie spirituelle étaient 
beaucoup plus avancées que celles de ses 
persécuteurs), pouvait prêter à une fausse in- 
terprétation, et motiver bien des jugements 
téméraires ! 

Les influences étrangère: et les assauts 
du démon, qui se mit bieutôt de la partie, 
rendirent d’ailleurs plausibles ces apprécia- 
tions erronées. 

Dans la cuisine où elle travaillait, des 
phénomènes extraordinaires se produisaient È 
souvent : tantôt les plats se renversaient, 
tantôt le feu s’éteignait subitement, ou la 
waisselle se cassait, etc. et, naturellement c’é- 
tait la servante de Dieu que l’on accusait 
de gaucherie, de méchanceté, voire même 


JENCE 


1 noviciat. 
it tel, qu'el- 
aîiter, pour 
le couvent, 
ette pauvre 
comme une 
ndre service 
eut-être aus- 
e Crescence, 
elle étaient 
elles de ses 
ine fausse in- 
es jugements 


et les assauts 
de la partie, 


ces apprécia 


ravaillait, des 


| produisaient | 


renversaient, 
tement, ou la 
irellement c’é- 
l’on accusait 


: 


, voire même 


LE KAUFBEUREN 21 


d'être possédée du démon. Les plus inno- 
centes de ses actions étaient blâmées, ses ver- 
tus devenaient des défauts ; sa mansuétude 
et sa bonne volonté apparaïssaient aux yeux 
aveuglés de ses ennemis comme de l’hypo- 
crisie ou un vain désir de plaire ; son silen- 
ce était pris pour un aveu de culpabilité ou 
un manque de cœur ; on mettait en doute sa 
piété ; on lui reprochaït de ne pouvoir rien 
faire de bien. La supérieure la traitait 
toujours avec hauteur et rudement. Les ré- 
primandes, les accusations fausses, les péni- 
tences sévères étaient son pain de chaque 
jour. On alla même jusqu’à l'accuser de- 
vant le P. Provincial de fautes qu’elle n’a- 
vait jamais commises comme, par exem- 
ple, de n'avoir pas observé le silence, elle 
qui l’observait le plus fidèlement. dans le 
couvent, et qui ne parlait jamais, excepté 
pour répondre quand on lui adressait la 
parole. 


Sans égard à son état de faiblesse, on 
lui assignait les travaux les plus durs et 
les plus répugnants. Rarement l’admettait- 
on à la table avec la communauté ; elle de- 


22 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE 


vait se contenter des restes. On lui don- 
nait si peu de nourriture, qu’elle était cruel- 
lement tourmentée par la faim. 

La plus grande épreuve que Crescence 
eut à subir de la part de la supérieure, fut 
de s’astreindre aux ordres qui lui était don- 
nés, lui enjoignant des choses ridicules et dé- 
raisonnables, et cela, même devant de par- 
faits étrangers. Une obéissance aveugle 
triomphait de sa répugnance naturelle et 
l’instant d’après, elle était réprimandée pu- 
bliquement pour ce qu’elle venait de faire. 
Jamais un murmure, jamais une plainte de 
sa part, ae 
Les autres Sœurs, prises de compassion, 
lui représentaient-elles que le vœu d’obéis- 
sance ne l’obligeait pas à accomplir de pareil- 
les folies, la pieuse novice répondait douce- 
ment : ‘ la seule obéissance me suffit, puis- 
que je trouve en elle Dieu et Dieu en tou- 


tes choses, ? 


— La Providence permit 
que le démon tendit des pièges à sa voca- 
tion : deux fois il lui apparut sous la for- 
me de sa jeune sœur Régina, qui lui fit, d’u- 


ne manière touchante, le récit de l’immense 


E 


ui don- 


t cruel- 


"escence 
ire, fut 
ait don- 
es et dé- 
de par- 
aveugle 
irelle et 
ndée pu- 
de faire. 


ainte de 


a passion, 
d’obéis- 
e pareil- 

it douce- 

fit, puis- 
en tou- 

e permit 


ni Sa VOCA- 


us la for- 
ui fit, d’u- 
‘immense 


DE KAUFBEUREN 23 


et profond chagrin de ses parents depuis 
son départ, insistant pour qu’elle retournât 
chez eux, qu’elle y vivrait plus pieusement 
et plus en paix que dans ce cloître, où il n’y 
avait que labeur, dénûment et persécution. 
Son père, disait-elle, ne pouvant supporter 
davantage son absence, lavait envoyé 
chercher, et il attendait à la porte du cou- 
vent pour la ramener à sa famille. Un jour, 
elle lui tendit les clefs du couvent, et une 
autre fois des habits laïques. Dans cette 
tentation, la vierge élèva son cœur vers 
Dieu, et faisant le signe de la croix, cria à 
Satan : “ Ce n’est pas pour toi que je suis 
entrée dans ce couvent, et je n’en sortirai 
point pour toi. ” —A ces mots, l'apparition 


disparut.— 


Crescence trouva-t-elle, au moins, dans 
son confesseur, un aide, une consolation ? 
Ses aviseurs spirituels, prévenus par les 
plaintes incessantes de la Mère supérieure, 
jugèrent souvent à propos de l’éprouver par 


de nouvelles humiliations. 


94 LA VÊNÊSRABLE MARIE-CRESCENCE 


C’est ainsi, que pendant tout son novi- 
ciat, et même après, elle fut une pierre d’a- 
choppement pour le plus grand nombre des 
sœurs, un énigme pour d’autres, et l’objet 
de la plus haute admiration «les plus éclai- 
rées. Parmi ces dernières, citons Sœur Jo- 
hanna Altweger, qui remplaça plus tard la 


Sœur Teresa comme supérieure. 

Grâce à celles-ci, aucun obstacle ne fut 
fait à la profession de Crescence qui eût 
lieu le 18 Juin 1704.—La cérémonie fut 
imposante.— Quand elle s’approcha de l'autel 
pour prononcer ses vœux et recevoir la sain- 
te communion, un spectacle inouï s’oi!-it aux 
yeux des assistants Une sainte émotion 
s’empara des âmes : La fiancée du Christ 
semblait ravie et transportée dans un au- 
tre monde. On sentait la présence d'êtres c:- 
lestes ; l'atmosphère se remplit du suave par- 
fum des lis, fleurs symboliques de la pureté 
augélique. On éprouvait le rayonnement 
d’un feu mystérieux, qui semblait avoir son 
point de départ dans le cœur de cette vier- 
ge extraordinaire, et y puiser sa chaleur. 
Tous ressentaient cette sensation sans la ré- 


CE 


>n novi- 
rre d’a- 
nbre des 
t l'objet 
lus éclai- 
Sœur Jo 
s tard la 


ele ne fut 
qui eût 
nonie fut 
de l’autel 
jir la suiu- 
oi vit aux 
e émotion 
du Christ 
ins un au- 
d'êtres c:- 
guave par- 
e la pureté 
yonnement 
t avoir son 
» cette vier- 
sa chaleur. 


sans la ré- 


DE KAUFBEUREN 25 


aliser. Ce n’est que plusieurs années après 


qu’elle s’en ouvrit à son directeur spirituel, 
sur son ordre : 


“ Au moment de faire mes vœux, dit- 
elle, je fus ravie en extase, il me semblait 
que la terre: et le monde n’existaient plus 
pour moi. Le Christ et sa sainte Mère 
m'apparurent, mon ange gardien se tenait 
À mes cotés et me conduisit au lieu des divi- 
nes épousailles. Le Rédempteur me saluant 
gracieusement ‘me mit au doigt un anneau 
en disant : Je t'ai choisie pour mou épouse, 
maintenant, va souffrir et combattre, je t’as- 
sisterai toujours de ma grâce, et ma mère te 
gardera sous sa maternelle protection. ? 

Elle prouonça alors les vœux de pau- 
vreté, de chasteté et d’obéissance, et reçut 
le nom qu’elle devait porter en religion 
“ Marie-Crescence ” nom bien approprié, 
à la vérité, à cette vierge pure, qu'aucun 
souffle charnel n’avait souillée, et à cette 
martyre de l’amour. 


ITI 


La fosse aux lions— Flagellation et torture — 
Combat avec un être invisible.— Une sorcière— Nou- 
velle arrivée. — Enquêtes et jugements.— Vision et pro- 
messe de la Ste Vierge.— Pélérinage à Lechsfeld,— Un 
compagnon de route.— Délivrance.— L'épreuve du P&- 
re Provincial.— 


On lit dans la vie de Ste Madeleine de 
Pazzi que le Seigneur lui annonça, dans 
une vision, qu’elle serait jetée dans une fos- 
se aux lions, c’est-à-dire, qu’elle auraït hor- 
riblement à souffrir des attaques du démon. 

Notre héroïne eût également à souffrir, 
et pendant quatre années entières, elle eût à 
endurer des assauts terribles de la part de 
l’ange des ténèbres. 


et torture.— 
èe— Nou- 
ision et pro- 
isfeld.— Un 
reuve du Pè- 


deleine de 
nca, dans 
ns une fos- 
aurait hor- 
du démon. 
t à souffrir, 
s, elle eût à 
e la part de 


[oo] 
| 


DE KAUFBEUREN 


L'histoire des Saints ne nous offre-t-elle 
pas souvent des tableaux de persécutions 
semblables ? Dans notre siècle même, n’a- 
vons-nous pas une preuve éclatante de cette 
vérité dans la vie du vénérable curé d’Ars ? 

Il est bon cependant de noter ici que 
cet état ne constitue aucunement la pos- 
session diabolique. Seulement, les mauvais 
esprits par une permission de Dieu, obsè- 
dent leur victime, la torturent de toutes : 
façons pour la purifier et la sanctifier. 

Les vexations commencèrent pour Cres- 
cence dès son entrée au couvent. Personne 
ne le remarqua tout d’abord, car jamais elle 
v’en soufflait mot. Longtemps on attribua 


la cause d’accidents inexplicables à sa gau- 
cherie ou à sa perversité, mais ces persécu- 


tions diaboliques prirent une forme si visi- 
ble et si tangible, que toute la communauté 
en fut consternée. Un soir, la sœur Béatri- 
ce apperçut dans le corridor du dortoir une 
forme effrayante, vêtue comme un chasseur, 
maïs sans tête, entrer dans la cellule de 


Crescence. Celle-ci arriva un instant après, 


en vain, la religieuse courant au devant 


28 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


d'elle et la tirant par ses habits, l’avertit de 
nepas entrer dans sa cellule, qu'un spectre 
effroyable y était déja. Crescence aucune- 
ment ébranlée, ‘1 répondit que l’obéissance 
lui faisait un devoir d’entrer et elle y pénétra 
aussitôt. er ‘ncit'ont ayant été raconté à la 
supérieure par la sœur Béatrice, la jeune re- 
ligieuse dut lui avouer qu’elle était souvent 
tourmentée par le démon dans sa cellule, et 
que même il l’avait flagellée. : 

Lorsqu'elle s’inclinait pour baiser la 
terre, selon la règle de la communauté, ou 
qu’elle faisait le salut requis dans la salle 
du chapitre, souvent elle était précipitée à 
terre par une force invisible et si violeni- 
ment, que le sang s’échappait du nez et de 
la bouche, —et cela, en plein jour et devant 
la communauté.— | 


A table, elle se trouvait près du mur, 
et il arrivait fréquemment que sa tête frap- 
pait la muraille avec un choc tel, qu’on croy- 
ait qu’elle avait le crâne défoncé. La su- 
périeure dut lui assigner une autre place an 
réfectoire. 


NCE 


vertit de 
n spectre 
 aucunc- 
)béissance 
\ pénétra 
couté à la 
a jeune re- 
it souvent 
cellule, et 
baïser la 
anauté, on 
ns la salle 
précipitée à 
t si violen- 
Lu nez et de 
r et devant 


rès du mur, 
ea tête frap- 
, qu’on croÿ- 
cé, La sur 


utre place at 


DE KAUFBEUREN 29 


À deux reprises, elle était assise à table 
avec les autres sœurs de la communauté, 
lorsqr'elle fut saisie par un pouvoir invisi- 
ble, enlevée de terre et transportée en 
dehors du réfectoire avec la rapidité de l’é- 
clair ; les sœurs s’empressèrent vers elle, 
mais elle fut bientôt hors de vue, on la re- 
trouva enfin dans un coin reculé de la mai- 
son. Une fois on la trouva sous un amas de 
légumes qui avaient été étendus sur elle. 
Une autre fois on la découvrit dans la cave, 
prisonnière entre deux pièces de bois sur 
lesquels étaient rangés ‘des tonneaux. On 
eut grand’peine à la tirer de là. 

Mais c’est surtout la nuit, dans sa 
chambre, qu’elle était plus cruellement tour- 
mentée. Elle se voyait entourée de fantô- 
mes effroyables. Il lui semblait que toutes 
espèces de bêtes tels que serpents, crapauds, 
écrevisses remplissaient sa cellule et s’appro- 
chaient de son lit. 

Dominant sa répugnance naturelle, elle 
invoquait Dieu avec ferveur et tout rentrait 


dans l’ordre. Il arrivait fréquemment qu’el- 
le fut précipitée de son lit et frappée sans 


30 LA VÉNERABLE MARIB-CRESCENCE 


pitié. Une nuit, un tapage d’enfer se fit eu- 
tendre avec un bruit de fifres, confondu 
avec le cliquetis de chaînes et nn claque. 
ment de fouets. La pauvre créature fut ar- 
rachée de sa cellule par un agent invisible, 
trainée en un clin-d’oeil au bas de l’escalier, 
au travers de deux portes, ct transportée en 
dehors de la maison auprès d’un torrent qui 


traversait uu coin de la propriété, et puis, 


cachée sous une pile de bois. Quelques 
sœurs, éveillées par ce bruit insolite, volèrent 
à son secours et, entendant les portes s’ou- 
vrir et se fermer violemment, se mirent à 
chercher leur compagne dans la cour. A- 
près de longues recherches elles constatèrent 
qu’une des piles de bois avait été renversée ; 
c’est là qu'ils trouvèrent enfin Crescenre, 
étendue sur le sol glacé, la face contre ter- 
re, en partie recouverte d’un amas de mor- 
ceaux de bois, raidie par le froid et presque 
morte. 

La chose se répétait souvent, sous 
des formes diverses. Dans la saison la plus 
rigoureuse, elle était trainée dehors, la nuit, 


jetée dans le courant et tenue là, si long- 


it en- 
fondu 
aque- 
ut ar- 
sible, 
alier, 
6e en 
nt qui 
L puis, 
elques 
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s s’OU- 
rent à 
r. À- 
itèrent 
rersée ; 
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re ter- 
e mor- 


resque 


, SOUS 
la plus 
a nuit, 
i long- 


DE KAUFBEUREN 31 


temps, qu'on ne peut concevoir qu’elle ne 
se soit pas noyée ou, qu’elle n'ait pas été ge- 
lée à mort ; ses habits étaient tout couverts 
de givre. 

Un jour qu’elle travaillait au grenier, 
le bruit d’une lourde chute se fit entendre. 
La supérieure envoya voir aussitôt quelle 
en était la cause : on trouva Crescence sans 
connaissance, gisant toute ensanglantée en- 
tre deux pièces de bois ; elle avait été lan- 
cée du haut du toit, avait deux dents cas- 
sées, los du nez brisé de façon à laisser 
uue cicatrice qui resta visible toute sa: vie. 

La sœur Johanna raconte qu’un vase 
contenant du lait bouillant fut, en sa pré- 
sence, arraché des mains de Crescence, et 
tout le contenu se répandit sur sa tête, lui 
causant de sérieuses blessures. 

Quelques semaines plus tard, elle s'apprè- 
tait à servir le potage pour la communauté 


quand une figure menaçante apparut, cher- 
chant à enlever la soupière de ses mains. 
La courageuse vierge appela Dieu à son se- 
cours, et la’cuillère à potage à la main, elle 
poursuivit l'étrange voleur, le frappa avec 


mr 
. = 


32 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


vigueur le forçant à abandonner sa proie et 
à déguerpir. Les sœurs qui goûtèrent à 
cette soupe, même ses ennemies les plus a- 
charnées, affirmèrent n’en n’avoir jamais 
mangée de si délicieuse. 

Toutes ces choses causèrent un vif émoi 
dans le couvent, et aucune d’elles n’ésita à 
accuser Crescence de sorcellerie et d’avoir fait 
un pucte avec le diable pour acquérir la répu- 
tation et l’auréole de la sainteté. Il ne faut pas 
s'étonner trop de ces rumeurs, quand on se 
rappelle les opinions que favorisaient les 
préjugés du siècle, et l’on s'explique plus fa- 
cilement la créance qu’on accorda à cette 
calomnie. 

On lui jetait sans cesse à la figure des 
reproches de saïnteté hypocrite, de posses- 
sion, d’illusion diabolique. La plupart 
des sœurs évitaient tout rapport avec elle, 
se signalent à sa rencontre, et redoutaient 
de toucher seulement les habits de cette 
prétendue sorcière. La supérieure elle-mèê- 
me tomba dans ces excès. 

Sur les instances du curé de Kaufbeu- 
ren, une de ses nièces fut reçue dans la com- 


oie et 
rent à 
plus à- 
jamais 


if émoi 
ésita à 
roir fait 
la répu- 
faut pas 
| on se 
ent Îles 
plus fa- 
à cette 


œure des 
e posses- 

plupart 
avec elle, 
loutaient 
de cette 
à elle-mè- 


Kaufbeu- 
18 la com- 


DE KAUFBEUREN 38 


munauté, bien que le nombre des sœurs fût 
au complet pour la quantité de cellules dis- 
panibles, la supérieure commanda à Cres- 
cence de donner sa chambre à l4 nouvelle 
arrivée, bien que, comme professe, elle y eût 
un droit exclusif. Pour donner plus d’au- 
torité à son ordre, elle lui fit remarquer 
qu’elle était une charge pour le couvent, 
n’ayant rien donné, tandis que Melle Kemp- 
ter apportait une dot ; puis elle ajouta sè- 
chement de se chercher un autre eudroit 
pour se coucher. 

Semblable, sous ce rapport au Divin 
Sauveur, elle n’avait dans le couvent où re- 
poser sa tête, et pendant deux ans, elle fut 
obligée d’aller de ci de là supplier ses com- 
pagnes de lui permettre d’étendre son ma- 
telas dans un coin de leur cellule, pour se 
reposer la nuit. La chambre de la maîtres- 
se des novices s'étant trouvée vacante, par 
suite de lu maladie de la sœur Dorothée, qui 
dut être transportée à l’infirmerie, elle lui 
échut alors. 


On ne peut s'empêcher d’admirer cette 
pauvre fille de tisserand, au milieu de tou- 


mr 


Fr ançois, inspirés peut-être par la supérieu- 


bonheur: sans égal. 


34 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


tes ces épreuves : jamais un mot de plainte 
ou de justification ; jamais un eri de pitié, 
demandant grâce de tant d’injustices, n’ef- 
fleura ses lèvres ; toujours la même sérénité 
sur son visage ; toujours un soupir de recon: 
naissance s’échappait de son cœur. 

Une torture d’un autre genre attendait 
la servante de Dieu : 


Deux jeunes prêtres de l’ordre de St. 


re, firent un espèce d'enquête sur le compte 
de Marie- Crescence, pour s’assurer qu’elle 
était possédée du démon et coupable de sor. 
cellerie et d’hypocrisie. Guidés par les pré- 
jugés, ils n’écoutèrent pas l’humble dénéga- 
tion de la pieuse persécutée, te déclarèrent 
que Crescence avait conclu un pacte avec 
le démon et était pervertie tout à fait. For- 
te de. ce jugement la révérende Mère 
Schmid la fit enfermer dans une chambre 


obscure, et ly laissa Jongtemps, presque 
sans nourriture. Le Père de toute consola- 
tion la combla alors de tant de faveurs cé- 
lestes, qu’elle déclara, plus tard, que ce séjour 
forcé dans les ténèbres lui avait apporté un 


CE 


» plainte 
de pitié, 
ces, nef 
sérénité 


de recol: 
attendait 


re de St. 
supérieu- 
le compte 
rer qu’ elle 
ble de sor- 
ar les pré- 
le dénéga- 
\éclarèrent 
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\ fait. For- 
inde. Mère 
e chambre 


bs, presque 
te consola- 
faveurs cé- 
ue ce séjour 
apporté un 


DE KAUFBEUREN 35 


Quelques aunées plus tard Crescence 
fut de nouveau soumise à un procès sévère 
de la part d’un religieux d’ Augsbourg. Cette 
fois encore, elle fut condamnée. ‘Il déclara 
qu’elle devait être envoyée dans un autre 
couvent pour y être gardée à vue, se char- 
uw t de voir lui-même les autorités à ce 
LL Heureusement que ces menaces ne 
turent jamuis mises à exécution. 

Il y avait au delà de deux ans et demi 
que durait cet état de choses lamentable, 
lorsqu'un rayon d'espérance vint consoler 
la servante du Seigneur. La Reine du ciel, 
sa mère bien-aimée, comme elle l’appelait, 
lui apparut un jour, la consola et l’encou- 
agea en l’assurant que bientôt elle serait 
délivrée de cette tyrannie de Satan. Puis 
elle commanda À Crescence de faire, après 
en avoir obtenu la permission, un pélérina-# 
ge au tableau de la Mère de Dieu dans lé- 
glise des Frères Mineurs de Lechsfeld, et 
qu'alors elle serait à jamais délivrée de ces 
persécutions diaboliques. 


Le cœur débordant de joie et de recon- 


naïssance, Sœur Marie-Crescence se rendit 


36 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


fi 
ja auprès de la supérieure et lui demanda, en 
j'a toute simplicité, la permission d'accomplir ce 
| | pieux pélérinage. Elle essuya un refus ; iln’y  ”“# 
HE avait plus aucun espoir de la voir changer 
| [A d'idée, bien que les règles du couvent ne 
| À s’opposassent pas à ce voyage. Le mauvais 
À vouloir de la supérieure, servi par une anti- 
À | pathie aveugle à son égard, était le seul 


obstacle.  Crescence se soumit avec une ré- 
signation et une patience héroïques. 
L'administration répréhensible de la 
Mère Teresa Schmid était devenue si mani- 
feste, que le Père Provincial dût intervenir, 
| et en 1707, elle fut relevée de l’office de su- 
périeure et déposée. C’est, comme nous l’a- 
vons déja noté, le seul cas de ce genre dans 
l'histoire de la communauté. C’est sur 
Sœur Johanna Altweger, femme distinguée, 


PR A LÉ 


A Con ccm En 


Re Er 


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religieuse prudente et remplie de piété, que 


Éd: 
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tombèrent tous les suffrages. 


î À peine installée dans cette nouvelle 
{à dit 
où | fonction, la Mère Johanna songea à rendre 


la vie plus douce à la pauvre, Crescence, 


dont elle avait admiré les hautes vertus : 


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é, que 


Juvelle 
rendre 
scence, 


ertus ; 


DK KAUFBRUREN 37 


elle envoya la pieuse vierge, en compagnie 
de sœur Anna Neth, à Lechsfeld, accom- 
plir le pélérinage depuis si longtemps pro- 
jeté. Nous ue pouvons omettre ici le récit 
des choses extraordinaires qui le signalè- 
rent : 

Les deux pélerines se préparaient pour 
ce voyage- (d'au moins six heures de mar- 
che ) -quand la supéricure se trouva dans 
une grande perplexité, n’ayant personne 
de recommandable pour les accompagner, 
aucune d’elles ne connaissant le chemin à 
suivre. Soudain, un messager se présente 
à la porte du couvent, demandant que si 
quelques unes désiraient aller à Lechsfeld, 
il les accompagnerait volontiers, et leur 
montrerait le chemin. La portière, en fai- 
sant part de cet offre à la Mère générale, 
ajouta qu’elle n'avait jamais vu un jeune 
homme aussi modeste et si bien élevé. 
L'offre fut acceptée par celle-ci, sans hésita- 
tion. L’étranger refusa de prendre toute 
nourriture, disant qu'il allait attendre les 
voyageuses en dehors de la ville et qu'il les 
conduirait sûrement: (C’est ce qui arriva 


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ue 


3m aigrer car” en 


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38 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE 


en eftet. Le long du chemin elles récité- 
rent le chapelet, et le guide inconnu leur 
parla de chosés spirituelles il appuya prinei- 
palement sur les prérogatives de Ja Mère de 
Dieu avec tant d'onction et de charme, que 
les pélerines oubiierent la fatigue et la lon- 
gueur de la route. Elles étaient à une petite 
distance du sanctuaire, quand, tout-à-coup, 
leur compagnon disparut, et à part d'elles, 
aucune forme humaine n'é était visible dans 
la plaine, | 

Un frémissement traversa sœur Anna : 
&“ Qu'est-ce done ? Quel était ce compagnon ? 
demanda-t-elle à son amie,” Mais celle-ci, qui 
savait qu'il valait mieux tire le secret t du 
Roi, répondit évasivement ‘qu’elles étaient 
maintenant en face de l’église, que le guide 
les avait conduit assez loin, et qu'elles “de- 
vaient un hymne de reconnaissance À Dieu 


pour la protection dont il les avait entourées, 


Tout émues, elles pénétrèrent dans le 
temple. Crescence dem meura tout le reste 
du j jour et Jusqu' À une heure avancée de la 
nuit, agenouillée devant le tablean miracu- 


leux. Elles revinrent à la pointe du jour, 


écitè- 

leur 
rinci- 
re de 
e, que 
a lon- 
petite 
COUP, 
elles, 


> dans 


\nna : 
non ? 
el, qui 
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taient 
guide 
es de- 
\ Dieu 
urées. 
lans le 
e reste 

de la 
niracli- 


1 t 
tels. 


u jour, 


DE KAUFBEUREN . 34 


et se préparèrent soigneusement à recevoir 
Dieu duns leur cœur. Après s'être appro- 
chée de la sainte table, Crescence fut ravie 
en extase ; elle demeura dans cet état pen- 
dant une heure, immobile comme une statue, 
tantôt pâle, tantôt la figure empourprée, in- 
sensible à ce qui se passait autour d’elle, an 
point que sa compagne était effrayée n’en 
sachant pas la cause. Notre Dame,de Pi- 
tié lui était apparue, et l’avait assurée, avec 
uue grande bonté qu’à l’avenir elle ne serait 
plus en butte aux persécutions extérieures 
de Satan, mais que cependant elle aurait en- 
core à supporter des souffrances intérieures. 
“ Ne crains pas, toutefois, lui dit la Mère 
de Dieu, je serai ta protectrice. cs 

C’est le cœur surabondant . de consola- 
tion et de gratitude qu’elle reprit le chemin 


du couvent. Elle garda le silence sur ce qui 


lui était arrivé, mais la sœur Anna Neth ne 


put s'empêcher d’en faire part à la supérieu- 


re. Par prudence, celle-ci ne parut pas fai- 
re grand cas de ce récit. Après avoir mû- 
rement réfléchi, elle demanda un jour'à 


à " N . . 
Crescence,. qui ne s'attendait aucunement 


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40 LA V£NÉ£RABLE MARIE-CRESCENCE 


à la question, quel éta': ce péleriu qui leur 
avait tenu compagnie. Lu pieuse vierge 
hésita à répondre. (il lui en coûtait de révé 
ler la grâce extraordinaire dont elle avait été 
l’objet.) Elle confessa humblement que c’é- 
tait son patron spécial, St Antoine de Pa- 
doue. Pressée de questions, elle Ini raconta 
sa vision et la promesse qui lui avait été 
faite. 

Cette promesse fut. en effet, parfaite- 
ment accomplie. Aux ténèbres qui obscur- 
cissaient son âme, succéda l’éclat d’un jour 
brillant de douce pisté, rendant de plus en 
plus étroite son union avec Dieu. La per. 
sécution perdit de son aigreur, bien que. sur 
la recommandation du Père Provincial, l’é- 
pouse du Christ fut encore traitée avec sévé- 
rité. 

On peut bien cacher la vérité pour un 
tempe, mais la détruire, non pas ; un jour 
vient, 0: elle déchire les nuages d’ignorance 
ou de mauvaise foi qui l’assombrissent, et 
éclate glorieusement, Ainsi en fut-il pour 
Crescence. Tous les doutes qu’entrete- 

‘ naïent ses supérieurs, surtout relativement 


ui leur 
vierge 
le réve 
vuit été 
que c’é- 
de Pa- 
raconta 
rait été 


parfaite- 
| obscur- 
un jour 
plus en 
La per. 
que. sur 
cial, l’é- 


ec se vé- 


pour un 
un jour 
pnorance 
issent, et 
t-il pour 
h’entrete- 


tivement 


DE KAUFBEUREN 4i 


à ses extases et à ses révélations, se dissipè- 
rent par dégrés, Dieu se plut à les confirmer 
d’ailleurs par un témoignage irrécusable. 
Y'était en 1716, le P. Provincial faisant 
la visite de la communauté, et se trouvant 
dans une grande perplexité au sujet de la 
servante de Dieu, il demanda une preuve 
tangible de ces grâces surnaturelles. Il é- 
toit seul dans le parloir et désirait cacheter 
une lettre avec de la cire, quand une pensée 
lni traversa l’esprit : Si, pensa.t-il, sans a- 
voir été avertie, Crescence se présente, avec 
une bougie allumée, je considèrerai cela 
comme une marque lJuwelle est guidée par 
Pesprit de Dieu. ” Et il lui commanda, 
mais intérieurement seulement, d’apporter 
une lumière. Quelques instants après, on 
frappait à la porte du parloir, c'était Cres- 
cence qui lui apportait une chandelle allu- 
mée ; réprimant aussitôt sa surprise, il Jui 
demanda : ‘“ Maïs pourquoi cette bougie, 
Crescence ? Il fait grand jour, et vons m’ap- 
portez une lumière ! Elle reprit. ‘ Est-ce 
que votre Révérence n’en a pas besoin pour 
cirer sa lettre ; j'ai senti le besoin de vous 


49 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


l’apporter. ” Le Pére provincial, intime- 
ment convaincu de sa vertu, raconta à lu su- 
périeure et aux autres cette circonstance ex- 
traordinaire, et il ne put s'empêcher d’ajou- 
ter : “ La piété de Crescence est naturelle et 
vraie ; Dieu est avec elle, c’est Jui qui la 


guide. ” 


intiine- 


\ lu su- 
nce eX- 
d’ajou- 
relle et 


qui la 


IV 


Multiplication des pains.— Fête de la Portioncu- 
le— La propagation de la foi.— Pacte d'amour.— Le 
St.-Sacrement.— La manne Céleste— Faveur extraor- 
dinaire— Epreuves et consolations.—- 


La prière, le travail, la souffrance, telle 
fut la vie de Crescence pendant les quarante 
et un ans qu’elle passa dans le cloître. Bien 
que ce soit là la dévise. de toute religieuse, 
ce qui excite l’admiration, c’est précisement 
la manière dont elle pratiquait ces obliga- 
tions journalières. Une volonté de fer se 
cachait sous cette complexion faible et dé- 


S FU 


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44 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRÉSCENCE 


licate; et son zèle et ses talents la mettaient 
en état d'exécuter, à la satisfaction géncrule. 
tous les emplois du couvent. Les premières 
années, elle fut mise aux travaux de la cuisi- 
ne et à un labeur fatiguant ; elle tissa Îles 
vêtements des sœurs et leur enseigna même 
l’art de travailler au métier. 

Plus tard, quand les persécutions eurent 
pris fin, elle fut nommée portière, charge 
qu’elle remplit pendant seize ans avec une 
vertu et une charité remarquables. Puis, elle 
devint subséquemment infirmière, maitresse 
des novices, pour être enfin élue supérieure. 
Bien qu’affaiblie par la maladie, elle demeu- 
ra toujours infatigable dans l’accomplisse- 
ment de ces diverses fonctions. Son corps 
était tourmenté par une fièvre intense que 
les médecins ne pouvaneit expliquer ni soula- 
ger. Rien ne pouvait étancher sa soif. A 
plusieurs reprises, elle fut ramenée àl a santé 
d’une façon étonnante. 

La pauvreté du couvent était telle, que 
{es sœurs étaient forcées de se livrer au tra- 
vail manuel pour vivre. La Mère Johanna 
trouva à peine un demi-florin dans le trésor 


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àl a santé 


telle, que 
rer Au tra- 
Johanna 
s le trésor 


DE KAUFBEUREN 45 


lorsqu'elle prit charge des uffuires. Cette 
gène avait douné lieu à un abus consacré 
par plusieurs années d'usage, de réciter l'of- 
fie des vêpres et de complies, non à l’église, 
mais à lu salle d'ouvrage, tout en travaillant. 
Crescence si timide et si craintive, quoiqu’a- 
lors l'une des pias jeunes religieuses, alla 
trouver la supérieure et lui intima respec- 
tueusement, que Dieu voulait voir cesser 
cet abus et que l'office fut déosrmais récité 
dans l’église, ‘ Le Seigneur bénirait, dit-elle, 
cette action. ? 

Surprise de cette démarche autoritaire, 
la supérieure fit cependant mettre de côté 
cet abus ; de ce temps les bénédictions du 
ciel devinrent visiblement plus nombreuses 
et plus abondantes, et souvent se manifes- 
tèrent d’une manière miraculeuse : 

Les pluies torrentielles ou les grêles, 
qui répandirent lu dévastation dans la con- 
trée entière, épargnèrent cependant les pro- 
priétés du couvent. Une longue expérience 
apprit à la supérieure et aux autres religieu- 


ses, que les provisions, tels que la farine, le 
beurre, le lard, ete, confiées à la garde de 


46 LA VÊÉNERABLE MARIE-CRESCENCE 


Crescence, loin de diminuer, se multipli- 
aient par une permission divine. Ce fait se 
répéta souvent, alors qu’elle était portière, 
lorsqu'il s'agissait de distribuer l’aumône 
aux pauvres : “ Un jour raconte le Rev. P. 
Ott, il se présenta, à la porte du couvent, une 
foule si nombreuse, de la ville et des campa- 
gnes voisines, que les vivres se trouvèrent 
insuffisantes, Crescence, pleine de confiance, 
invoqua Celui qui, avec cinq pains et cinq 
poissons avait nourri cinq mille personnes, et 
se mit à faire le partage ; non seulement, cha- 
eun fut servi à souhait, il y en eût même 
beaucoup de reste. 

Malgré tous les efforts, les religieuses 
n’avaient pu se procurer du poisson pour la 
fête dite, de * La Portioncule ” qui tombait 
un vendredi. Crescence voyant l'embarras 
de la communauté, qui avait l’habitude de 
dunner à cette occasion l'hospitalité aux vi- 
siteurs du couvent, les exhorta à ne pas dé- 
sespérer, que St Pierre ne pourrait s’empê- 
cher de prendre une grande abondance de 
poissons. C’était le premier Août, fête de 
St Pierre aux liens. Dès l’aube, le lendemain 


ultipli- 
fait se 
rrtière, 
umône 
Rev. P. 
nf, une 
Cam pa- 
vèrent 
fiance, 
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nes, et 


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œieuses 
pour la 
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nce de 
fête de 
lemain 


“4 
ne 
4 


DE KAUFBEUREN 47 


on vint apporter une grande quantité de 
poissons. 

Un jour que les religieuses essayuient 
en vain à lever une grande statue pour la 
placer sur le maître-autel, Crescence sur- 
vint, et à peine avait-elle posé la main sur 
l'image, qu'aux yeux de tout le monde, la sta- 
tue se souleva d’elle-même, et alla occuper 
la place qui lui était destinée, 

Une comtesse de Vienne lui avait fait 
don d’un magnifique Enfant Jésus en cire. 
La servante du Christ aurait bien vonlu l’ex- 
poser dans l’église, vêtu d’une riche robe, 
mais elle n'avait absolument rien pour en 
payer le coût. Elle l’acheta cependant, comp- 
tant que le Divin Enfant ne manquerait 
pas de payer lui-même pour sa robe, -comme 
elle disait.— Pendant qu’elle faisait admirer 
à ses compagnes la richesse de ce vêtement, 
la portière remit à Crescence une lettre ve- 
nant d’une personne inconnue. Un cri d’ex- 
clamation s’échappa de toutes les bouches, vu 
qu’elle contenait exactement le montant né- 
cessaire pour en solder le prix. 


C’est ainsi que, semblable aux eaux 


ë 


48 LA VÊEN@RABLE MARIE-CRESCENCE 


limpides d’une belle vallée, les jours de la 
Vénérable Marie-Crescence, oubliée du mon- 
de, s’écoulèrent doucement dans la paix du 
Seigneur, et la pratique d’uno charité et d’u- 
ne hamilité inaltérables. 


& La foi, disait la vénérable Crescence, 
est le seul chemin qui mène infalliblement 
à Dien, et qui nous donne le pouvoir de le 
posséder autant qu’il est permis ici-bas, 
Convaineue de cette vérité, elle estimait la 
foi audessus de tous les dons ; sea lèvres üc 
cessaient de louer Dieu, et de le remercier 
de l’avoir fait naître de parents catholiques, 
et cela, dans une ville où la moitié de la po- 
pulation était protestante. Aussi son zèle 
pour la propagation de la vraie foi ne s’arrê- 
tait-il pas aux limites de son pays. On l’en- 
tendit souvent s’écrier ‘ Si je n'étais pas 
femme, je m’embarquerais sur le premier 
vaisseau en destination aux Indes, pour y 
porter la semence de vérité, où y verser mon 
sang pour la gloire de Dieu. ” Sa foi était 
is ardente, que la seule mention de quelque 


INCE 


urs de la 
» du mon- 
a paix du 


ité et d’u- 


‘rescenee, 
liblement 
oir de le 
ici-bas. 

stimait la 
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remercier 
holiques, 
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son zèle 
ne #’arrô- 
On l’en- 
itais pas 
premier 
, pour y 
rser mon 
à foi était 


» quelque 


DE KAUFBEUREN 49 


mystère s'y rattachant la faisait tressaillir. 
Un jour, elle lisait au réfectoire le martyro- 
loge, elle ne pat dominer son émotion lors- 
qu'elle arriva à parler de la nativité, et fon- 
dit en larmes. Elle possédait, au dire de plu- 
sieurs théologiens de l’époque, la science in- 
fase pour tout ce qui concernait la foi ; La 
fille ainée de la foi, c'est l’espérance. Cres- 
cence avait dès sa jeunesse pratiqué cette 
belle vertu, et les tempêtes qui venaient as- 
sailir son cœur étaient impuissantes À en 
arracher l'ancre de lespérance en Dieu. 
Cette confiance la fortifiait et retrempait 
sans cesse son Courage. Son unique crainte 
était la crainte de Dieu ! C'était même sa 
force au thilieu des épreuves ! 

Depuis le jour où Crescence, encore en- 
fant, fut tavorisée d’une vision de l'Enfant 
Jé-us, un sentiment d’amour céleste remplit 
son cœur, et devint si intense, qu’il finit par 
consumer 801 corps. Cette flamme divine 
se reflétait dans tout ce qu’elle disait, dans 
ses pensées et dans ses actions. L'amour lui 
donne des ailes ‘pour s’élever auprès du trô- 
ne de la Sainte Trinité, lui exposer les be- 


50 LA VÉNÉRABLE MARIE CRESCENCE 


soins de l’église, l’état des pécheurs et des 
Âmes du Purgatoir:. pour voler, comme la co- 
lombe, vers toutes les terres, annoncer l’évan- 
gile aux infidèles, pour butiner, semblable à 
l’abeïlle, et, insinuer dans toute créature le 
miel de l'amour. ‘ L'amour disait-elie, est 
mon meilleur précepteur : :l apprend à me 
dominer, à obéir, à souffrir. Quand je pour- 
rais devenir un ange par une seule parole 
qui ne fut inspirée par l’amour de Dieu, je 
je ne dirais point cette parole. ?”’ 


Elle avait une telle horreur du péché 
qu’on l’entendit souvent s’écrier : “ O mon 
Dieu, envoyez moi toutes les croix : la ma- 
ladie, la tristesse, le mépris, les souffrances, 
mais, éloignez de moi la coupe du péché ; 
je préfèrerais même souffrir les peines de 


l'enfer sans avoir péché, plutôt que d’entrer 
au ciel avec une faute vénielle sur la cons- 
cience ; ” 


Crescence allait à confesse deux où trois 
fois la semaine, et y apportait un soin extra- 
ordinaire ; Sa douleur était si intense qu’elle 
se manifestait au yeux de tous. 


DENCE 


urs et des 
mme la co- 
icer l’évan- 
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créature le 
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du péché 

‘ O mon 
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ouffrances, 
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Le d’entrer 
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\ ; . 
1X où trois 
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nse qu’elle 


C2 
md 


DE KAUFBEUREN 


Une de ses compagnes, la Sœur Miller, 
rapporte que pour stimuler sa piété, Cres- 
cence lui déclara qu’elle renouvelait chaque 


jour avee Dieu un contrat d’amour ; 


qu’elle lui faisait l’offrande de toutes les 
pulsations de son cœur, de tous ses soupirs, 
afin d'obtenir ce dégré de perfection qui 
constitue l’essence de Dieu. Elle a fait vœu, 
en 1725, de l’assentiment de ses confesseurs, 
d'éviter même les plus petites fautes ou 
imperfections, et l’exécuta fidèlement jusqu’à 
sa mort. On eut pu l'appeler avec justesse, 
une martyre de l’amour. 

Ce feu intérieur ne pouvait mauquer d’af- 
fecter le corps de la Vénérable Crescence. 
Si faible, si émacié qu'était son corps, on 
remarquait qu'une chaleur extraordinaire le 
pénétrait. Elle ne pouvait souvent support »r 
la fièvre qui consumait ses veines, et on dut 
lui fire des applications froides pour la sou- 
lager. On attribue à cette cause ses fré- 
quentes hémorragies. 


“ La volonté Divine et le St. Sacrement, 
voilà mes délices sur la terre, s’écria un jour 
Crescence” ! En effet, sa dévotion au Saint- 


52 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


Sacrement, ce miracle des miracles était «si 
intense que, malgré sa débilité extrême, elle 
séjournait, uon seulement des heures, mais 
souvent des demi-journées entières devant le 
Tabernacle. Même lorsqu'elle était obligée 
de se faire transporter à la chapelle, par ses 
compagnes, alors qu'elle ne pouvait aucu- 
nement marcher, on la voyait se tenir à 
genoux, pendant un temps bien long, dans 
la position respectueuse d’un ange, rien au 
dehors ne pouvait la distraire ; elle oubliait 
alors toutes ses souffrances, et buvait à longs 
traits la coupe de l’amour Divin : il arriva 
que des religieuses prises de compassion: 
l’engagtrent à s’épargner, et à ne pas séjourner 
si longtemps dans l’église, À cause du froid. 
‘ En trouverez-vous, répondit-elle, plus de 
force, et de chaleur vivifiante que dans le tem- 
ple Saint ?”” Chaque fois qu’on la consul- 
tait dans les difficultés et les afflictions, elle 
n'avait rien de plus pressé que d’accourir à 
l'autel, implorer lumière et consolation. 

Le soin extrême qu’elle apportait à tout 
ce qui touchait au St. Sacrement prouve 
encore son amour pour Jésus-Hostie. Pour 


JNCE 


s était si 
rême, elle 
res, mais 
devant le 
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e, par ses 
ait aucu- 
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, plus de 
ans le tem- 
la consul- 
tions, elle 
accourir à 
ation. 
tait à tout 
it prouve 
ie. Pour 


LE KAUFBEUREN D 


elle, le Tabernacle et les autels n'étaient 
jamais assez somptueusement décorés. Et 
lui adressait-on quelques présents de valeur, 
elle s'empressait de les employer, avec Pas- 
sentiment de la supérieure, à l’ornemen- 
tation de la chapelle. 

Un jour, on lui commanda de faire une 
besogne qui l’obligeait de passer souvent 
devant le St. Sacrement, ne pouvant s'arrêter. 
elle adressait chaque fois cette prière jacula- 
toire au Sauveur : ‘“ Pour votre amour, 
o mon Dieu, et par obéissance ”. Lorsque, 
pour la dernière fois, elle traversait l'autel, 
elle remarqua comme un faisceau de flammes 
qui s'en échappait. Tout étonnée, ‘lle en 
demanda l'explication au Seigneur. ‘ Ce 
sont, dit-il, les inspirations d'amour que tu 
m'as adressés, en passant devant mon Taver- 
nacle,”? 

L’édification et le ravissement gagnaient 
tous ceux qui voyaient la fiancée du Christ 
s'approcher de la sainte Table, Son désir 
de recevoir Dieu dans son cœur était si 
intense, que le plus léger retard lui semblait 


intolérable, elle était si affamée de cette 


54 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE 


nourriture céleste qu’on l’eût dit mourante, 
souvent avant de communier, elle pouvait à 
peine marcher ou parler ; une vie nouvelle 
l'animait, dès qu’elle avait reçu le pain des 
Forts ; un parfum exquis se répandait autour 
d’elle. Elle restait des heures entières 
immobile, à genoux, tantôt pâle comme de 
la cire, et tantôt ies joues empourprées de 
sang, mais son expression restait toujours si 
douce et si belle, que tous les témoins en 
étaient eux-mêmes épris de dévotion et d’a- 
mour. ‘“Je préfererais volontiers, dit-elle 
un jour, renoncer aux joies du ciel, excepté 
à la possession et à la vision de Dieu, plutôt 
que d’être privée d’une seule communion. ” 
On rapporte, dela Vénérable Crescence, 
un fait merveilleux qui est consigné dans les 
actes de sa béatification. Son désir de la 
communion quotidienne était d’une ardeur 
extrême ; il n’y avait qu’un certain 
nombre de jours de communion par semaine 
pour la communauté, elle ne pouvait espérer 
que la supérieure ferait exception en sa 
faveur. Or, le 15 juillet 1721, fête de sa 
patronne, au moment où le prêtre prononce 


nouvelle 
pain des 
itautour 
entières 
omme de 
rprées de 
oujours si 
moins el 
on et d’a- 
s, dit-elle 
, excepté 
eu, plutôt 
nunion. 
Crescence, 
é dans Îles 
sir de la 
ne ardeur 
certain 
r semaine 
ait espérer 
ion en sa 
fête de sa 
prononce 


DE KAUFBEUREN 29. 


les paroles, “ non sum dignus,” la vierge 
obéissaute, vit des anges s’avancer vers 
elle, un Séraphin tenait une Hostie qu’il 
vint déposer sur sa langue. Ce miracle s’est 
renouvelé pendant deux ans, chaque fois que 
la communion ue se faisait point en commun, 
c'est-à-dire, jusqu'au 27 octobre 1723. Le 
Rev. Père Lieb, son confesseur, à qui Cres-. 
cence fit part de cet incident, en fut étonné, 
et lui conseilla de recevoir une si grande 
urâce avec humilité et reconnaissance, se 
proposant bien d’en rechercher soigneuse- 
ment la réalité. Il implora l’inspiration d’en 
haut par la mière,et il supplia Dieu intérieure- 
ment, et sans en avoir parlé à personne, de 
permettre la suspension, pendant trois jours, 
de cette faveur insigne, en faisant aussi 
intérieureiment défense à Crescence de com- 
munier pendant ce temps, (C'était à sa 
messe que ce phénomène avait coutume 
d’avoir lieu. 

À l’expiration des trois jours il deman- 
da à la servante de Dieu com ment elle était : 
“ je ne puis pas être gaie, depuis trois jours, 
je n'ai pas reçu lu sainte communion, je 


He 


5 


D res mate, Ar 


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Et 
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LE 7 


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il 

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56 LA VENÉRABLE MARIFE-CRESCENCE 


erains d’avoir commis quelques péchés ” ; 
Le Père Lieb répondit évasivement.  [lpria 
Dieu de lui continner cette grâce, si vrai- 
ment elle provenait de Lui. Le lendemain, 
Crescence l’informa, en effet, qu’elle avait été 
de nouveau communiée de la main des 
Anges. 

Le religieux, désormais convaincu, fit 
part de ce fait merveilleux à la supérieure. 
Cependant, ce mode extraordinaire et insolite 
de satisfaire sa piété, repugnaît à Crescence 
qui suppliait Dien de lui accorder la com- 
munion quotidienne, mais de la manière 
ordinaire. La Providence disposa les évè- 
nements de telle façon, qu’elle n'eut pas 
besoin d’en faire la demande à la supérieure. 
L'épouse du Christ tomba gravement malade 
par l’excès d’amour ; un sang bouillant brû- 
lait ses veines, aucun remède n’y faisait, elle 
allait mourir. Soudain, une pensée vient À 
l'esprit de sou cnfesseur, il sollicite du Père 
Provincial, pour la pieuse religieuse, la per- 
mission de communier chaque jour.  Celui- 
ci y accède sans hésitation, Crescence est 


dans la jubilation à cette nouvelle ; le 27 


CE 


. 


chés a ; 

I pria 
si vrai- 
demain, 
avait été 


ain des 


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manière 
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eut pas 
ipérieure. 
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uisait, elle 
e vient à 
e du Père 
se, la per- 
r. Celui- 
vence est 
le ; le 27 


DE KAUFBEUREN 57 


octobre 1723, elle profite de ce privilège. Sa 
santé s’améliora aussitôt. Le vrai remède 
était trouvé. 

Un autre jour, son confesseur, pour 
l’éprouver, lui défendit de s’approcher de la 
sainte Table. Pendant qu’il s’apprêtait a 
communier lui-même, à sa messe, il fut tout 
étonné de constater qu'une moitié seulement 
de l’Hostie était dans la patène. Touc 
attristé, il chercha l’autre partie, mais en 
vain, Après la messe, il recommença ses 
recherches, sans pouvoir retrouver la par- 
celle qui manquait. Il fit part de son 
inquiétude à la supérieure, et tous deux se 
décidèrent enfin à questionner Crescence à 
ce sujet. Confuse et timide, elle répondit : 
“Mon ange gardien est venu m'apporter 
l’autre parcelle de la Sainte Hostie”’. 


Jamais plus on ne la priva de la com- 
communion quotidienne, et vingt années 


. durant jusqu’à sa mort, elle reçut cette manne 


Divine. 


Un jour qu’elle priait devant le Saint 
Sacrement, répandant son âme dans le Sacré- 
Cœur de Jésus, il lui sembla que des rayons 


ae — 


Dans na Put. 


58 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRE6CENCE 


partant du Tabernacle, venaient frapper son 
cœur, et qu’elle entendait une voix lui dire : 
“ voici la preuve de mon amour pour toi,” 
et il lui présenta son cœur.  Crescence, ravie, 
offrit le sien à son Divin Epoux, le priant 
de le faire sien, et d'accomplir partout 
et toujours sa sainte volonté. 


Une autre fois, semblable à l'épouse des 
Cantiques, elle soupirait après son Bien- 
aimé, le Divin crucifié lui apparut dans la 
gloire d’une lumière extraordinaire, le cœur 
ouvert et transpercé de coups. Prise de 
compassion, elle s’écria : ‘“ Mais qui donc, 
O Seigneur, vous a causé ces blessures ? ”’ 
‘ Mon enfant, dit-il, doucereusement, ce sont 
les soupirs de ton amour qui ont ainsitrans- 
percé mon cœur, je m’en réjouis. L'amour 
et la souffrance augmenteront ton bonheur”. 
Ces paroles, tombées des lèvres du Sauveur, 
eurent pour effet d’accentuer encorele désir 
insatiable de Crescence pour de plus grandes 
souffrances, 


NCE 


\pper son 
lui dire : 
our toi,” 
ce, ravie, 
le priant 

partout 


Jouse des 
on Bien- 
: dans la 
, le cœur 
Prise de 
qui donc, 
ssures ? ”” 
t, ce sont 
nsi trans- 
L'amour 
onheur”. 
Sauveur, 
ele désir 
s grandes 


L'nstitution du chemin de la croix.— Le crucifix 


enlevé.— Les verges de la flagellation.— Le tableau de 
Rufin : le Saint-Esprit.— Crescence et l'Enfant de Beth- 
léem— Salutation angéiique— St.Joachim honoré 
dans l’église. — 


Vivre, aimer souffrir avec Jésus-Christ, 
tel est le but poursuivi par tous les Saints. 
On peut dire avec vérité de Crescence, qu’elle 
vivait tout entière dans le Christ et le Christ 
en elle. Son bonheur était de méditer sur 


les divers mystères de la vie du Sauveur. 


st AUS FD SEE + a 


Rs 


ie 
| 
| 


60 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE 


La fête de Noël provoquait chez elle de 
nouvelles ardeurs, et sa piété en recevait de 
nouvelles faveurs. Un jour qu’elle s’adres- 
sait à la mère de Dieu en ces termes : 
‘“ O Marie ! béni et honoré soit le noble tré- 
sor que vous à confié le St. Esprit ! loué soit 
le fruit de votre sein ! Pour réponse, la 
Ste. Vierge lui présenta l'Enfant Jésus, 
le déposa dans les bras de Crescence, qui 
demeura longtemps absorbée dans un déli- 
cieux ravissement. 


Sa pensée dominante était cependant 
la Passion de notre Seigneur. Onaurait pu 
lui appliquer la parole de St. Paul, qu’elle 
était, avec le Christ, clouée à la croix. Les 
souffrances du Divin Crucifié faisaient l’ob- 
jet constant de ses méditations. C’était son 
livre favori : De même que l’abeille qui va 
de fleur en fleur, butinant le suc parfumé 
dont elle doit faire le miel, ainsi son cœur 
recherchait les blessures du rédempteur, pour 


en tirer la douceur de l’amour et le nectar 


de la grâce. 
Elle avait appris à ses religieuses à 
rapporter chacune de leurs œuvres à quel- 


CE 


z elle de 
evait de 
s’adres- 
termes : 
oble tré- 
loué soit 
onse, la 
t Jésus, 
nce, qui 
un déli- 


ependant 


urait pu 
1, qu’elle 
ix. Les 
ent l’ob- 
était son 
le qui va 
parfumé 
son cœur 
eur, pour 
le nectar 


rieuses à 
; à quel- 


DE KAUFBEUREN 61 


que mystère se rattachant à la Passion de 
notre Seigneur. Elle fit peindre les stations 
d'un chemin de croix qu’on admire encore 
dans le couvent, et introduisit la pieuse cou- 
tume de faire le chemin dela croix, coutume, 
aujourd’hui, répandue par tout le monde. 
Pendant le Carême et la Semaine Sainte, 
elle redoublaïit ses jeûnes, et son esprit ne se 
détachaït point de la croix. Chose digne 
de mention, elle connaissait à fond les 
détails historiques et géographiques de la vie 
et des souffrances du Sauveur, à un tel point, 
que la minutieuse exactitude de son écrit 
étonna un Franciscain qui avait lui-même 
visité Jérusalem, la Palestine et la Judée. 
L’humble fille de tisserand qui connais- 
sait à peine les bornes de la Bavière, avait 
dû avoir un précepteur surnaturel. 

Bien qu'elle ne reçût point, à l'exemple 
de certains saints, la grâce des Stigmates, 
Crescence fut cependant jugée digne de par- 
ticiper d’une façon mystique à la Passion du 
Rédempteur. On ne peut évoquer en 


doute l'existence, chez elle, des souffrances 
réelles. Quoiqu’elle cherchât à cacher cet 


‘ 


y 62 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 

ta état aux yeux du monde, il ue put toutefois 

be fi échapper aux religieuses du couvent. Lors- u 

id à que, le jeudi soir la cloche du monastère tin- b 

ul tait pour rappeler l’agonie du Sauveur, tout d 

ta son être respirait subitement la douleur, et 

tif elle devenait semblable à une mourante. Le a 

7 | vendredi, elle était siattristée et sisouffrante, 4 s 

Mi qu’elle pouvait à peine marcher ou parler, l 

ni ; ces symptômes se remarquaient par leur  ! v 

KL } intensité extrême, surtout, de neuf heures c 

hi du matin, à trois heures de l'après-midi. 8 
Presque jamais elle ne prenait de nourriture ( 
ce jour-là. Ilarriva suuvent que la supé- 6 
rieure lui commanda d’aller se reposer ; et = c 
elle la trouvait plus d’une fois, immobile et | 
à moitié morte dans son lit. Ces manifes- | 
tations se répétant à des intervalles réguliers, 
sans cause naturelle, on en vint à la conclu- ; 
sion que la pieuse religieuse, non contente de é 
méditer sur les souffrances du Christ, avait 6 
obtenu de les reproduire dans son corps. | 
La sœur Bernadine assure qu’elle a été 


témoin de ce fait pendant dix-neuf ans. 


fois 
ors- 
tin- 
tout 
r, et 

Le 
nte, 
rler, 
leur 
ures 
idi. 
ture 
upé- 
; et 
le et 
ifes- 
icrs, 
clu- 
> de 
vait 
rps. 


été 


DE KAUFBEUREN 63 


Il y avait dans la cellule de Crescence 
un grand crucifix, pour lequel elle avait 
beaucoup de vénération ; on en disait des 
choses merveilleuses. 

Un matin que Crescence était à l’église 
avec la communauté, la supérieure enjeva 
secrètement le crucifix de la cellule, et alla 
le cacher dans un endroït où personne n’a- 
vait accès. Deux jours s’étant écoulés sans 
que Crescence soutfla mot de cette perte, elle 
se décida à lui demander si elle avait son 
crucifix. ‘ Mais oui, dit-elle, il ne m’a jamais 
quittée.” La supérieure s'étant rendue à la 
chambre, constata qu’il était accroché à su 
place ordinaire. Personne ne pouvait l’avoir 
découvert et rapporté là. 

Un autre fait plus remarquable est 
mentionné dans son procès de béatification. 
Un jour qu’elle méditait sur la flagellation 
de notre Seigneur, elle fut ravie en extase 
et il lui fut donné de voir les verges dont on 
s'était alors servi. La supérieure vint sur 
les entrefaites, et Crescence dut lui confesser 
ce qui venait de se passer. Sur ce, la maî- 


tresse voulant s’assurer de la vérité, ordonna 


64 LA VÊNRRABLE MARIE-CRESCENCE 


à la religieuse de lui faire, sur le champ, le 
dessin des instruments de torture, tels qu’elle 
venait de les voir, et lui remit, à cette fin, 
une grande feuille de papier. Crescence 
m'avait jamais appris le dessin ; cependant, 
son obéissance triompha de son ignorance. 
Prenant le papier, manière simple et aisée, 
elle traça, en quelques tonches, un fouet d’é- 
pines tressées, et des verges ornées de pointes 
aigues, le tout si artistement et si parfait, 
que le dessin attira alors, et attire encore 
l’admiration de tous ceux qui l’ont vu. Ceci 
avait été accompli par l’humble paysanne, 
sous les yeux mêmes de la supérieure, en 
dehors de tout aide humain étranger. 

Le Saint-Esprit, le fidèle compagnon de 
cette enfant prédestinée ne pouvait man- 
«uer de se manifester souvent à celle qui lui 
avait élevé un autel dans son cœur. C'est 
sous la forme d’un jeune homme qu’il lui 
apparaissait. 

Ceci donna lier à une bulle du souverain 
Pontife, Benoit XIV, ordonnant à l’évêque 
d’Augsbourg de faire une enquête sur la 
vie de Crescence, et des faits miraculeux qui 


DE KAUFBEUREN 65 È ï 
AP, le lui était attribués. Il soutint, appuyé sur F4) 
u’elle F le principe reconnu de l’église, que Dieu ne fo il 
Roi: peut être reproduit que dans la forme: sous # : 
re laquelle il a daigné apparaître aux hommes, à | 
sal et appliquant ce principe au St. Esprit, il i | 
en déclara que toute représentation du St-Esprit, à } 
ot autre que sous la forme d’une Coïiombe, ou 4 ‘ 


j de langue de feu, n’est pas d’accord avec A : 
jointes Aus + MB | 
les principes et la coutume de l’église. ï 


arfait, Le ü 
nue Ce décret suscita beaucoup de difficultés, FL 
3 A ? ."n Q Li 
Ceci lors du procès de béatification de Crescence, AR 
cg h 5 UM 
* mais d’un autre côté, fut canse qu’une enquête tea 
sanne, | à 4 pie 
complète fut faite, et se termina à l’hon- he | 
re, en : MR 
: neur de la servante de Dieu. ps 1 
Il fut etabli d’abord, que le mode de h :l 
non de , é F , es 
représenter le Saint Esprit sous la forme ÿ 
t man- pu CS ; SUR 
bi d'un jeune homme, remonte à une époque 14 
ui lui , ; RE. 
7 bien antérieure à la vénérable Crescence. En || 
est . . ÿ 1 14 
ST lu; De temps immémorial, en Allemagne, et F1) 
u il lu : . M, ic ii ; eus |: 
spécialement en Bavière, il existait des pein- ae | 
Û tures représentant le Saint Esprit sous cette É 
uverain ! | 
« forme. Il fut prouvé, en outre, que ce n’était À | 
’évèque à ‘hi Fi 
pas Crescence, maïs bien la Mère Johanna OS 
sdr là d c 3 A il 
s qui avait repandu de ces petites images sur 1:11 
leux qui NE: ; h, LA 
lesquelles était gravé le nom de Crescence, P. | 


) 


66 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRE&CENCE 


et que celle-ci devenue la supérieure, en 


prohiba lu propagation, et les confisqua. 
Crescence, en effet. vit le Saint Esprit 
lui apparaître sous la forme ‘d’un jeune hom- 
me d’une taille magnifique, revêtu d’un 
vêtement blanc comme la neige, la tête nue, 
les cheveux bouclés. La supérieure désirant 
avoir une pañture de grandeur naturelle de 
l'Esprit Saint qui apparut à la pieuse reii- 
gieuse, s’adressa, en 1727, à un peintre de 
Munich, du nom de Ruffin. Celui-ei ne 
put tenir aux difficultés qu’il rencontrait à 
faire un tel portrait. La servante de Dieu 
reçut l’ordre de faciliter l’œuvre à l'artiste, 
et de lui fournir toutes les indications néces- 
saires, pour en faire un tableau ressemblant 
à la vision qu’elle avait eue. Si dur que 
fut cet ordre pour son humilité, Crescence 
obéit, et en quelques jours, le tableau fut ter- 
miné. Ce fut une œuvre d’art, admirée de 
tous, et au grand étonnement du peintre, lui- 
même. Il voulut en faire une copie pour la 
comtesse Amalia plus tard, impératrice, et 
qui était une grande admiratrice de Cres- 
cence. Mais, chose étonnante, jamais il ne 


re, en 
IsqUua. 
Esprit 
e hom- 

a d'un 
te nue, 
lésirant 
relle de 
ise l'eii- 
intre de 
ui-ei ne 
ntraît à 
de Dieu 
l'artiste, 
ns néces- 
semblant 
dur que 
rescence 
u fut ter- 
mirée de 
intre, lui- 
e pour la 
atrice, et 
de Cres- 


ais ilne 


DE KAUFBEUREN 67 


put assortir ses peintures et réussir parfaite- 
ment. 1] reconnut alorsqu’il avait dû rece- 
voir l'inspiration du Saint Esprit, grâce à la 
vertu de Crescence,. 

Cette peinture orne encore la cellule de 
la sainte épouse du Christ. Les regards s’arrè- 
tent étonnés et ravis à lu vue de ce tableau 
d'art et d: loi : ‘“ Qui aime Jésus aime sa 
mère, et ceiu1 qui aime la mère de Dieu doit 
également aimer son fils” ; répétait souvent 
l’amante du Sauveur, et la préférée du Saint 
Esprit. C'était toujours avec des paroles 
imprégnées d'enthousiasme, d’umour, qu’elle 
parlait de la reine du ciel et de la terre ; 
elle disait souvent : ‘ Oh ! que je serais 
heureuse d'offrir le sacrifice de ma vie pour 
le mystère sublime de la conception imma- 
culée de Marie, et de verser mon sang pour 


soutenir la constante virginité de la mère de 
Dieu.” 


Chaque jour, elle récitait l'office de la 
Sainte Vierge, de l’immaculée Conception 
et le rosaire ; elle exhortait sans cesse les 
personnes qui se recommandaient à ses 
prières de recourir à la mère de miséricorde, 


2 2 Cr a 


tirer Pa AS Dome 


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patents mean ane ges me em 


68 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE 


assurant que jamais sa prière avait été reje- 
tée. Elle se confiait à Marie comme une 
enfant à sa mère, lui faisant part de 
ses joies comme de ses douleurs. Elle ne se 
présentait jamais à la Sainte Table sans lui 
avoir auparavant exposé son dénuement, et 
sans lavoir suppliée de couvrir sa misère du 
manteau de ses vertus pour être mieux ac- 
ceuillie du Roi du ciel. 


Un tel amour et une si profonde vént- 
ration ne pouvaient manquer de Jui attirer 
en retour des faveurs signalées. La Ste.-Vier- 
ge lui apparut fréquemment, et remplit son 
cœur d’ineffables consolations. Nous avons 
déjà relaté la promesse que la mère de 
Dieu lui avait faite, dans son enfance, d’être 
sa procctrice. Il lui fut donné de voir, dans 
une vision béatifique, l’entrée triomphale de 
la Reine des cieux dans la cité de Dieu ; 
elle fut son soutien dans les persécutions de 
ses premières années de noviciat, son espi- 
rance et sa consolation,. lorsqu’elles s’élevè- 
rentcontre elle comme des montagnes, 

Un jour qu’elle priait instamment la 
Mère du bel amour, de lui obtenir le don 


L) 


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L) 


LE KAUFBEUREN 69 


d'aimer Dieu de plus en plus, elle lui appa- 
rat avec l'Enfant Jésus, qui, agréant sa 
demande lai dit : ‘Voici mon amour, ma 
bien-aimée, qu'il te soit donné de m’aimer 
uutant que tu le désires.” 

Une autre fois, c’était le jour de Noël, 
bien que souffrante, et au lit, elle éprouva 
un grand désir d'offrir toutes ses douleurs à 
l'enfant nouveau-né, et demanda à Marie de 
les présenter elle-même à Jésus de la manière 


-yu’elle jugerait lui être agréable. 


Aussitôt la Vierge imrnuculée lui appa- 
rut avec son fils, qu’elle mit dans les bras de 
Crescence en disant : ‘ Voici que vos souf- 
Et le Divin 
Enfant, d’une voix caressante, lui répondit : 


frances vont être adoucies.”” 


“C'est ton humilité et tes souffrances, qui 
n’ont conduit vers toi ; celui qui me cher- 
che me trouve, et en moi la vie, je ne me 
laisse point vaincre en générosité. Vois 
Sois fidèle, per- 
sévère, et je te comblerai de grâces.” La 


combien ton désir m’a plu. 


Vierge reprit l'enfant des bras de Crescence, 
en disant : ‘Je suis l1 mère du bel amour 
et de l'espérance.” 


A ET marne ar 


70 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


Ces visions pourraient paraître incroya- 
bles À des chrétiens indifferents, mais l’his- 
toire des saints abonde en traits semblables 
qui témoignent de leurs hautes vertus, en 
même temps qu'ils rendent un hommage de 
gratitude à la munificence céleste. 

Elle uvait aussi une grande dévotion à 
son ange gardien, qui l’entoura visiblement, 
en maintes occasions, de son dévouement et 
de sa protection, ainsi que pour les saints 
Archanges Michel, Raphaël, Gabriel. C’est 
à celui-ci surtout qu’elle avait recours dans 
les attaques incessantes du démon. 

Un jour, comme la cloche annonçait 
l’angelus, elle demanda à Dieu de faire 
entendre cette voix bénie à l’univers, afin 
que tous s'unissent avec les anges et les 
saints, et spécialement avec Gubriel, pour 
saluer la mère de Dieu. Cette prière venait 
a peine d’tteindre le ciel, que l’Archange 
Gabriel lui apparut. Il entonna d’une voix 
pleine de douceur exquise, la salutation 
Angélique, et elle entendit dans sa vision 
toute la cour céleste, s’unir pour chanter en 
chœur les louanges de leur Reine. 


1Cr'o Y'i- 
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DE KAUFBEUREN 71 


Si. Joachim et Ste. Anne étaient ses 
patrons préférés. Elle avait fait exposer 
leurs tableaux, et dans le cloître, et dans la 
chapelle, et elle regrettait beaucoup que 
Joachim, l’aïeul de Jésus, ne fut pas honoré 
particulièrement dans l’église ; elle n’eut de 
repos que lorsqu'elle eut réussi, grâce à l’aide 
wénéreux de personnages haut placés, à faire 
acceuillir par le saint Siège que la fête de 
St. Joachim fut célébrée solennellement dans 
toute l’église. Sa joie fut grande lorsque 
Clément XII, en 1738, agréant sa requête, 
étentdit, dans toute l’église, la fête de ce 
grand saint. 


Cette fête instituée, double majeure, par 
Clément XII, en 1738, fut déclarée par 
décret, de Sa Sainteté Léon XIII, fête dou- 
ble de seconde classe. 


Chose digne de remarque, un grand 
nombre de saints, se plaisaient À l’assister et à 
la favoriser de visions, St. Ignace, St. Fran- 
cois Xavier, St. Louis de Gonzague, tour à 
tour, venaient s’entretenir avec elle dans ce 


commerce mystique. 


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72 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


St. Louis de Gonzague venait souvent 
partager ses labeurs. Un jour qu’il fallait 
taire du feu, et qu’elle était impuissante À 
lever les pesantes buches de bois. ‘ O Saint 
Louis de Gonzague, cria-t-elle, avec une 
naïve simplicité, venez m'aider,” celui-ci, 
obéissant à cette voix connue, accéda à son 
désir, et s’emparant d’une longue paire de 
pincettes fit lui-même le feu. : 

Ce fourgon rustique se voit encore au 
couvent, et on le conserve comme une reli- 


que. 


ouvent 
fallait 
sante à 
) Saint 
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“elui-ci, 
à À son 
ire de 


ore au 


VI 


Don de prière et de contemplation —  L'anecdote 
du Poirier — Visions intellectuelles Etrennes à 
Jésus,— Amour et compassion Au prochain— Un 
mendiant au couvent de Mayrhoff— Le plateau d'ar- 
gent. — 


Crescence possédait à un dégré éminent 
le don de la prière et de la contemplation. 
Ainsi n’avait-elle pas besoin de suivre les 
règles ordinaires de la méditation, son âme 
d’un essor léger et naturel pénétrait dans les 
sphères de la contemplation, et bientôt un 


74 LA VÉNÉRABLE MARIE CRESCENCE 


transport extatique s'emparait d'elle. Rien, 
à part l’obéissance, ne pouvait la distraire. 
Tout son être, témoignent les personnes qui 
l’ont vue, réflétait alors une profonde dévo- 
tion : sa figure exprimait un rayonnement 
céleste, ses yeux à demi fermés n’avaient 
aucun mouvement, elle tenait ses mains 
cachées sous son scapulaire, il se répandait 
quelquefois de son corps comme un par- 
fum délicieux.” 

“ Un jour, raconte la sœur M. Auger, 
la mère supérieure m’intima d'aller chercher 
Crescence à la chapelle, qu’une personne 
désirait la voir, je la trouvai à son prie-Dieu, 
à genoux, droite, immobile, je fus saisie de 
frayeur. Cependant je me dominai et lui 
dis : Ma sœur, veuillez descendre, quelqu'un 
à affaire à vous, je ne reçus aucune réponse, 
et ne pouvant découvrir aucun signe de vie 
chez elle, je courus en toute hâte prévenir la 
mère supérieure, que j'avais trouvé Cres- 
ceuce inanimée dans sa stalle, elle m’or- 
donnx de retourner et de lui dire que la 
supérieure le lui commandait. A peine 
avais-je prononcé les mots : ‘ Vénérable 


Rien, 


traire, 


1es qui 
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\ement 
vaient 

mains 
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n par- 


Auger, 
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Dieu, 
sie de 
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de vie 
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Cres- 
m’or- 
que la 
peine 
érable 


1] 
[2 | 


DE KAUFBEUREN 


mère ” qu’elle reprit aussitôt connaissance, 
se leva et se rendit auprès d'elle. Et pen- 
dant tout le temps que j’ai vécu au couvent 
de Kaufbeuren, Crescence, après la sainte 
communion, perdait la connaissance de tout 
ce qui se passait autour d’elle pour se fondre 
en Dieu.” 

Voici un fait ramarquable qui est bien 
attesté : C’était durant les quatre années de 
persécutions dont nous avons déjà parlé. 
Un jour que dans sa cellule elle se lamentait 
de ne pas voir son céleste fiancé, le deman- 
dait aux échos du ciel et de la terre, son 
ange gardien lui apparut, lui dit de jeter un 
regard par la fenêtre, et elle vit tran- 
quillement et immobile sur une branche de 
poirier au milieu de la cour, le divin époux 
de son Âme, alors que l’arbre était violem- 
ment agité par la tempête, et que la branche 
qui le portait menaçait à chaque instant de 
se rompre sous l'effort du vent. Ivre de 
joie, la servante de Dieu s’écria : ‘“ O mon 
Sauveur, que faites-vous donc là ? Venez 
vous reposer dans mon cœur : Le seigneur 
répondit : ‘Ma fille, de même que je 


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76 LA VÊNERABLE MARIE-CRESCENCE 


demeure en paix et tranquille sur cet arbre, 
bien qu’il soit violemment secoué, ainsi je 
me repose dans ton cœur. T4 peux bien 
penser que les tempêtes l’ussaillent et le 
remplissent, tout de même, je suis 1à.” 
La vision s’effaça au bout d’un quart d’heure, 
euviron, laissant dans le cœur de la perséeutée 
une consolation et une joie indicibles, qui lui 
permirent de supporter mieux encore l’aban- 
don et le délaissement dont elle était 
l’objet. 

Après lu mort de Crescence, on vint 
solliciter un si grand nombre de poirier 
qu’on le réduisit en cendre, et lon attribue à 
cette cendre, dite, poudre de Crescence, une 
vertu extraordinaire. 

Il n’est pas hors de propos, de faire 
remarquer ici que la théologie distingue trois 
sortes de visions : la vision corporelle que 
l'on voit, que l’on entend et que l’on sent, 
comme lorsque le Sauveur apparut à ses 
apôtres après sa résurrection. Il ya ensuite 
la vision d'imagination, celle qui consiste à 
se représenter comme véritable, des tablaux 


divins que se forme l’imagination. Celle-ci 


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rois 
que 
ent, 

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DE KAUFBEUREN 77 


est sujette à l'erreur. Enfin, la vision intel- 
lectuelle par laquelle il est donné de saisir, 
d'une lumière extraordinaire, lesplus hautes 
conceptions divines, et cela, plutôt à la 
manière des anges qu’à celle des hommes. 
Celle-ci est de beaucoup plus certaine et plus 
efficace. Nous n’entendons pas dire, cepen- 
dant, que la perfection consiste simplement 
dans ces visions , loin de nous cette pensée 
que condamne la théologie ; c’est de cette 
dernière vision, que Crescence fut fréquem- 
ment favorisée. Elle ne se laissait pas empor- 
ter par son imagination ; elle n’acceptait ces 
grâces qu'avec réserve et après en avoir fait 
part à son confesseur, 

Les âmes du purgatoire, les anges et 
les saints, la mère de Dieu et son divin fils, 
ju Sainte Trinité en faisait le sujet ordinaire 
de ces visions. 

Le jour de la fête de la Sainte Trinité, 
elle offrit dans une vision son intelligence à 
la toute. puissance de Dieu le Père, sa 
volonté à la sagesse du fils, et sa mémoire à 
l'amour du St. Esprit Son âme, pour 


réponse, reçut cette parole. ‘Nous ne for- 


78 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


mons qu’un : la Sainte-Trinité.” 

Le Sauveur lui apparut dans une cir- 
constance, entouré d’anges, et tout rayon- 
nant de joie. Toute confiante, la fiancée du 
Christ en demanda naïvement la raison : 
“C’est parce que, hier,tu as parlé avec onction 
et persuation de mes divines perfections, 
fait connaître et apprécier ma miséricorde, 
admirer et vénérer ma bonté, mon amour et 
ma générosité. Il me fait grand plaisir de 
voir mon peuple reconnaître le bien et s’y 
attacher ; il me fournit ainsi l’occasion de 
le combler de miséricordes, car c’est leur 
bonheur que je cherche. Va donc, et 
apprends aux enfants des hommes, combien 
je suis bon ! ” 

Pour étrennes du premier de l’an, elle 
s’offrit elle-même en holocauste à la volonté 
divine, pour être consumée par le feu puri- 
ficateur des souffrances, des croix et de l’a- 
mour. En récompense, le Christ laissa tom- 
ber de ses lèvres, ces paroles : “Ton offrande 
m'a plu ; mais sache que je ne permets pas 
qu’on me vaine en amour : voici mon 
cœur ouvert par l’amour, je te le donne 


n 


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DE KAUFBEUREN 79 


pour être ton séjour, ton asile et ta défense 
contre tes ennemis.” 

Dieu lui fit voir un jour un fertile et 
riche pâturage, qui cependant était parsemé 
de ronces et d’épines. “Voïs-tu, dit-il, ce 
pâturage ? bien que rempli d’épines, il est 
cependant très-bon, il n’en est point de 
meilleur : mon amour te nourrira de souffran- 
ces qui te rendront semblable à moi. Telle 
a été ma nourriture chaque jour de ma vie 
terrestre : je te réserve, à toi ma chère bre- 
bis, la même part de souffrances, mais je 
t'assisterai de ma grâce, je te rassasierai de 
joies inexprimables, et j’étancherai ta soif 
dans un océan de délices.” 

Cependant, au milieu de cette vie inté- 
rieure et surnaturelle, Crescence ne cessait 
pas d'accomplir les règles ordinaires de la 
communauté ; elle prenait même plaisir à 
les exécuter simplement, jusque dans les 
détails les plus vulgaires. 


Lamour de Dieu a pour complément 
naturel l’amour du prochain. Crescence 
éprouvait en effet pour les autres une cha- 


rité que ne pouvaient détruire ‘ou affaiblir, 


a 


80 LA VÊÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


ni la méchanceté ni l'injustice, ni même 
l'ingratitude des hommes, maïs cet amour, 
cette compassion n'avaient pas leur inspira- 
tion dans le terre-à-terre des choses humai- 
nes. La source en était plusélevée. ‘“ Elle 
semblait, dit un témoin, n’être pas née pour 
elle, mais pour les autres.” 

Elle avait un don spécial pour consoler 
les affigés, c'était toutefois pour les pécheurs 
qu’elle avait le plus d’attraits. Elle avait 
un pouvoir irrésistible pour ramener à Dieu 
les personnes éloignées de leurs devoirs, et 
les faisait trembler en leur dévoilant les 
secrets de leur conscience, que lesprit seul 
de Dieu pouvait lui faire connaître. Un 
regard, une parole suffisait souvent. pour 
convertir le pécheur le plus endurei. 

Sa compassion pour les faibles et les 
malades ne connaissait pas de bornes ; elle 
voulait les assister et partager leurs souf- 
frances ; jour et nuit, elle leur prodiguait les 
soins les plus difficiles et les plus répugnants. 
Une vieille religieuse, la mère Dorothée 
Osterrieder, était affectée d’une maladie si 


repoussante que les autres religieuses ne 


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DE KAUFBEUREN 81 


pouvaient dominer leur dégoût. Crescence 
se fit sa garde-malade, et son zèle grandit 
avec le mal ; elle poussa l’héroïsme de la 
mortification jusqu’à mettre dans sa bouche, 
à l'instar de Ste. Catherine de Sienne, peut- 
être pour se punir d’un sentiment involon- 
taire de répulsion, les expectorations mal- 
saines de la malade, | 

Ëlle triompha également de son dédain 
naturel, dans deux autres circonstances, où, 
non contente de nettoyer et panser les bles- 
sures que. deux sœurs avaient aux pieds, 
elle alla même jusqu’à en extraire le pus 
avec sa bouche. Elle confondait dans un 
même sentiment de charité et de commisé- 
ration ses ennemis et les pauvres. 

Quelqu'un eut l’'inconvenance, alors 
qu’elle était considérée comme sorcière par 
ses calomniateurs, de lui cracher à la figure ; 
aussitôt Crescence se jette à genoux et lui 
demande humblement pardon. | 

Par un froid rigoureux de l'hiver, un 
vieux mendiant \ l’air misérable, racontent 


le Père Ott et la sœur Gabriel, se présenta 
à la porte du couvent et demanda l’aumône 


tt ee ses 


82 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


d’une paire de chaussures. Emue de pitié, 
Crescence fit le tour du couvent sans pou- | 
voir s’en procurer ; allant trouver la supé- 
rieure, elle la supplia à genoux, les larmes 


aux yeux, de lui permettre d’ôterses propres ! 
souliers, et de les offrir au pauvre indigent. | 
Sa prière agréée, elle courut toute joyeuse ( 
les lui porter. Le personnage disparut 
aussitôt, laissant sur le parquet l’empreinte 

de ses pieds sanglants. On eut point de L 


peine à connaître le nom de celui à qui 
Crescence avait fait la charitce. e 

L’on conserve avec une grande véné- il 
ration dans la cellule de la pieuse religieuse, 


à Kaufbeuren, un plateau d’argent dont 


| voici la touchante histoire : Un mendiant, 


ee inconnu à Kauf beuren, vint solliciter l’au- 


mône. Crescence le reçoit. Voulant honorer 


Jésus-Christ dans ses pauvres, elle prend 


un plateau d'argent qui se trouvait sous sa 


main, et tend à l’indigent un morceau de 


pain. Celui-ci l’accepte, et disparaît subi- 


tement. Crescence étonnée jette les yeux sur 


le plateau, et elle lit ces paroles gravées au 


fond, en caractères distincts : ‘ En récom- 


E 


e pitié, 
S pou- 
x supé- 
larmes 
propres 
idigent. 
joyeuse 


lisparut 


apreinte 
oint de 
ui à qui 


e véné- 
igieuse; 
nt dont 
endiant, 
ter l’au- 
honorer 
e prend 
t sous Sa 
ceau de 
ait subi- 
yeux sur 
avées au 


| récom- 


DE KAUFBEUREN 83 


pense de ta bonne action, je te donnerai la 
vie éternelle.” 

Nous avous vu nous-mêmes, lors de 
notre visite au couvent de Kaufbeuren, ce 
plateau qui porte encore l’empreïinte visible 
des caractères ainsi tracés par une main 
invisible, 


Nous pouvons donc conclure avec un 


témoin du procès de sa canonisation : 
‘ jamais personne n’eut de rapports avec 
elle sans recevoir lumière, consolation et 


assistance.” 


Dévotion pour les âmes du purgatoire.—L'intima- 
tion de la supérieure.— Secours et délivrance. — Le con- 
seiller Scholl.— Témoignage du curé de Kemnat.— L'œu- 
vre des Auxiliatrices du Purgatoire— Foudation.— Pro. 
grès croissants.— 


La Vénérable Crescence avait une com- 


passion si grande pour les âmes du Pur- 


gatoire, qu’on peut la comparer au dévoue- 
ment d’une mère qui endure dans son cœur 
toutes les souffrances de son enfant malade. 
Elle recherchait avec empressement tous les 
moyens pour les secourir, leur sacrifiant 
volontiers ses prières et ses actions. 


intima- 
Le con- 
— L'œu- 


— Pro. 


COM 

Pur- 
voue- 
| cœur 
alade. 
us les 
ifiant 


DE KAUFBEUREN 85 


Semblab'e à la veuve de l'Evangile, elle 
vursa tous ses biens, sa vie entière, c’est-à- 
dire toutes ses œuvres de satisfaction pour le 
châtiment temporel dû au péché, dans le 
trésor de l'Eglise, en faveur des Âmes qui 
ont à payer dans l’autre moule leurs dettes, 
jusqu’à la dernièreobole. Souvent quelques- 
unes de ces âmes lui apparaïissaient avec 
la permission de Dieu, lui relatant leurs 
souffrances et implorant son secours. Son 
dévouement dès lors ne connaissait plus de 
bornes ; elle ne se lassait point tant qu’elle 
ne leur avait pas obtenu adoucissement ou 
délivrance. 


On raconte à ce sujet plusieurs anec- 


dotes qui méritent d’être rapportées ici : 


En 1718, Crescence tomba très malade. 
Interrogée par la mère Johanna Altweger, 
si du moins elle dormait la nuit, elle répon- 
dit négativement. Sur les instances de la 
supérieure, elle lui déclara que les pauvres 
âmes du purgatoire lui apparaissaient, et 
que leurs plaintes, leurs gémissements, leurs 
supplications, rendaient tout sommeil im- 
possible. Celle-ci, crut à propos d’interve- 


| 
| 
| 
} 
| 


86 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


nir : € I] faut que vous vous reposiez, dit- 
elle, autrement vous ne pouvez résister 
longtemps. Si donc les âmes du purgatoire 
viennent vous importuner ce soir, je veux 
que vous me les renvoyiez ; l’obéissance vous 
fait une loi dé dormir.’ [La servante de 
Dieu obéit fidèlement, maïs la pauvre supt- 
rieure n’eut pas plus tôt vu et entendu ces 
apparitions, dans sa propre cellule que, prise 
de frayeur, elle ne put faire autrement que 
de les supplier d'aller de nouveau auprès 
de la sœur malade.  Klle raconta elle-même 
le fait aux religieuses le lendemain, jurant 
de ne jamais tenter semblable aventure, à 
l'avenir. 

Le 19 octobre 1716, Crescence, au son 
de langelus se rendait au chœur, lorsqu’elle 
remarqua un nuage blanc s’avançant au- 


devant d’elle. (C’est sous cette forme, que les 


pieuses Âmes se manifestaient d’ordinaire à 
elle.) Sans savoir quelle était cette Âme, elle 
pria pour elle. Le même jour, mourait à 
une grande distance, à Ratisbonne, le Père 
Wagner, jésuite, qui lui avait voué une gran- 
de admiration. La nouvelle de sa mort n’at- 


tel 


, dit- 
ésister 
atoire 
“veux 
e VOUS 
te de 
su pé- 
U ces 
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nt que 
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-même 
jurant 
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au 80h 
qu’elle 
nt au- 
que les 
aire à 
1e, elle 
irait à 
> Père 
 gran- 
t n’at- 


DE KAUFBEUREN 87 


teignit Kauf beuren que trois jours après. 

Le 21 octobre, il apparut à Crescence, 
et lui demanda le concours de ses prières, 
disant que Dieu ne lui avuit point permis de 
se faire connaître la première fois. 1l souf 
frait surtout de la privation de la vue de 
Dieu, Le 23, après uvoir prié ardemment à 
une messe offerte À son intention, elle eut la 
consolation de revoir la même âme, rayon- 
nante et entourée d’une splendeur céleste, la 
remerciant de son assistance. 

Pendant son noviciat, uu jour que Cree- 
cence était à prendre une légère collation 
avec les autres sœurs, tout-à-coup la porte 
du réfectoire s'ouvre et se referme aussitôt 
avec violence. L’effroi s’empara de toutes 
les religieuses ; seule Crescence ne s’alarma 
point et demanda à la supérieure de lui per- 
mettre d’aller voir s’il n’y avait point quel- 
qu'un au dehors. Elle sortit en effet et vit 
une religieuse qui lui dit d’un ton lamenta- 
ble, qu’elle avait autrefvis habité le couvent, 
et que depuis neuf aus, déjà, elle était dans le 
purgatoire ; elle la conjura de prier pour sa 


prompte délivrance et indiqua des prières et 


88 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


des bonnes œuvres spéciales à être offertes à 
cette intention. Peu de temps après, Cres- 
cence eut le bonheur d’être assurée de la 
délivrance de cette Âme. 

Trois nuits de suite, un gémissement 


se fit entendre dans sa cellule, Elle deman- 


da enfin à cette Âme qui elle était. La voix 


reprit qu’elle était celle d’un jenne soldat de 
lu garde du comte, à Munich, récemment 

», 11)! ,. , . . \ 
décédé, qu’il était venu peu avant assister à 


la profession religieuse de sa sœur à Kaut- 


, 
à 


beuren ; qu’il avait abrégé sa vie par un 


usage immodéré de l4 boisson, et qu'il était 
condamné pour cela à souffrir des tourments 
inexprimables. ‘ Si vous ne venez à mon 
aide, dit-il, je devrai souffrir autant d’années 
que j’en ai vécu de moins, à cause de mes 
excès.” La sainte religieuse se dévoua pour 
cette Âme qu'elle revit plus tard ‘entrant glo- 
rieusement dans le ciel. 

Voici une autre anecdote, de toutes, la 
plus remarquable. 

C’était en 1718 Le 21 novembre, mou- 
rait François Joseph Scholl, conseiller, et 
un des officiers les plus importants à la Cour 


ertes à 
| Cres- 


de la 


sement. 


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sa Voix 


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ler, et 
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LE KAUFBEUREN 89 


du comté, à Kemnat. Le même jour, Eres- 
cence entendit un bruit singulier dans ses 
papiers, comme si quelqu'un ent cherché on 
fouillé parmi eux, et ce bruit se répéta le 
soir et le lendemain matin. Elle entendit alors 
distinctement ces paroles : “je suis l’âme de 
Scholl, priez pour moi.” Quand au bruit 
insulite qu’elle avait remarqué, la voix dit 
qu'il se manifesterait plusieurs fois encore, 
et qu'il lui en dirait la raison dès .que Dieu 


le lui permettrait. Cela continua ainsi jus- 


qu'au 7 décembre. Alors la même voix se fit 
entendre et avoua à Crescence que pendant 
qu’il arrangeait ses affaires durant sa der- 
nière maladie, quelqu'un vint réclamer la 
réparation d’un dommage qu’il lui avait 
causé ; qu’il avait congédié cet homme rude- 
ment, en lui disant que d’après ses papiers 
il n'avait rien souffert. Il (Scholl), avait 
fait erreur, l'individu se trouvait à perdre qua- 
tre florins. [’âÂme pria la servante de Dieu 
de parler de l’affaire au curé de Kemnat, et 
de convaincre la veuve du conseiller,:de répa- 


rer le dommage causé. 
Crescence fit part de tout ce qui s'était 


90: LA VÉNÉRABLE MARIE CRESCENCE 


passé au curé de Kemnat, alors confesseur du 
couvent. Il se rappela aussitôt que quel- 
qu’un s’était plaint de ce personnage, et chose 
étrange, cet homme lui avait rapporte 
exactement les mêmes paroles que Crescence 
entendit lors de l’apparition. Le tort fut 
aussitôt réparé, et le bruit dans les papiers 
cessa ; mais cependant, les gémissements et 
les supplications du défunt continuèrent, 
Le premier janvier suivant, l’apparition lui 
dit que Dieu lui avait annoncé une délivran- 
ce prochaine. Le 6, Crescence avait offert 
pour cette âme, des messes que quatre prêtres 
lui avaient promis de dire en même temps, 
à son intention. La dernière de ces messes 
fut dite, entre dix et onze heures, et au même 
moment, le conseiller défunt lui apparut 
-dans une splendeur extraordinaire, et la 
remercia avec effusion de son aide. Elle 
viten esprit cette Âme conduite par les 
anges duns le ciel, et accueillie avec joie 
devant le trône de Dieu. 

: Le Père Ott ajoute : “ Le Père Meichel- 
beck, curé de Kemnat à qui Crescence com- 
muniqua tous les détails de cet incident, en 


eur du 
quel- 
chose 
porté 
scence 
rt fut 
apiers 
nte et 
èrent, 
n lui 
ivran- 
offert 
rêtres 
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messes 
même 
parut 
et la 
Elle 
ar les 
ce joie 


ichel- 
 com- 


nt, en 


DE KAUFBEUREN 91 


mit par écrit toutes les circonstances, de 
telle façon qu’on ne peut nullement douter 
de la vérité de cette anecdote. 

Ces faits attestés par des personnes 
éclairées et prudentes, ne sauraient soulever 
le mépris ou la dérision, d'autant plus que 
la doctrine de l’Eglise nous enseigne l’exis- 
tence d’un purgatoire, et que les âmes qui y 
sont détenues, peuvent être secourues par 
les prières des fidèles, et d’une manière eft- 
cace, surtout par le saint sacrifice de l’autel. 

Parmi les dogmes de la foi catholique 
il n’en est guère de plus propre à stimuler 
la piété que celui du purgatoire. La prière 
pour les morts est en effet un immense sou- 
lagement à la douleur ; elle rétablit un com- 
merce qui semblait à jamais rompu; elle 
répare les ruines que le péché a amoncelées. 
Que de fois n’entend-on pas les protestants 


eux-mêmes, manifester leur admiration 
pour ce culte d’outre-tombe, et nous envier 
les compensations qu’il nous apporte ! 

De nos jours, en 1856, naquit à Paris, 
de l'inspiration d’une pieuse femme, Eugé- 
nie Smet, une association religieuse. dont le 


\ 


92 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE 


but principal et en quelque sorte unique cst 
le soulagement des âmes du lurgatoire par 
la prière, la souffrance et les bonnes œuvres. 

Prier, souffrir, agir pour les âmes du 
purgatoire, telle est en effet la devise de 
celles qui s'intitulent elles-mêmes ‘“ Auxi- 
liatrices.”” C’est pour acquitter leur rançon 
qu’elles prient ; toutes leurs œuvres sutisfac- 
toires sont d'avance offertes pour lu déli- 
vrance de ces captifs retenus dans les chai- 
nes de l’expiation. A la pénitence elle joi- 
gnent le travail ; aux exercices religieux elles 
ajoutent les héroïsmes de la charité : Aller 
gratuitement à domicile soigner les maludes 
pauvres, les assister à leurs derniers moments, 


+ 
les ensevelir lorsqu’ils ont expiré, s’intéres- 


ser aux femmes âgées et aux jeunes person- 
nes du monde, ouvrir des écoles profession- 
nelles pour le peuple, où l’enfant, la jeune 
fille, le vieillard viennent tour-à-tour cher- 
cher consolation, et secours en. même temps 
qu'ils y trouvent force et lumière, telle 
est l’œuvre accomplie, dans ce siècle d’oubli 
de Dieu. et d'incrédulité, par les : Dames 
Auxiliatriees du purgatoire. 


que cast 


ire par 
eu vres. 
es du 
'ise de 
Auxi- 
auçon 
tisfac- 
déli- 
chai- 
Île joi- 
x elles 
Aller 
aludes 
ments, 
ntéres- 
)JersO1- 
ession- 
Jeune 
cher- 
temps 
telle 
oubli 


Dames 


DE KAUFBEUREN 98 


Déjà, répondant à un besoin du cœur 
comme à un désir des peuples, cette fonda- 
tion à pris une extension extraordinaire. 
Des rameaux féconds se sont implantés dans 
toutes les parties de la France, et sur toutes 


les plages. La catholique Belgique, la pro- 


testante Angleterre, ont accueilli avec joie 
et bienveillance cette institution nouvelle, et 
n’ont pas tardé à en apprécier les bienfaits. 
Les Auxiliatrices, échangeant de grand cœur 
les joies du foyer et les liens de la patrie 
contre les joies de l’immolation et les conso- 
lations de l’apostolat, ont pénétré jusque 
dans la Chine, et il y a une couple d’années, 
elles venaient de ce côté de l’ Atlantique, 
confier à la terre des Etats-Unis si bien pré- 
parée à tous les élans généreux, et aux plus 
abondantes moiïssons, le germe précieux 
de cette dévotion à la fois si consolante et 
ai salutaire. 

Paris, ce berceau de tant de dévoue- 
ments sublimes, a vu, l’année dernière, s’éle- 
ver dans ses murs, auprès de la chapelle 
expiatoire à Montmatre, une de ces commu- 
nautés d’Auriliatrices, qui, comprenant que le 


Re 


94 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


salut de la France est uniquement dans le 
retour à la croyance de ses pères, fournit 


gratuitement et généreusement à une popu- 
lation avide de foi et de vérité, le pain béni 


de l'instruction et de l’éducation religieuse, 

Espérons que, dans un avenir prochain, 
l’on verra cette œuvre prendre racine sur ce 
sol du Canadu, où le souvenir des rc :ts est 
si vivace, et leur culte si en honneur, et 
produire les plus abondants fruits. 


ans Je 


urnit 
popu- 
à béni 
leuse, 
‘hain, 
sur ce 
‘ts est 


ir, et 


VIII 


L'amour de la souffrance— Mortifications et 


pénitences— La croix de bois— Crescence modèle 
d'humilité et d'abnégation—  L'obéissance, le bdton 
du pélerin— Le sas rempli d'eau.— L'autorité. — 


De même que l’amour-propre immodéré 
recherche sa satisfaction dans la jouissance 
immodérée des sens, ainsi l’esprit de Jésus- 
Christ, s’élevant contre la chair, évite les 
plaisirs des sens comme son plus cruel enne- 
mi. C’est pourquoi ÜCrescence s’efforçait 


96 LA V£ÊNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


sans cesse, non-seulement de renoncer aux 
plaisirs du monde, maïs même, s’imposait 
continuellement des pénitences et des priva- 
tions corporelles. [’amour du boire et du 
manger était son premier ennemi ; elle l’ap- 
pelait volontiers, ‘“ son ennemi domestique.” 
‘ [l ne faut manger, disait-elle à ses sœurs 
en religion, que par nécessité et non par 
plaisir.” On lui reprochait fr:quemment s4 
trop grande sévérité pour elle-même, Sa 
réponse était toujours : ‘ L’homme ne vit 
point seulement de pain, mais se nourrit de 


, 


la parole de Dieu. ” Sa vie était un jeñne 
continuel, et tout le monde se demandait 
comment elle pouvait subsister avec une 
nourriture si pauvre et si minime. Elle s'était 
fait une règle de ne pas s’arrêter an goût de 
ce qu’elle prenait. Pendant la plus grande 
partie de son existence, elle ne faisait qu’un 
repas, le midi; quelquefois elle passait 
deux ou trois jours sans manger. 

Pendant sa dernière maladie, eile ne 
prit aucun aliment pendant six semaines : 
la sainte communion était sa seule nourri- 
ture. 


seu 
mèê 
lui 
con 
lors 
tait 
rép 
bus 


plu 


d’e 


ral 


cl 


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e vit 
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ndait 
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u’un 


esait 


LÉ KAUFBEUREN 97 


L'eau fut pour plusieurs années son 
seul et unique breuvage, et ce n’était pas 
même de l’eau fraîche. Cette mortification 
lui étuit d'autant plus pénible qu’elle était 


consumée par une fièvre ardente, Souvent, 


lorsqu’elle ne se croyaïît pas vue, elle ajou- 


tait toutes espèces de choses amères, ou 
répugnantes même, à ce qu’elle mangeaît ou 
buvait, à tel point qu’elle en était venue à ne 
plus goûter ce qu’elle prenait. 

De même pour les autres sens. Loin 
d’en rechercher les jouissances, elle savou- 
rait avec empressement les exhalaisons 
malsaines et délétères qui s’échappaient 
des malades Elle $se refusait toute 


position qui put lui procurer quelque 


repos et le confort, soit en voyage, à l’ou- 
vrage ou à la prière et ne se permettait 
aucun appui. 

Toutes ces mortifications ne purent sa- 
tisfaire l’esprit de pénitence qui animait 
Crescence, comme en témoignent ces 
paroles tirées de son cœur : “Plus nous 
clouons notre corps à la croix, disait-elle, 


plus nous supportons avec patience les offen- 


Pie oh area rem re mermterc octets mmnmnrens me 2e mes ee de 


98 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRE&CENCE 


ses dont nous sommes l’objet, plus nous 
devons espérer de grâces dans ce monde et 
dans l’autre.” Elle s’appliquait, à inventer 
de nouvelles manières de torturer davantage 
son pauvre corps, mais jamais elle ne mit ses 
désirs à éxécution sans avoir auparavant 
reçu l’adhésion de son directeur de cons- 
cience. 

Son sommeil ne durait jamaiïs plus 


que deux ou trois heures, rapporte son confes- 


seur, le Père Pamer. Et encore infligeait-elle À 
son corps une position gênante. 1l lui arriva 
souvent, dès sa jeunesse, de coucher sur la 
dure, Plus tard elle occupait un lit, il est 
vrai, mais elle s’y couchait sur une longue 
croix de bois que l’on conserve encore avec 
vénération dans sa cellule. Et lorsque cette 
satisfaction lui fut refusée, à cause de son 
âge et de sa faiblesse, elle trouva une com- 
pensation dans les souffrances atroces qu’é- 
prouvait son corps, dès. qu’elle s’étendait 
dans son lit : C’était tantôt un feu dévorant 
qui brûlaïit ses chaïrs, et tantôt un froid qui 
glaçait tous ses membres. Elle gardait 
cependant la même position tant que l’on ne 


nous 


nde et 
venter 
antage 
it ses 
avant 
cons- 


plus 
‘onfes- 
t-elle à 


arriva 


sur la 
il est 
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> cette 
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com- 

qu’é- 
endait 
orant 
id qui 
ardait 
on ne 


DE KAUFBEUREN 99 


Jui faisait pas un ordre de se lever. 

Elle ajoutait à ses privations, en se fus- 
tigeant cruellement. Son corps et ses bras 
étaient entourés de cilices piquants, qu’elle 
ne quitta presque jamais. Elle gardait sur 
sa poitrine, en mémoire de la Passion du 
Christ, une croix de près d’un pied de long, 
hérissée de pointes aigues. Sur sa tête nue 
elle portait en souvenir de la couronne d’é- 
pines, un cercle d’aiguillons de fer qui lui 
causait une douleur intense. 

Chaque fois qu’elle en avait la permis- 
sion, au moins une fois mais plutôt trois fois 
par jour, elle se frappait de verges, et si 
rudement que le sang coulait. Ses habits 
collaient tellement à ses plaies qu’elle ne 
pouvait les enlever saus aide. Crescence 
célait avec soïn ses instruments de discipline ; 
mais un jour, le sœur chargée de lui aider, 
constata avec stupeur des lambeaux de chair 
sanglants collés aux clous de son fouet de 
torture. 

Quelques uns de ces appareils de sup- 
plice, existent encore, maïs on croit qu’elle a 
détruit les plus cruels, peu avant sa mort. 


100 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE 


Audelà de trente ans après, ils portaient 
encore les traces visibles de sang et répan- 
daient un agréable parfum tout alentour. 
Un nombre considérable de personnes attes- 
tent avoir elles-mêmes constats le fait. 

Elle avait aussi l'habitude de mettre de 
petits caïlloux dans ses chaussures afin de 
se rappeler et de vénérer les traces sanglan- 
tes des derniers pas du Sauveur. C’est dans 
ces conditions qu’elle fit, par exemple, les 
pélérinages à St. Wendélin, à Notre-Dame 
des Douleurs, à Ebeuhofen et à St. Michel. 

Si elle consacra sa personne à des mor- 
tifications qu’on ne peut qu’admirer sans 
pouvoir les imiter, l’humble religieuse s’at- 
tacha encore davantage au renoncement de 
sa propre volonté, et à se dominer entière- 
ment ; elle atteignit un dégré de perfection 
auquel peu d’âmes arrivent. Toutes les 
passions de l’homme semblaient mortes en 
elle. 

* L'humilité, disait Crescence, ne con- 
siste pas à courber la tête et à donner libre 
cours à des paroles d’abaïissement, maïs plu- 
tôt à se connaître soi-même et ses péchés, et 


taient 


LE KAUFBEUREN 101 


à bien comprendre la grandeur de Dieu, et 
par là se détacher de la considération et de 
l'amour des hommes.” ‘“ Faites Seigneur, 
s'écriait-elle, que je vous connaisse ! Vous 
seul connaï «ez ma faiblesse, je m’anéantis 
et je vous prie d'agir en moi et de me con- 
duire selon que vous le jugerez à propos.” 
Elle n’eut pas de misère à pratiquer 
cette vertu. Jamais elle ne rechercha gain 
ou avantage pour elle-même; la réputation, 
les honneurs du monde n’occupèrent point 
ses pensées, Par contre, elle s’estimait la 
plus pécheresse de la terre, en ce sens que 
relativement aux grâces reçues, elle leur 
avait opposé une résistance moins excusable 
vu leur nombre incalculable, que pour les 
personnes qui en avaient reçues moins. 
D'un autre côté c’est le propre de humilité 
de reconnaître chez soi les plus légères 
taches, sans se préocuper des défauts des 
autres, et ne voir en eux que le bien qu'ils 
ont accompli ; et la grâce a pour effet de 
mettre en lumière ses propres fautes tout en 
laissant dans l’ombre celles d’autrui. 
Elle ne pouvait comprendre que l’on 


102 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


s’adressât à elle pour obtenir des prières ou 
conseil. “ Je suis un rien détestable, assurait- 


elle, un ver de terre, une paille inutile, je’ 


suis indigne du pain que je mange, du soleil 


qui luit audessus de ma tête, de la terre qui. 


me supporte, je mérite d’être honnie de la 


société.” Ce sentiment était si profond 
dans son Âme que, sur son lit de mort, elle 
demanda, qu’au lieu de la couronne de roses 
ordinaire, une couronne de paille rustique 
ceignit son front. 

Partout et toujours elle recherchait la 
dernière place à tel point qu’elle ne se con- 
sidérait pas digne d’être avec les pau- 
vres.. 

Le Père Ott assure qu’elle réussissait si 
bien à cacher ses vertus qu’on en connais- 
sait 4,peine la millième partie. Quand l’obéis- 
sance lui faisait un devoir de les dévoiler 
Crescence rougissait ; et c’était avec confu- 
sion qu’elle se rendait au désir de ses supé- 
rieurs. Elle évitait d’ailleurs toute singu- 
larité ; au chœur, à table et à la récréation, 
elle tenait une conduite si conforme à celle 
de ses autres compagnes qu’un observateur 


2 2.7 


fond 

elle 
oses 
ique 


it la 
con- 
pau- 


it si 
nais- 
béis- 
iler 
nfu- 
upé- 
igu- 
ion, 
elle 
teur 


DE KAUFBEUREN 103 


superficiel n'eut rien remarqué d’extra- 
ordinaire. | 

Les louanges lui répugnaient, et quand, 
dans les dernières années de sa vie, les per- 
sonnages les plus distingués venaient lui 
rendre visite, attirés par sa renommée, Cres- 
cence s’en attristait et s’excusait en disant 
qu’elle savait bien laver les plats dans la 
cuisine mais qu’elle ignorait complètement 
comment converser avec les grands de la 
terre. Elle se conduisait devant eux avec 
une extrême modestie et une grande réserve 
mais sans affectation, les yeux baiïssés, les 
mains cachées sous son scapulaire. C’est 
devant les nobles et les princes surtout 
qu’elle prenait plaisir à mentionner qu’elle 
était la fille d’un pauvre tisserand, accueillie 
par charité dans le couvent, n’ayant apporté 
aucune dot quelconque. 

Si fuir les honneurs est chose difficile, 
accepter avec plaisir le mépris et la disgrâce, 
les rechercher même avec avidité, est encore 
plus difficile. Et cependant, on peut dire 
qu'aucune femme du monde n’éprouve au- 
tant le désir de plaire que Crescence ressen- 


104 LA VENÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


tait celui d’être méprisée et conspuée. Un 
étrauger, qui ne la connaissait point, rappor- 
tait, un jour devant elle, qu’il avait entendu 
dire que Crescence était une sorcière et était 
en prisou : “* Grâce à Dieu je ne connais 
rien de cela, répondit-elle simplement, m 

mes péchés m'ont bien mérité de sem blabies 
et même de plus grands châtiments.” Aussi 
souvent qu’elle pouvait le faire sans manquer 
à l’obéissance et à la sainteté du lieu, elle 
faisait intentionnellement des fautes gros- 
sières et de lourdes bévues, soit en chantant, 
soit à l’ouvrage ou À la conversation, ou 
bien quelque remarque insensée, de manière 
à s’attirer le ridicule. 

On peut dire avec vérité que l’humilité 
et l’amour constituent les traits caractéris- 
tiques que l’on remarque chez cette pieuse 
religieuse. Elle avait compris et appliqué 
à la lettre dans sa conduite cette parole des 
proverbes : ‘‘que là où l’orgueil réside, il y a 
aussi quelque chose d’injurieux, tandis que 
la sagesse est la compagne nécessaire de 
l'humilité.” 

L'obéissance pour (Crescence n'était 


VO 


Un 


ppor- 
endu 
était 
nnais 
“+ 
labies 
ussi 
iquer 
elle 
gros- 
tant, 
, Ou 


inière 


nilité 
téris- 
ieuse 
liqué 
e des 
ya 
que 
e de 


DE KAUFBEUREN 105 


point basée sur des considérations humaines : 
elle avait sa racine dans la foi. ‘“ L’obéis- 
sance, disait-elle, est le bâton du pélerin, avec 
lequel lâme marche sûrement dans le 
chemin, de lu vertu ou plutôt vole dans le sen- 
tier étroit de la perfection jusqu’à ce qu’elle 
ait accompli le voyage du Temps à l’Eter- 
nité”” Elle s’appliqua à linculquer dans 
l’esprit des autres, et enseigna à ceux qui 
furent sous sa direction, à considérer les 
supérieurs et le confesseur comme les délé- 
gués de l'autorité Divine, à acquiescer res- 
pectueusement et de bon gré à leurs ordres, 
comme s’ils venaient de Dieu lui-même. 

Les motifs et les qualités de celle qui 
lui manifestait la volonté de Dieu lui étaient 
indifférents. Il lui importait guère qu’elle 
fut jeune ou âgée, intelligente ou ignorante, 
bien disposée ou préjugée contre elle. ‘“ Si 
Dieu m’imposait d’obéir à une allumette de 
souffre, je le ferais volontiers,” avait-elle 
souvent habitude de dire. 

Son esprit de foi lui faisait sacrifier 
volontiers son corps et son âme, sa volonté 
et son jugement, en un mot toute sa vie in- 


106 LA VÉNÉRABLE MARIE CRESUENCE 


térieure au désir de ses supérieurs ; comme 
son Divin époux elle était obéissante jusqu’à 
la mort. 

Au premier signal de la cloche ou au 
premier appel de autorité, CUrescence laissait 
là sou ouvrage, quelqu’il fut ; à table, avait- 
elle déjà même porté la cuillère à su 
bouche qu’elle s’arrêtait subitement et rem- 
plissait d’abord l’ordre reçu. Toujours 
elle demeura fidèle à cette belle maxime : 
‘* Ne rien faire par soi-même, faire tout par 
obéissance.” 


Nous ne relutons pas ici les luttes 


qu’elle eut à supporter de la part de la Mère 
Teresa Schmid, qui allait jusqu'à lui com- 
_imander de se faire victime de la moquerie 
et de la dérision de tous. Qu'il nous suffise 
de rappeler cette réponse mémorable : 
‘ Si ma supérieure et un ange me comman- 
duient à la fois quelque chose, j’obéirais tout 
d’abord à ma supérieure, parce que il ne 
peut y avoir de déception dans cette obéis- 
sance, car le Seigneur a dit : “ Celui qui vous 
écoute m’écoute.”? 


Nous avons déjà raconté la manière 


DE KAUFBEUREN 107 


omme 4 dont la Mère Johanna, fut amenée par des 
usqu'à motifs sérieux à lui imposer de pénibles 
épreuves. Ajoutons iei quelques autres épiso- 


u au | des : 
aissait Un jour, durant l’hiver, la supérieure 
avait- lui dit d'aller faire des pelottes de neige et 

à sa de venir les sécher à la chaleur du poële. 
t rem- Crescence obéit sans hésitation, mais quand 
ujours la neige vint à fondre et à couler sur le plan- 
xime : cher du réfectoire, plnsienurs religieuses se 
ut par formalisèrent d’un acte si niaïs, et lui jetèrent 


à la figure l’injure que jamais avant elle 


luttes aucune créature si stupide était entrée dans 
à Mère un couvent ; elles allèrent s’en plaindre à la 

com- supérieure, qui imposa une sévère punition 
querie à Crescence, Celle-ci la remplit fidèlement. 
suffise | en silence, sans qu’un murmure ne séchap- 
rable : | pât de ses lèvres. Par obéissance, elle cou- 
nma - sentait À balayer le plancher avec le manche 
is tout nu du balai, ou bien elle mettait jen terre 


il ne des plantes la tige en bas et les racines en 
obéis- | dehors. | 
1i vous La mère Johanna lui dit nn jour de 


rester À un certain endroit du jardin, Dieu 
anière | permit qn’elle oublia de Ja rappeler. 


108 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE 


L’obéissante fille y séjourna plusieurs heures 
durant, bien qu’une autre sœur lui reprochât 
une paresse inqualifiable, jusqu’à ce qu’enfin 
la supérieure l’envova quérir. 

Une obéissance si extraordinaire méri- 
tait d’être récompensée. Elle le fut en effet, 
comme on le verra par cette anecdote dont 
l'exactitude est attestée par plusieurs témoins, 
et qui fut publiée dans le temps, par toute 
la ville : 

La mère Johanna avait commandé à 
Crescence d’aller chercher de l’eau à un 
puits près de la eacristie, dans un sas ou 
tamis dans lequel il avait des trous de la 
largeur du poing. L’humble religieuse 
prend le sas, se dirige en hâte vers la fon- 
taine, le rapporte rempli d’eau et traverse 
ainsi la cour, le réfectoire jusqu’à la cham- 
bre de la supérieure. Toute surprise et per- 
plexe, celle-ci fait comme si rien d’anormal 
n’était arrivé et lui ordonne d’aller jeter 
l’eau au ruisseau et d’accrocher le sas à sa 
place ordinaire. Les sœurs Krimer, Pez et 
Kempter, témoins du fait, n’en pouvaient 
croire leurs yeux. Une autre fois elle em- 


eures 
ochât 
’enfin 


verse 
cham- 
't per- 
ormal 
jeter 
à sa 
ez et 
aient 
> em- 


DE KAUFBEUREN 109 


plit, par obéissance, une cuve d'eau en se 
servant de ce même sas et la vida de la 
même manière, 

Durant les dernières années de sa vie, 
un jour qu'elle était si malade qu’elle n’a- 
vait pas mangé depuis longtemps, le Père 
Provincial exprima l'opinion qu’elle devait 
prendre quelque nourriture. Elle la prit 
en effet sur l’ordre qu’on lui en fit, mais à 
peine l’avait-elle absorbée qu’elle en ressen- 
tit de violentes douleurs, et son état s’ag- 
grava tellement qu’on crut qu’elle allait 
succomber, Comme ceux qui l’entouraient 
mauifestaient leurs regrets et leur anxiété, 
elle dit : * Il n’est point nécessaire de vivre, 
mais il est absolument nécessaire d’obéir.”? 

Crescence resta fidèle à la règle qu’elle 
s’était imposée de ne rien faire autrement 
que par obéissance, non-seulement dans ses 
œuvres de mortification et ses occupations 
journalières, mais même dans la réception 
de la sainte communion, bien que, pour elle, 
la privation de cette manne céleste lui était 
insupportable. Elle s’abstenait cepeudant de 
s'approcher de la sainte table, si on le lui or- 


110 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


donnait. Le jour d’une fête spécialement 
chère à son cœur, elle s’approchait avec les 
autres sœurs pour communier lorsqu'on l'en- 
voya à la cuisine ; elle obéit sans murmure, 
Même dans ses visions, elle prenait congé 
de l'Enfant Jésus dès que le signal de la 
eloche se faisait entendre. La vertu d’obéis- 
sance lui était plus précieuse que les visions 
ou les miracles. Dans ses extases, quand, 
détachée de la terre, elle etait inaccessible 
aux sensations extérieures, cependant la 
voix de l’obéissance, un simple mot, la rame- 
nait à elle. Toute trace de volonté person- 
nelle s’effaça graduellement en elle par la 
grâce de Dieu, et elle réalisa en tous points 
cette parole de St. Thomas à Kempis : 
‘ Cherchez sans cesse à faire la volonté des 
autres plutôt que la vôtre propre.” Lors 
de son élection comme supérieure, Crescence 
voulut s’exempter de cet honneur, mais 
du moment que fut prononcé le mot d’obéis- 
sance, elle inelina la tête et accepta la charge 
avec résignation. Toutefois, elle pria le 


Père Provincial de lui nommer une sœur à 


qui elle put avair le mérite d’obéir dans tout 


aIne- 
rson- 
ar la 
oints 
pis : 
2 des 
Lors 
*ence 
mais 
béis- 
arge 
a Île 
ur à 
tout 


DE KAUFBEUREN 111 


ce qui regarderait sa personne. La sœur 
Neth lui fut adjointe comme assistante. Il 
était édifiant de voir jusqu’à quelles limites 
cette vraïe fille de St. François et sa digne 
initatrice pratiqua cette obéissance et com- 
bien elle v fut fidèle. Elle ne parlait jamais 
à une personne étrangère, n'allait jamais 
au parloir, et même souvent n’usait de ses 
droits comme supérieure,sans en avoir préa- 
lablement obtenu la permission de son assis- 
tante. En un mot, elle dirigeait ses inten- 
tions vers Dieu et faisait ce qu’on lui com- 
mandaît, dans toute la simplicité de son 
cœur, et par amour pour Dieu. 

Nous aurons occasion de relater et 
d'admirer plus loin son inaltérable soumis- 


sion, jusque sur son lit de mort. 


IX 


Un ange dans la chair— Candeur du jeune âge. — 
La force de l'exemple— Détachement des biens ter- 
restres.— Prévoyance — L'offre de la Duchesse 
de Savoie— Le legs de Crescence.— Révélation.— 
Document écrit.— 


‘ Dans l’état religieux, la chasteté est 
la pupille de l’œil ; on doit la protéger con- 
tre la plus légère atteinte.” (C’est en ees 
termes que Crescence exhortait ses sœurs en 
religion, à pratiquer cette vertu ; maïs son 
être tout entier respirait si fidèlement la 


âge.— 
ns ter- 
chesse 
tion.— 


LE KAUFBEUREN 113 


chasteté virginale et la modestie, que son 
seul regard inspirait l'amour de cette vertu, 
mieux que les plus éloquentes paroles. 

Le Père Binner, de la société de Jésus, 
avait l’habitude dela surnommer l’ange fait 
chair et un autre, le Père Pamer, disait que 
par cette vertu elle était moins un être 
humain qu’une sainte du ciel ou un ange 
sans Corps. 

Elle eut, relativement à cette vertu, le 
bonheur de jouir de trois rares prérogati- 
ves : D’abord, sa réputation était si imma- 
culée que jamais aucun doute ne s’éleva sur 
son innocence, ce qui est étonnant, car pen- 
dant la plus grande partie de sa vie, elle 
avait dû setrouver en contact avec des adver- 
saires préjugés et des calomniateurs rusés ; 
maïs sa modestie virginale était tellement 
imprimée dans tout son être, ses manières 
si aisées et sa réserve si pleine de noblesse 
que l'œil le plus défiant n’eut pu découvrir: 
en elle aucun fonde ment au plus léger soup 
çon. Fes 

En second lieu, elle n’a point commis. 


de péché véniel contre cette vertu, du moins 


114 LA VÉNÉRABLE MARIE CRESUENUE 


autant que l’on peut en juger. Ses confes- 


seurs l’affirmèrent, et elle-même s’écriu plus 
d’une fois: “J'aimerais mieux mourir mille 
fois, que de souffrir l’ombre d’une faute 
contre cette vertu.” 

Enfin, elle fut une de ces âmes privilé- 
giées, dont l'imagination même n'a jumuis 
éprouvé de tentations contre la pureté. Elle 
conserva l’innocente et inconsciente candeur 
de l’enfant jusqu’à un Âge très avancé, et 
n’eut jamais le désir de connaître quoique 
ce fut du vice opposé. Plusieurs fois, elle 
s'ouvrit en toute simplicité à son confesseur 
et à ses compagnes de couvent de cette gran- 
de grâce. 

Nous avons vu déjà que, dès l'âge de 
six ans, Crescence avait fait vœu de perpé- 
tuelle chasteté et pris St. Louis de Gonzague 
pour patron et modèle. Elle avait fait un 
pacte avec ses yeux des’abstenir de regards 
vains ou indiscrets, et le respecta à tel point. 
que des religieuses, qui ont demeuré long- 
temps avec elle, disent qu’elles n’ont jamais 
pu voir ses yeux suffisamment pour en dis- 
tinguer la couleur. “Une seule fois, dit le 


onfes- 
u plus 
r mille 

faute 


rivilé- 
jumuis 
. Elle 
indeur 
né, et 
101que 
is, elle 
esseur 


C gran- 


ge de 
perpé- 
IZAgUE 
ait un 
egards 
point. 
long- 
jamais 
n dis- 
dit le 


LE KAUFBEUREN 115 


ère l’amer, qui la visita souvent durant sa 
dernière maladie, la timide fille de St. Fran- 
cois leva la vue sur moi. C'était quelques 


inisan5s avant sa mort. ?? 


Celui de ses yeux 
qui pouvait se mouvoir se fixa sur lui avec 
un accent de tendresse, qui ne s’effaça jamais 
de son souvenir. 

Une parole, un mot Ini semblait-il im- 
modeste, aussitôt elle pâlissait et se mettait 
À trembler de tous ses membres. La con: 
versatiou touchait-elle à la beauté d’une per- 
sonne, à une robe élégante ou à un mets 
délicieux, elle ne pouvait s'empêcher de rou- 
gir et s’en allait, jugeant ces propos indignes 
de la fiancée de Jésus-Christ. Bien qu’elle 
aimât la musique, et qu’elle chantât bien, 
elle ne prètait l’oreille qu'aux hymnes reli- 
gieux et aux morceaux sacrés qui pussent 
inspirer des sentiments pieux. 

Il semble que Dieu lui avait accordé la 
faveur de combattre l’impureté chez les 
autres et d’augmenter en eux l’amour et là 
pratique de la chasteté. Plusieurs personnes 
confessèrent ouvertement avoir été délivrées 


de violentes tentations de ce genre, par un 


116 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENUE 


seul regard de cette ange dans la chair, ouà ! av 

son seul souvenir ; et après sa mort, elle 3 re 

ji secourut d’une manière efficace ceux qui 4 sai 
| eurent recours à ses prières, à ce sujet. | jo 
Les Pères Pamer et Ott témoignent bl 
qw’ils ont souvent eu, durant leur ministère Een 


de prêtres, des preuves remarquables de cette 


puissance. Le Père Ott cite en particulier, de 
le cas d’un jeune homme qui était adonné et 
aux pires -entraînements. Sur son avis il qu 
implora l’intercession de la vierge défunte bi 
et aussitôt il fut exaucé, et ne retomba dé 
plus dans ses fautes. Ecoutons les conseils ca 
maternels qu’elle donnait aux novices: no 
‘: Nous ne saurions être trop sur nos gardes, au 
sur ce point dangereux, il faut veiller sans | di 
cesse pour saisir ces ‘“ pelits renards. ” êt: 
Laissés à eux-mêmes ils vont détruire la 1è\ 
vigne du Bien-Aimé. Ces renards sont : + ric 
la curiosité des yeux, la loquacité de la lan- 

gue, le rire immodéré, l’efféminement de la to 


nel vie, le désœuvrement et les fréquentations. 
| Les Personnes consacrées ont un fiancé m 
|| | jaloux qui réciame le cœur tout entier et ne et 
peut souffrir qu’une autre créature le partage 


iancé 
et ne 
rtage 


DE KAUFBEUREN 117 


avec lui. Il faut fuir les amitiés particuliè- 
res, bien qu’elles paraïssent spirituelles et 
saintes dans le principe ; elle finissent tou- 
jours par devenir dangereuses et préjudicia- 
bles. En un mot, l’humilité est la seule 
sauvegarde de la chasteté.” 

Nous avons déjà vu que l’amour-propre 
de Crescence était soumis à la mortification 
et à l'humilité. Il en découle naturellement 
qu’elle devait être tout-à-fait détachée des 
biens terrestres et qu’elle devait posséder à 
dégré éminent cette pauvreté évangélique, 
car l’amour-propre est la lourde chaine qui 
nous rattache à ce qui est audessous de nous, 
aux vaines créatures. Les paroles suivantes, 
dites du fond de son cœur, indiquent quelle 
était la plénitude de sa pauvreté : “je ne 
lèverais pas un pied pour acquérir toutes les 
richesses du monde.” 

Dans les choses temporelles elle préféra 
toujours le dénuement à l’abondance. 

Elle avait connu et ressenti dans la 
maison paternelle les misères de la privation 
et de l’indigence, elle dont la pauvreté avait 
été l'héritage. Et cependant, l’argent, les 


118 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


biens terrestres la laissaient complètement 
indifférente : “ Que vais-je faire avec cette 
paille et ce caillou, disait-elle, en parlant de 
ce sujet.? ” | 

Aussi trouvait-elle une consolation inex- 
primable à ne rien posséder par elle-même, 
à part Dien seul. Elle évitait toujours de se 
servir à part du mot mien en parlant des choses 
laissées à son usage, et s’abstenait de dire 
mon lit, ma cellule. Elle se considérait la 
religieuse admise au couvent par compassion, 
et ne prétendait à aucune satisfaction, même 
la plus légère. Elle mangeaïit à peine et 
quand on lui servait une nourriture qu’un 
mendiant eut dédaignée et refusée, elle s’en 
véjouissait du fond du cœur. 

Elle entrait si parfaitement dans l’es- 
prit de pauvreté du couvent aw’elle ne se 
servait ni n’empruntait jamais rien, pas 
même un morceau de papier ou une aiguille, 
sans la permission au préalable de lu. supé- 
rieure. Elle ne voulait pas qu’on dit la messe 
À son intention sans en avoir d’abord obtenu 
l'autorisation. 

Son esprit de mortification s’étendait non- 


emert 
cette 


ant de 


hinex- 
A 
même, 
sde se 
choses 
dire 
ait la 
ssion, 
A 
mêrne 
ine et 
qu’un 
le s’en 


s l’es- 
ne se 
1, pas 
guille, 
_supé- 
messe 
btenu 


itnon- 


DE KAUFBEUREN 119 


seulement à la privation de nourriture, mais 
encore au vêtement ct à l’ameublement de 
sa cellule ; elle n'avait pas de lumière dans 
sa chambre, se contentant du reftet qui lui 
parvenait par celle d’en face. Jamais du- 
rant sa maladie, elle manifesta le désir de 
quelque soulagement. 

Sévère pour elle-même, elle était indul- 
wente pour les autres et aimait surtout les 
personnes âgées, faibles où malades, et 
enviait presque leur panvreté. 

Elle employait avec la plus grande 
economie tout ce que lon contfiait à sa 
direction. A la cuisine, rien ne se gaspillait, 
pas même une bouchée de pain ; pas un mor- 
ceau de bois ne se brûlait inutilement. Ce 
qui pouvait servir, fut-ce même un bout de 
fil ou un copeau, elle le ramassait avec soin 
pour qu'il ne fut pas perdu inutilement, 
mais qu’il atteigne la fin pour laquelle Dieu 
l'avait crée, 

Un des plns pénibles sacrifices d’obéis- 
sance que Crescence éprouva, fut lorsque la 
supérieure lui intima de garder dans sa 


chambre des objets que la sainte pauvreté 


= 


om 


ET ES 


120 LA VÊNRRABLE MARIE-CRESCENCE 


ne lui permettait pas, à son sens, d’y conser- 
ver. Des dames de distinction avaient sol- 
licité la maîtresse générale de forcer la ser- 
vante de Dieu à accepter certains présents, 
comme de magnifiques peintures ou des 
fleurs pour décorer le petit autel de sa cellule. 
La supérieure n’osa pas refuser, et Crescence 
dut consentir ; mais bientôt elle trouva un 
moyen d’en disposer en faveur des pauvres 
ou des églises. 

Elle refusa toujours d'accepter aucune 
aumône pour elle-même, et recevait-elle 
quelques présents, aussitôt elle allait les 
remettre entre les mains de la supérieure, 
sans se préoccuper du mode de leur distri- 
bution. Elle en agit ainsi même pour une 
aide destinée expressément par un bienfai- 
teur à sa sœur malade et affligée. La Du- 
chesse de Savoie, qui avait pris sous sa pro- 
tection les nièces de Crescence, voulut la 
gratifier d’une rente annuelle de deux cents 
florins dont elle pourrait disposer avec l’ap- 
probation des supérieurs. On ne put déter- 
miner Crescence à accepter cette somme 
soit. pour ellemême ou la communauté. 


pnser- 
it sol- 
L ser- 
seuits, 
1 des 
llule. 
cence 
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uvres 


icune 
it-elle 


it les 


ieure, 
\istri- 
r une 
enfui- 
y Du- 
à pro- 
ut la 
cents 


DE KAUFBEUREN 121 


Elle suggéra à la bienfaitrice d’accorder 
cette gratification plutôt au pauvre couvent 
de Clares, à Heïlbron, quise trouvait au cen- 
tre du protestantisme. La noble douarière 
fut si grandement édifiée par ce désintéres- 
sement, tout de charité, qu’elle créa une ren- 
te de cinq cents ftorins à ce couvent d’Heil- 
bron et plus tard elle la porta à sept cents 
florins. 

Pour récompenser la pieuse religieuse 
de n'avoir pas compté sur les secours hu- 
mains, mais s'être confiée uniquement dans 
l'esprit de pauvreté et dans Lui seul, Dieu 
combla le couvent de Kaufbeuren d’une 
abondance telle que l’on peut considérer 
Crescence, sous le rapport matériel, comme 
sa seconde fondatrice. 

Sur son lit de mort, elle remercia avec 
effusion le Seigneur de lavoir fait naître et 
mourir pauvre, et réitéra aux religieuses sa 
reconnaissance pour lavoir accueillie par 
pitié, elle, pauvre fille indigente, et l’avoir 
endurée si longtemps. Elle ajouta qu’elle 
avait cependant une faveur nouvelle à leur 


demander : de vouloir bien, après sa mort, 


A ee 


122 LA VÉNÉRABLE MARIE CRESUENCE 


recevoir au nom du bon Dieu, pour 
prendre sa place, une pauvre fille sans dot. 
‘“ Le Christ lui avait promis, dit-elle, de rc- 
compenser la communauté pour cet acte de 
:Varité.” Les sœurs, les larmes aux yeux, 
lui promirent d’exécuter son désir. On 
sonsevre encore dans le couvent un docu- 
ment trouvé après sa mort, écrit de sa pro- 
pre main dans lequel elle relate cette deman- 
de, avec la promesse À elle faite par le 
Christ. C’est, croit-on, la seule fois qu’elle 
mit par écrit une révélation. Elle se lit 
comme suit : 

‘ Un jour, je priai mon Bien-Aimé de 
daigner récompenser le grand amour témoi- 
gné par mes chères sœurs, en m’acceptant, 
moi pauvre et indigne créature, dans ce 
saint ordre et de m'avoir admise à fäire 
profession ; je le suppliai aussi de vouloir 
bien combler le couvent de ses saintes béné- 
dictions, de leur accorder les biens temporels 
nécessaires, et de les préserver de tout mal 
et du corps et de l’Âme ; que cependant sa 
sainte volonté fut faite ! Alors mon Bien- 
Aimé répondit :—“Mon enfant, j'ai entendu 


pour 
s dot. 
de rt- 
cte de 
yeux, 
. On 
docu- 
a pro- 
eman- 
par Île 
qu’elle 
se lit 


mé de 
témoi- 
eptant, 
ans ce 
à faire 
vouloir 
3 béné- 
iporels 
it mal 
ant sa 
Bien- 


tendu 


LE KAUFBEUREN 123 


ta prière et dans ma sagesse j'ai décidé 
qu'après ta mort, je retirerai quelque peu 
mes bienfaits et mes grâces, ufin qu’elles con-. 
naissent et voient de quel prix est ma grâce ; 
après cela leurs yeux s’ouvriront.”’—‘Ah ! 
Père bien-aimé et Divin Epoux, je vous en 
conjure par votre amour, ne les privez pas 
pour un long temps de votre divine grâce. 
Hâtez-vous de les secourir. —Mon bon Sau- 
veur reprit: ‘“ Mon enfant, si après ta mort 
elles reprennent une autre personne dans le 
couvent pour l'amour de moi, je les comble- 
rai de nouveau de mes bénédictions, maïs 
elles devront n'accepter qu’une postulante 
vertueuse et de bonne volonté et quand 
celle-ci mourra, la remplacer par une autre 
et continuer ainsi dans la suite ; Voicila ma- 
nière dont j'ai entendu ta prière ; ces 
paroles que je viens de te prononcer, mets- 
les par écrit, afin qu'on puisse les trouver 
après ta mort et suivre ces conseils.” —C'est 
ce que j'ai fait sur son ordre et par obéis- 
sance”? 

Cette demande a toujours été fidèlement 
remplie par les sœurs de Kaufbeuren. 


Maîtresse des Novices et Supérienre— Fantes 
dévoilées.— Nécessité de la méditation— Adminis- 
tration de la fille du tisserand.— Seconde fondatrice. — 
Les six ailes des Séraphins— Le chapitre des fautes. — 
St. Antoine de Padoue— 


La Vénérable Crescence remplit pendant 
vingt quatre ou vingt huit ans, la charge si 
importante de maîtresse des novices, avec 
le plus grand succès. La lumière d’une 
sagesse surnaturelle qui la guidait, l'efficacité 
d’un exemple si parfait de toutes les vertus, 


Fantes 
Ldminis- 
atrice.— 
autes.— 


ndant 
rge si 
_ avec 

d’une 
icacité 
vertus, 


DE KAUFBEUREN 125 


la puissance de sa prière, avaient tant d’effet 
qu’elles produisaient d’abondants fruits mé- 


me dans les cœurs mal disposés. Personne ne 


pouvait résister longtemps à la force de son 
humilité et de son amour. 

Bien qu’elle connût la perfection et la 
sainteté requises d’une âme consacrée à Dieu 
dans l’état religieux, et qu’elle fut à même 
d'en décrire l’idéal dans un langage éloquent, 
cependant, elle connaissait trop bien la faibles- 
se de la nature humaiïne pour demander trop 
à la fois. Elle condescendait avec une patience 
et une indulgence de mère aux imperfections 
de ses élèves et réussissait à vaincre de gran- 
des fautes par l’indulgence. 

La sœur Weiss rapporte le fait suivant : 
“ Un jour que durant mon noviciat, je m’é- 
tais montrée indisciplinée et j’avais repoussé 
avec obstination ses admonitions maternelles, 
Crescence me reprit, il est vrai, par des 
paroles pleines de fermeté, maïs ensuite vint 
me montrer elle-même avec bonté comment 
m'y prendre pour faire les ouvrages les plus 
simples, me recommandant d’y apporter 


toujours de la bonne volonté, et elle répéta 


126 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


eette leçon trois ou quatre fois ; je puis dire 
avec vérité que sa simple vue était pour moi 
une leçon continuelle d’hamilité, d'amour et 
de charité.” 

La sœur Anger assure que Crescence 
supportait avec la plus angélique patience 
les plaintes et les reproches injustes formulés 
par les religieuses professes contre la maî- 
tresse des novices, même  lorsqu’elles 
s'étaient trompées ou avaient commis quel- 
que faute. 

Jour et nuit, à toute heure on la trou- 
vait prète à consoler, à instruire et à éclairer 
ses filles spirituelles dans les difficultés. 

Aussi les novices avaient-elles une gran- 
de confiance et une respectueuse vénération 
pour leur maîtresse ; elles trouvaient auprès 
d’elle, consolation, avis et force. Elle avait 
surtout le don de relever et de confirmer dans 
la voie de la perfection les cœurs timides et 
abattus. La sœur Miller raconte que du- 
rant son noviciat elle fut obsédée par une 
pensée de découragement au point qu’elle 
avait presque décidé de quitter le couvent. 
S’en étant ouverte à Crescence, elle en reçut 


cence 
tience 
mulés 
A 
maî- 
’clles 
quel- 


> gran- 
ration 
auprès 
> avait 
r dans 
ides et 
Le du- 
r une 
qu’elle 
uvent. 


| recut 


Cd 


DE KAUFBEUREN 127 


un si puissant encouragement d’espérance 
en Dieu que, depuis ce jour, elle jouit d’une 
paix sans mélange. | 

Elle exerçait une surveillance active sur 
les novices, s’enquérant de ce qu’elles fai- 
saient, les reprenant avec douceur, les habi- 
tuant à la pratique journalière de quelques 
petites mortifications des sens et de la volon- 
té, ce qui, d’après elle, était plus important 
que de châtier le corps et de se livrer à de 
pieuses dévotions. La piété, recommandait- 
elle, devait être une piété éclairée, basée sur 
le renoncement de sa propre volonté :— 
‘ Une foule de personnes consacrées à Dieu 
atteindraient les plus hauts dégrés de la per- 
fection, si seulement elles voulaient se renon- 
cer à elles-mêmes et correspondre à la grâce, 
sans commettre la folie de vouloir garder 
pour elles une parcelle de leur cœur.” 

La sainte vénération des novices pour 
leur maîtresse avait une base plus profonde. 
Elles ne tardèrent point à constater qu’elles 
se trouvaient en contact continuel avec une 
sainte, qui avait le don de découvrir les 


secrets les plus cachés de leurs cœurs. Et 


Le ee 


Se RE 
re mom 


128 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


cela est amplement prouvé. La sœur Anger 
raconte, entr’autres incidents, qu'ayant été 
troublée par une pensée contre la foi, dans 
une retraite, Crescence vint tout-à-coup la 
trouver, bien qu’elle n’eut communiquée à 
personne ce qui se passait au fond de son 
âme, et lui parla de ce doute, le résolut et le 
dissipa. Plusieurs sœurs déclarèrent qu’elle 
leur avait dévoilé des péchés secrets, en le 
exhortant à s’en confesser.— 

Souvent, pendant ses instructions com- 
me maîtresse des novices, elle était ravie en 
extase ; sa figure réflétait tantôt la pâleur 
de la mort, et tantôt se couvrait d’un vif 
incarnat ;— elle demeurait dans cet état un 
quart d’heure ou une demi heure. Les no- 
vices étaient saisies d’une crainte respec- 
tueuse et n’étaient pas peu étonnées de l’en- 
tendre dévoiler leurs fautes et leurs tenta- 
tions comme si elle eut lu dans le fond de 
leurs cœurs. Les entretiens duraient une 
ou deux heures, quelques fois davantage, et 
elle, si faible pourtant, parlait avec une 


aisance et une éloquence qui n’étaient pas 
d’un mortel. C’est l’Esprit Saint, disait-on, 


Anger 
t té 
dans 


com- 
ie en 
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in vif 
tat un 
es no- 
"espec- 
e l’en- 
tenta- 
id de 
t une 
ge, et 
C une 
it pas 


ait-on, 


DE KAUFBEUREN 1294 


qui parle par sa bouche.” 

Elle cherchait avec zèle à inculquer à 
ses novices la nécessité et la manière de mt- 
diter sur la Passion, sur le renoncement 
entier de soi-même, sur la pauvreté de l’es- 
pritet de l’état religieux et surtout sur 
l'obéissance par esprit de foi. 

Elle avait établi deux règles pour le 
choix, et la réception des novices :-—“d’abord 
de ne point considérer si elles sont riches 
des biens de ce monde mais, si elles sont 
riches en vertus, et ensuite chaque novice 
doit être traitée et conduite d’après ses qua- 
lités propres, ses passions, ses besoins et ses 
aspirations particulières. Il est ridicule dé 
chercher à les conduire toutes par le même 
chemin.” 

Des principes si éclairés, un exemple si 
saint, et tant de prières ue pouvaient man- 
quer de produire des fruits au centuple. 
Elle forma en vérité de bonnes et pieuses 
religieuses dont les vertis se répandirent 
au loin. 

Qu'il serait à souhaiter que les éduca- 


teurs de la jeunesse eussent tous de sembla- 


D EP ND AE 


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Î 


130 LA VÉNÉRABLE MARIE CRESUENCE 


bles principes. La famille, la patrie, l’ Eglise 
en bénéficieraient largement. 

Le 23 juin 1741, Marie Crescence fut, 
par un vote unanime de la communauté, 
élue supérieure, pour remplacer la vénérée 
Mère Johanna qui venait de mourir. L’hum- 
ble servante fut déconcertée de ce choix ; un 
flot de larmes s’échappa de ses yeux, et elle 
devint si faible que deux sœurs durent l’ai- 
der pour se rendre à l’endroit où la coutu- 
me voulait qu’elle s’agenouillât. Elle 
supplia de la mettre de côté. — “ Mes chères 
sœurs, dit-elle, vous avez élu la plus misé- 
vables des créatures ; ‘e suis une ignorante 
et n’entends rien aux affaires ; avez-vous ou- 
blié que je suis la fille d’un pauvre tisserand ? 
Il n’y a rien de bon en moi, et comment 
voulez-vous que moi, qui ne sais pas me con- 
duire moi-même, je puisse gouverner les 
autres ?”” Le Père Provincial Schmid, qui 
présidait l’élection, intervint alors et lui dit 
que l’obéissance lui faisait une loi d’accepter 
la charge. Ce mot d’obéissance eut un 
effet magique : ses pleurs cessèrent, sa figure 
eprit sa sérénité ordinaire et elle accepta, 


Eglise 


e fut, 
1auté, 
snérée 
’hum- 
X; un 
et elle 
at l’ai- 
coutu- 
Elle 
chères 


 misé- 


orante 
US OU- 
rand ? 
nment 
le con- 
er les 
d, qui 
lui dit 
cepter 
ut un 
figure 


>cepta, 


LE KAUFBEUREN 131 


des mains de Dieu, avec une soumission 
entière et comme une croix, cette nouvelle 
fonction. Nous avons déjà dit .qu’afin de 
ue pas perdre le mérite de l’obéissance, elle 
demanda de préposer à sa direction person- 
nelle quelqu’une de ses sœurs ; elle eut ainsi 
l’occasion de pratiquer à un dégré éminent 
la vertu pour laquelle elle avait tant de pré- 
dilection. 

Pendant près de trois ans, Crescence 
dirigea la communauté, avec une prudence, 
une fermeté, un zèle et une humilité qui lui 
valurent non-seulement l'approbation mais 
admiration même des personnes du dehors. 
Elle, qui avait si souvent entendu répéter 
qu’elle n'avait été reçue que par charité, 
qu’elle était à charge et qui en était elle- 
même si convaincue qu’elle choïsissait tou- 
Jours la dernière place, voilà que mainte- 


nant, elle élève le couvent à une splendeur 


jusqu'hlors inconnue, tant dans l’ordre tem- 
porel que dans l’ordre spirituel, et mérite 
d’être décorée du titre de ‘“ seconde fonda- 


trice. ”? 


Sous sa direction, le pauvre asile de 
Kauf beuren devint un paisible petit royau- 


132 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENCE 


me d'amour et de piété au milieu des tracas 
et des bruits du monde. Les maximes, les 
érdonnances et les lois établies p. r elle furent 
jugées si sages et si protitables, qu'après sa 
mort, on en fit une règle que l’on iuséra 
dans la constitution. 

Crescence possédait à un haut dégré 
ce que St. Bonaventure appelle les six aiîles 
des séraphins, c’est-à-dire le zèle de la justice, 
la compassion pour les malades et les faibles, 
une patience inébranlable, une vie exem- 
plaire, la prudence et le discernement, entin 
uue tendre piété. 

Elle voyait À ce que les employés fus- 
sent largement et régulièrement payés, que 
tous les comptes fussent soldés sans délai, et 
elle prenait elle-même connaïssance des 
livres et des dépenses. 

Insouciante de sa propre réputation, 
elle veillait constamment à l’honneur des 
autres, prenant chaque fois la part de l’ac- 
cusée. Elle déploya beaucoup de tact, d’im- 
partialité et de justice dans la distribution 
des diverses charges, d’après les aptitudes, 
le caractère et le mérite de chaque sœur. 


tracas 
es, les 
furent 
\ 

"ès s4 


inséra 


dégré 
ailes 
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aibles, 
exem- 


enfin 


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lai, et 


e des 


fation, 
r des 
> l’ac- 
 d’im- 
bution 
tudes, 
sœur. 


DE KAUFBEUREN 133 


Si douce et si conciliante que fut Cres- 
cence, elle trouvait la fermeté de reprendre 
et corriger au besoin, mais elle ne punissait 


jamais qu'après une longue délibération, 


sans précipitation, mais avec une fermeté 
alliée à une douceur qui gagnait les coeurs. 

C'était l'habitude dans ce couvent, 
comme d’ailleurs dans un grand nombre 
d'institutions religieuses, de tenir un journal 
ou cahier des fautes commises par les soeurs. 
* Lorsque, comme supérieure, elle présidait 
le chapitre des fautes, dit la soeur Gabriel, 
on eut cru assister À une école de vertu. 
Elle encourageait et cousolait avec une ten- 
dresse maternelle. Quand son tour était 
venu de confesser ses fautes, elle le faisait à 


wenoux, dans l'attitude d’une suppliante, 
implorant de ses soeurs pardon pour les 
manquements qu’elle avait pu commettre 
et les mauvais exemples qu’elle leur avait 
donnés. Elle s’excusait de nous avoir admo- 
nestés, en recommandant de ne pas las uivre 


dans ses égarements mais d'écouter ses ex- 


hortations.”? 


134 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


Crescence apporta uue prudence extrô- 
me dars la réception des auspirantes à l’état 
religieux. ‘De cette décision, disait-elle, 
dépend l’honneur de Dieu et de la commu- 
nauté.”. Durant son supériorat elle ne 
reçut que deux novices. Un jour, que le 
Père Provincial lui recommandait fortement 
une personne riche et appartenant à une 
famille noble, Crescence ne put s'empêcher 
de dire en voyant la postulante : “celle-ci 
n’est pas pour nons.”” De fait, peu de tem}: 
après, la jeune fille du monde retournuit 
chez elle, de son plein gré. 

La zélée supérieure était très sévère 
sur les rapports des religieuses avec les per- 
sonnes du dehors, fussent-elles parentes on 
même dans l’état ecclésiastique.  ‘“ Quoiqué 
ces fréquentations soient bonnes dans le 
principe, souvent elles ne produisent aucun 
bon résultat. Elles distraient pour le moins, 
changent l'esprit, et tournent aisément le 
cœur vers les créatures, tandis que la 
réflexion et le silence entretiennent les sain- 

es pensées et l'amour de Dieu.” 
Les discours mondains de la rueétaient 


ai 


DE KAUFBEUREN 135 


extré- interdits dans le couvent ; ils étaient bannis 
l'état scrupuleusement de la conversation. L’in- 
t-elle, dolence et l’oisiveté lui répugnaïent. “ Ne | 
PEU travaillons point comme des serviteurs qui s | 
le ne craignent l’eeil du maître. mais pour Dieu, i k. 
ue le en fidèles servantes du Christ.” Aussi était- A 
ement elle toujours la première aux travaux Îles } { 
une plus avilissants, et souvent les soeurs, à qui if ] 
rècher incombaient ces fonctions, trouvaient leur à | 
elle-ci ouvrage déjà accompli par une main bien- : 
temps faisante, qui n’était autre que celle de leur h 
urnuit 


bonne supérieure. Jamais elle ne s’abstint 


d’un exercice de la communauté, ni même 


SURF de la récréation, à moins d’être retenue au 


es per- lit par la maladie. 


es Dans la première année de sa charge 


uoique Crescence fut gravement malade. Une 
ans le attaque d’hydropysie la fit souffrir horrible- 
sueun ment pendant trois mois. Tous, y compris 
moins, les médecins, craignaïent une mort prochai- 
ent le ne. Son corps vint à enfler tellement qu’elle ct | 
que la ne pouvait plus se coucher ; elle restait même ( ! | 
1-88: très difficilement assise. Tout-à-coup, un i 
changement s’opéra, elle recouvra bientôt ill 
ftaient | 


sa santé première à l’étonnement de tout le 


136 LA VÉN®RABLE MARIE-CRESCENCE 


monde. Comme ses compagnes la question- 
uaient à ce sujet, elle leur dit que St. Antoine 
de Padoue, son patron, Jui était apparu ct 
lui avait annoncé qu'elle ne mourrait point 
de cette maladie, et aussitôt le mal avait 


disparu. 


stion- 
itoince 
ru et 
point 


avait 


XI 


La renommée de Crescence.— Don de prophétie — 
Visites distinguées.— . Prédictions— Intendant et 
sénateur.— La suppression de l’ordre des Franciscains.— 
Le cas de conscience.-—La famille Andréas.—Guérisous. — 
Le chapelet de la religieuse et les Luthériens — 


: La réputation de la sainteté et de la 
sagesse de Crescence ne se borna pas au 
diocèse d’Augsbourg, mais se répandit dans 
toute l’ Allemagne et même audelà, Attirés 
par son renom, conduits par Dieu, les 
plus hautes classes de la société, les maîtres 
de la science et de la piété accoururent au 


138 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


pauvre couvent, les uns pour chercher cou- 
fort, les autres conseil dans les affaires épi- 
neuses, tous édification et prières.’ Parmi 
eux citons la Princesse Amalia, épouse de 
l'électeur de Bavière reconnu plus tard par 
une partie de |’ Allemagne comme empereur, 
sous le nom de Charles VII. Elle vint trois 
fois à Kauf beuren rendre visite à l’humble 
fille du pauvre tisserand. 

On rapporte, à l’occasion de la visite de 
Clément Auguste, électeur de Cologne, au 
retour d’une promenade en $Souabe qu'il 
insista auprès de Marie-Crescence, (qu’on 
disait douée du don de la prophétie), pour 
qu’elle voulut bien lui dévoiler quelque chose 
de son avenir. La religieuse hésita long- 
temps, mais cédant enfin aux sollicitations 
répétées de son noble interlocuteur, elle lui 
dit que bien qu’il eut construit un grand 
nombre de châteaux, cependant il ne mour- 
rait dans aucun d’eux. L’évènement con- 
firma la prédiction. Il tomba malade pen- 
dant un voyage à Munich et mourut dans 
un château étranger, le lendemain de son 
arrivée. 


cou- 
s épi- 
armi 
e de 
d par 
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t trois 
amble 


ite de 
e, au 
qu’il 
qu’on 
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chose 
long- 
ations 
Ile lui 
grand 
mour- 
| con- 
e pen- 
dans 
e son 


LE KAUFBEUREN 139 


L’archevèque de Salzbourg, le Cardinal 
de Constance, l’évêque d’Augsbourg, la 
duchesse de Savoie de la famille Lichtenstein, 
le genéral impérial Collovrath de la Moravie, 
pour ne mentionner que quelques noms par- 
mi un très graud nombre d’autres, vinrent 
tour-à-tour rendre hommage à la réclusé 
volontaire, et lui demander les conseils et 
la sagesse que le pouvoir humain était im- 
puissant à donner. Jamais leur attente ne 
fut trompée, et on ne connaït aucune per- 
sonne qui n’aît été satisfaite audelà de ses 
espérances. 

Comme bien on le suppose, plusieurs 
visiteurs vinrent, poussés par la curiosité où 
dans un méchant dessein, soit pour trouve 
matière à rire, ou pour tourner en ridicule ce 
dont ils seraient les témoins. Un cruel dé- 
sappointement les attendait : Crescence gar- 
dait alors une attitude si réservée et «i 
peu communicative, que l'entretien prenait 
fin aussitôt, et ils s’en retournaient en se 
disant que la servante de Dieu n’était guère 
qu’une femme commune et ignorante. Il 


arrivait souvent que ces visites prenaient une 


140 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENUE 


tournure toute autre que celle attendue. 
D’aucuns repartaient houteux et confus ; 
d’autres confessaient que Crescence leur avait 
dévoilé l’état caché de leur conscience. 
“Un ecclésiastique, raconte le Père 
Ott, peu soucieux de sa dignité, ayant appris 
la visite prochaine de l’archevêque de Colo- 
gue, s’imagina de mystifier Crescence. Se 
faisant accompagner de quelques personnes, 
il se présenta au couvent comme le prélat 
attendu. Il fut reçu par les religieuses avec 
toute la pompe et l’éclat dus à un si haut 
personnage. Seule, la pieuse vierge ne se 


prêta pas à l’enthousiasme général et l’ac- 
cueillit avec froideur. Se trou. :at à l'écart 


avec lui, elle lui révéla quelque chose qui 
jusque Ià était pour lui un secret intime, et 
lui conseilla d'employer plutôt son temps à 
se préparer à la mort ; que dans trois mois 
il ne serait plus. Tout bouleversé, le mau- 
vais plaisant suivit le conseil et peu après il 
mourait en effet.” ù 

La correspondance, que Crescence dut 
entretenir avec des personnages qui étaient 
venus la visiter, était si considérable qu’slle 


ndue. 
nfus ; 
"avait 


Père 
appris 
Colo- 

Se 
nes, 
prélat 
Avec 
haut 
ne se 
 l’ac- 


écart 
e qui 
ne, et 
mps à 
mois 
mau- 
rès il 


e dut 
aient 
qu’elle 


DE KAUFBEUREN 141 


absorbaït tout le temps d’une religieuse. 
llusieurs milliers de lettres traitant de 
matières de conscience furent brûlées ; on 
en trouva cependant un grand nombre après 
sa mort, comme l’atteste un document signé 
par le Père Elbel, commissaire général de 
l’ordre des Franciscains. D’après ce docu- 
ment, il ordonna lui-même d’en brûler huit 
cent soixante dix-sept à cause des choses 
secrètes qui y étaient contenues. Parmi ces 
lettres il s’en trouvait de l’Impératrice 
Amalie, de la Princesse Amalie, de l’Impé- 
ratrice Elizabeth, de la Reine Josèphe de 
Pologne, du roi Auguste III, de l’archevê- 
que de Salzbourg, de l’évêque de Brixon, 
de la Duchesse de Savoie, etc. etc. Ces 
noms démontrent la hauté réputation dont 
elle jouissait, et le prestige qu’elle exerçait. 
Parmi ceux qui correspondaient sou- 
vent avec elle, mentionnons l’albé de Plank- 
setten, Maurus Xaverius, qui est mort en 
odeur de sainteté. Dans la biographie de 
e religieux, on rapporte qu’un jour Crescen- 
ce lui ayant adressé un plant de poirier, il 


le confia au jardinier pour {e mettre en terre. 


ETES 


Re 


Er SR EME RS PE 
ESS 


142 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


Celui-ci ne put s'empêcher de remarquer que 
ce serait inutile vu que la racine était dessé- 
chée. Le Père Maurus insista; et cette 
racine devint un arbre magnifique qui don- 
na des fruits délicieux.” : 

* Un officier de l’armée occupant une 
position élevée et adonné à tous les excès, 
racontent les actes de béatification, trouva 
un jour sur son sécrétaire une lettre cachetée. 
A peine l’eut-il parcourue, qu’il resta com- 
me foudroyé. Cet écrit contenait le détail 
de tous ses crimes, et au bas se trouvait la 
signature de M. Urescence Hôss. C’en fut 
assez. Il se convertit aussitôt, et écrivit lui- 
même à Crescencé pour l’assurer de son 
retour à Dieu et lui témoigner sa gratitude." 

Un autre grand personnage avait ment 
une vie très scandaleuse. Les pi et les 
larmes de sa pieuse et digne épouse avaient 
été inutiles. Il vint à Kauf beuren et eut un 
long entretien avec Crescence. lle parla 
si éloquemment à son cœur qu'il en fut tout 
troublé, il retourna chez lui, fit une bonne 
confession et redevint un mari exemplaire 


et vertueux. Sur son lit de mort, il disait 


q 


( 


si 


er que 
dessé- 
cette 


1 don- 


t une 
excès, 
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tude.’” 
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vaient 
eut un 
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ut tout 
bonne 


nplaire 


disait 


DE KAUFBEUREN 143 


hautement : “Que j'estime heureux ceux 
qui ont recours aux prières de Crescence. 
C’est par son intercession que Dieu m’a 
accordé cette grande grâce de ma conver- 
sion.” Le Père Ott ajoute que l’âme de ce 
jeune homme apparut après sa mort à la 
servante de Dieu, la suppliant de le délivrer 
par ses prières du purgatoire, comme elle 
l'avait, dans le passé, sauvé de l’enfer éter- 
nel. Peu après. une révélation lui apprit 
sou entrée dans le séjour de la gloire. 

Un jeune marchand d’Augsbourg avait, 
en peu de temps, dissipé une brillante for- 
tune dans les débauches de l’ivrognerie et 
du jeu, et résistait aux supplications de sa 
famille et de sa mère ; il ne souffrait pas 
même qu’on lui parlât de la religion. Une 
de ses sœurs, religieuse à Kaufbeuren, le 
recommanda aux puissantes prières de Cres- 
cence. Ce jeune homme dissolu tomba 
tout-à-coup malade et se convertit d’une 
manière édifiante ; il mourut dans des sen- 
timents d’une componction pénitente, et 
avec résignation. D’après le rapport du 
Père Ott, lui aussi apparut à l’humble reli- 


144 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


gieuse, et lui dit qu’il ne devait son salut 
qu’à ses ferventes prières. 

Les Âmes, douées de grâces extraordinai- 
res pour leur propre sanctification, reçoivent 
d'ordinaire de l’Esprit Saint des attribu- 
tions merveilleuses, pour le bien-être tem- 
porel et spirituel des autres. La vertu de 
cette amante de la croix, de cestte fidÿle 
épouse du Christ, resplendit du plur bel 
éclat par la simplicité et le détachement 
dont elle ne se départit jamais, même à l’a- 
pogée des honneurs et de lu considération. 

Relativement au don de prophétie que 
possédait Marie-Crescence, le témoignage du 
Cardinal Von Roth, de Constan:e, est d’une 
importance majeure. Lorsque ce prince de 
l'Eglise vint, en 1770, vénérer le tombeau 
de la servante de Dieu, il déclara, en pré- 
sence de la communauté et, de plusieurs 
ecclésiastiques, que la pieuse religieuse li 
avait de son vivant, dévoilé plusieurs événe- 
ments concernant l’avenir, et que tous 
s’étaient réalisés par la suite, 

La sœur Leder fut atteinte, en 1742, 
d’hydropisie du cœur ; elle pouvait cepen- 


salut 


dinai- 
ivent 
tribu- 
tem- 
tu de 
fidle 
R bel 
ement 
à l’a- 
ation. 
ie que 
ge du 
d’une 
nce de 
mbeau 
n pré- 
sieurs 
se jui 
événe- 
) tous 


1742, 
cepen- 


LE KAUFBEUREN 145 


dant suivre les exercices religieux et aucun 
danger n’était appréhendé. . Le 31 mars, 
Crescence, alors supérieure, vint la trouver 
très à vonne heure, la prévint de se prépa- 
rer à la mort et de recevoir sans tarder 
l'extrême-onction. Surprise, elle ne laissa 
pas d’obéir et se fit administrer le saint-viati- 
que. Le lendemain, après avoir assisté à la 
messe, la supérieure lui intima l’ordre de 
prendre le lit en recommandant à l’infirmiè- 
re de ne pas la laïsser un instant. A une 
heure de l’uprès-midi, une crise fatale l’em- 
portait. 

Dans l’année 1731, la sœur Burbaru 
Neth, sembla tomber en agonie : les sœurs 
infirmières donnèrent, à trois heures, le signa] 
ordinaire de la cloche pour assembler les re- 
ligieuses auprès du chevet le la mourante, 
Deux postulantes, se trouvant à passer par 
l’oratoire, y virent Crescence en prières et 
demandèrent à leur maîtresse de se rendre 
près de l’agonisante.  ‘ Retournez sans 
crainte à votre onvrage, dit-elle, ce n’est pas 


maintenant mais à cinq heures que notre 
compagne rendra le dernier soupir.” En 


146 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESUENCE 


effet comme l’horlorge sonnaït cinq heures, la 
religieuse mourait. 

A la sœur Pez elle dit qu’elle serait 
atteinte d’une maladie qui exigerait de la 
séparer des autres religieuses, ce qui arriva 

effectivement en 1749. 

Un jour, le 23 février 1731, Crescence 
rencontrant la sœur Collette au bas de l’es- 
calier lui dit à brûle-pour point de se prépa- 
rer.à la mort, qu’il en était grand temps. 
Celle-ci, qui se portait tout-à-fait bien, n’en 
crut rien. Le même soir, au souper, elle se 
sentit mal, et fut frappée d'une attaque de 
paralysie qui la priva de toute connaissance. 
On s’empressa autour d’elle ; elle put heu- 
reusement recouvrer ses sens, recevoir l’ab- 
solution et l’extrême-onction. Dix heures 
plus tard, son corps n’était plus qu’un cada- 
vre. 

Le Père Troper, prédicateur de l’église 
paroissiale, tomba malade mais cependant 
son état n’était pas alarmant. Le Père Bin- 
ner étant venu faire une visite au couvent. 
Crescence le pria de retourner sans tarder 
au presbytère administrer les derniers sacre- 


en 


res, la 


serait 
de la 
arriva 


scence 
e l’er- 
prépa- 
temps. 
, n’en 
elle se 
que de 
seance. 
it heu- 
ir l’ab- 
heures 
n cada- 


l'église 
sendant 
re Bin- 
ouvent. 

tarder 


*S SACTre- 


UE KAUFBEUREN 147 


ments au religieux. Comme il hésitait, elle 
insista si fort qu’il vint raconter à son frère 
en religion cette prédiction. Le Père Troper 
accueillit ce conseil avec empressement et se 
tit donner l’extrême-onction ; à peine les 
cérémonies de l'Eglise étuient-elles finie * 
qu'il perdit connaissance st mourut le même 
soir, 

La sœur de Orescence, Regina Hôss, 
apprit d'elle, de la même façon, que leur père 
bien-aimé devait mourir le lendemain avant 
midi, et l'heure précise de la mort de son 
mari Joseph Heinritz. Ces deux prédictions 
'accomplirent à la lettre. 

La sœur Bernaruine Gast était tourmen- 
tée d’une grande frayeur de la mort. Cres- 
cence lui dit qu'elle aurait à souffrir cette 
torture morale, jusqu’à peu de temps avant 
sa mort ; que cette tentation ferait alors 
place à une paix très douce. Au commence. 
ment d’Aout 1713, ses craintes furent chan- 
gées tout-à-coup en un désir ardent de la 
mort. Le 11 du même mois, elle s’éteignit 
dans le Seigneur, joyeuse et souriante. : 

Un jeune noble, qui venait de terminer 


Be he en PI OT OU OR AE 


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148 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


ses eiuies, avait résolu d’embrasser la carrit- 
re militaire. Au cours d’un voyage, il vint 
rendre visite à la servante de Dieu et lu; 
confia son dessein. Cette dernière sourit et 
lui déclara que ce ne serait pas la milice 
séculière mais bien lu inilice spirituelle qu’il 
joindrait. Il haussa les épaules avec incré- 
dulité. Peu après cependant, il entrait dans 
la société de Jésus et devint prêtre et pro- 
fesseur. 

Elle annonça à un citoyen de Kautf beu- 
ren, qui n’avait aucune éducation littéraire, 
longtemps avant qu'ils se réalisassent, les 
évènements les plus incroyables : Il devait 
devenir l’intendant d’une noble famille, puis 
sénateur, et enfin membre du Conseil Privé 
de sa ville natale. (Cet homme avait deux 
fils ; lorsqu'ils étudièrent le latin, le père se 
joignit à eux avec zèle et fit de rapides pro- 
grès. Grâce à son savoir et à son honora- 
bilité, la famille noble d’Imhoff lui confia 
l'intendance de sa maison, et il devint eu- 
suite sénateur de la ville où il était 
né. 


Pendant que Crescence était encore 


JE 


carriè- 
il vint 
et lu; 
urit et 
milice 
le qu’il 
» incré- 
ait dans 
et pro- 


ut beu- 
téraire, 


ent, les 
devait 
le, puis 
l Prive 
t deux 
père se 
les pro- 
nonora- 
confia 
int en- 
| était 


encore 


LE KAUFBEUREN 149 


muîtresse des novices, il lui arriva plusieurs 
tois de leur dire : ** Vous ne faites guère 


attention à ce que je vous dis, maïs viendra 


un jour où vous recueillerez toutes mes paro- 
les.” Personne ne comprit alors ce que cela 
voulait dire, mais, elles se réalisèrent quand, 
après sa mort, les religieuses cherchèrent à 
se rappeler tous ses enseignements, en vue 
de sa béatification. 

Nous avons déjà rapporté la prophétie 
qu'elle fit au sujet de la suppression et du 
rétablissement de son propre couvent. D’a- 
près une tradition pieusement conservée, 
Crescence, vers 1744, déclara à la supérieure 
de la province Saxonne de la Ste. Croix de 
l'Ordre des Franciscains, qui était arrêtée la 
voir en se rendant à Rome, que cette pro- 
vince alors très étendue et très prospère; 
serait plus tard tout-à-fait supprimée, mais 
que quelques couvents continueraient à exis- 
ter cependant ; que ce germe donnerait, en 
deux occasions, une nouvelle vie à l'Ordre 
de lu Ste. Croix, d’abord imparfaite et qu’en- 
suite il allait atteindre à une grandeur et 


une extension jusqu'alors inconnues et irait 


150 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


planter ses rameaux jusqu’audelà de l'Océan. 
Cette double prophétie s’accomplit au com- 
mencement de ce siècle. Pendant tout le 
temps que demeura en vigueur la loi inique, 
proscrivant les institutions religieuses, ceux 
des Pères de cette communauté qui survécu- 
rent aux violences de la révolution, sap- 
puyèrent sur ces paroles, dans l’espérance 
de jours meilleurs. De 1824 à 1831, et 
surtout depuis 1844, quand Frédérie Guil- 
laume IV eut le noble cuurage de rendre à 
cet ordre sa liberté d’action, cette institution 
progressa et grandit d’une façon étonnante 
et dès ! 858, elle fondait plusieurs monastères 
dans l’ Amérique du Nord. 

Il «rrivait souvent qu’éclairée de l’es- 
prit de Dieu, elle devinait les paroles, les 
désirs ou même les secrets du coeur des per- 
sonnes qui la venaient consulter. 

Un missionnaire de renom, le Père 
F'lotto, de la société de Jésus, recteur du 
collège de Mindelheim avait un cas de cons- 
cience très épineux à juger. Ilne pouvait 
en venir à une décision dans l’affirmative ou 
la négative, bien qu’il eut consulté plusieurs 


4 


céan. 
com- 
ut Île 
ique, 
ceux 
vécu- 
s’ap- 
rance 
1, et 
Guil- 
dre à 
ution 
nante 


stères 


cons- 
uvait 
veou 
sieurs 


DE KAUFBEUREN 151 


auteurs à ce sujet, et il se trouvait dans une 
grande perplexité. La mère Johanna ac- 
compagnée de la soeur Crescence vint à 
Mindelhein pour une affaire et alla le con- 
sulter à ce propos. Pendant qu’il s’entre- 
tenait avec la supérieure, la servante du 
Seigneur l’interrompit : *“* Dans cette affaire 
—qu’elle indiqua distinctement,—votre révé- 
rence doit décider affirmativement : c’est la 
volonté de Dieu.” Extrême fut la surprise 
du prêtre. Il assura plus tard qu’il n’avait 
fait part de ses doutes à personne et que 
personne n’avait pu les connaître. 

Le Prieur des Bénédictins de Zurefalten 
avait entendu parler des révélations et des 
extases de la sainte religieuse. Appréhen- 
dant une ruse du démon, il offrit le saint 
sacrifice de la messe, afin que Dieu daigna 
éclairer la pauvre âme, si ces visions étaient 
suscitées par l’ange des ténèbres, ou, # os 
révélations étaient véritables, de les favori- 
ser par sa grâce. Dieu seul et lui connais- 
saient ce désir. Cependant le même jour, 
Crescence révéla à sa supérieure les pensées 
du zélé prêtre, et avec sa permission lui 


pi) 
a) 
à | 
1 


Sp pee pe SC pere mm 


152 LA VÊÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


écrivit pour l’en remercier. 

Voici une anecdote étonnante que ra- 
conte le Père Ott, et qui témoigne hante- 
ment de l'esprit prophétique de la vierge 
de Kauf beuren :— 

Antoine Andreas, un pauvre paysan 
de Thalhofen avait deux enfants : l’un âgé 
de einq ans l’autre de six semaines à peine, 
Le 28 octobre 1742, les parents se rendirent 
à l’église, laissant les deux enfants seuls au 
logis. Une méchante femme du nom 
d’Anna Korpf, qui avait reçu l’hospitalité 
chez ces pauvres gens peu de semaines anu- 
paravant et qui cherchait une occasion d’en- 
lever le bébé, protita de leur absence pour 
s’introduire dans la maison. Elle espérait 
pouvoir, avec l’aide d’un complice, vendre 
l'enfant à un haut prix à certains juifs que la 
guerre avait amenés à Augsbourg, dans un 
but de lucre. Afin de ne pas être découverte, 
elle étouffa l’ainé, cacha son corps sous un 
amas de paille, mit le feu au berceau et s’en- 
_ fuit sécrètement avec le bébé à Augsbourg. 
Au retour de l’église, un spectacle navrant 
s’offrit aux yeux de la mère : Ia maison était 


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LE KAUFBEUREN 153 


pleine de fumée, le berceau vide, et les en- 
fants disparus. A ses gémissements, tout 
le village accourut à la suite du curé. Onré- 
ussit à enrayer les progrès de l'incendie, mais 
nulle part aucune trace des petits êtres. 
Trois jours durant, on les chercha mais les 
recherches furent vaines. Une rumeur vint 
à se répandre que les parents eux-mêmes 
étaient les auteurs de cette disparition inex- 
plicable. C’en fut assez pour jeter les deux 
époux dans un état voisin du désespoir. A 
plusieurs reprises ils furent trainés devant 
les tribunaux. [gnorants, sans protecteur 
aucun, ils ne savaient comment prouver leur 
innocence d’une charge aussi terrible, Dans 
sa détresse extrême la pauvre mère eut re- 
cours à St-Antoine de Padoue afin que, par 
son intercession , ils pussent trouver leurs 
enfants et détruire les affreux soupçons qui 
planaïent sur eux. À peine son cœur avait- 
il adressé au ciel cette supplication, qu’il lui 
sembla voir, debout devant elle, une religieuse 
qu’elle erunt être la pieuse Crescence, venant 
à son secours. Elle voulut à l’instant faire 
route pour Kaufbeuren mais personne ne 


154 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


consentit à l'accompagner: un vieillard de 
77 ans s’imposa cette tâche par compassion 
et pitié. Le 30 octobre, ils se présentèrent 
au couvent, mais Crescence était malade au 
lit, incapable de recevoir personne. La  mal- 
heureuse mère sanglotant chargea la portit- 
re d’aller au moins Jui raconter sa misère, 
Urescence se contenta de faire dire à cette 
femme, de porter sa lourde croix avec patien- 
ee et prière, d’avoir confiance, que Dieu don- 
neraîit à l'affaire un résultat heureux et 
aussi qu’elle ne devait jeter de blâme sur 
personne et pardonner à ses ennemis ; il 
s'écoulerait encore quelque temps avant que 
son innocence soit reconnue ; les persécu- 
tions allaient s’acharner contre elle. Quant 
à la sainte messe, ( que la mère avait promis 
de faire dire, mais dont elle n'avait point 
parler à Crescence,) celle-ci s’en chargea, 
mais elle lui recommanda de faire sans tar- 
der le pélérinage qu’elle avait promis, si 
toutefois elle n’en était pas empêchée.—Elle 
le fut en effet : l’innocente femme fut arrêtée 
aur la route par la police et traduite devant 
le tribunal. — 


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— Elle 
‘rêtée 
2vant 


LÉ KAUFBEUREN 15 


Non satisfaite de cette réponse, lintor- 
tunée voulait à tout prix savoir si 
ses enfants étaient encore vivants et où ils 
se trouvaient. Elle renvoyu la portière au- 
près de Crescence qui lui fit réponse qu'elle 
trouverait l’ainé dès son arrivée chez elle ; 
que le bébé vivait encore, il est vrai, mais 
était très faible. — 

En s’en retournant de la Cour chez elle, 
la malheureuse femme apprit que lon avai 
trouvé le corps de l’ainé sous un amas de 
paille. Les investigations de l'autorité, les 
insultes et les affronts du peuple exaspéré 
continuèrent pendant quelques semaines 
encore, Une rumeur cireula ensuite que le 
dernier avait été trouvé à Augsbourg. 
Aussitôt les parents se mirent en marche 
pour cette ville. Ils arrêtèrent au couvent 
de Kauf beuren et Crescence leur assura qu'ils 
apprendraient où était leurs enfants, dès 
qu'ils atteindraient les portes de la cité. ls 
y rencontrèrent en effet des personnes qui 
les conduisirent à la maison des enfants 


trouvés, où il le supposaient être.— A l'entrée 


de la ville, les malfaiteurs avaient perdu 


20 Ch AE UE ER 


ER me — UE voue ne ne Me 2 7e . 


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LISE 


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E LS DE g n mr 


156 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENUEÉ 


courage et afin de n’être pas apperçus, ils 
avaient jeté à terre, à côté de la voie, le pa- 
uier contenant le frêle enfant. Une femme 
protestante avait trouvé lu pauvre petit être 
à demi-mort de froid, et l’uvait confié à 
l'hospice. 

in entraut dans la salle, où reposaient 


ans leur petits lits plus de trente enfants, 


la mère, poussée par l'instinct maternel et 
guidée par une main invisible, se dirigea 
tout droit au berceau de sa fille, et l’enlevant 
dans ses bras, s’écria: ‘O mon Annette 
chérie, comment es-tu venue ici ? ”’ : Chose 
étrange, l’enfant sourit à sa mère qui, ivre 
de bonheur et d'émotion, s’affaissa. 

Les témoins de cette scène en furent 
émus aux larmes. L'on prodigua à ces 
parents affligés les soins que réquéraient 
la longueur du trajet et les souftrances mo- 
rales qu’ils avaient endurées. 

Les soupçons tombèrent bientôt sur la 
vraie coupable. Elle fut arrêtée, trouvée cou- 
pable et exécutée ainsi que son complice. 
Durant tout le cours du procès, les parents 
furent logés, à Augsbourg, aux frais de la 


LS, ils 
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LE KAUFBEUREN 15 


ville, et ils retournèrent chez eux vers la fin 
de juillet 1743 avec leur entant. A leur 
passage à Kauf beuren, ils ne manquèrent 
pas de rendre visite à leur protectrice. 
Avant même de les voir, Crescence dit à la 
portière : ‘ d'aller ouvrir, que c'était la 
famille de Thalhofen, avec leur fille retrou- 
vée qui frappait.” 

Ces pauvres gens sollicitèrent de Cres- 
cence de leur obteuir la grâce de ramener 
vivant, leur enfant dans leur village. Si 
malade qu’elle fut, sa mort eut pu les expo- 
séei à de nouvelles détractions. Aussi vou- 
lurent-ils continuer leur voyage le même 
jour. La servante de Dieu apaisa leurs 
craintes, et les persuada de passer la nuit à 
Kauf beuren, les assurant que la petite mala- 
de ne mourrait pus avant leur retour. Elle 
mourut en effet quatre jours après leur 
arrivée. 

Il est constant, que par ses prières, un 
grand nombre de malades furent guéris, 
beaucoup d’affligés consolés, mais pendant 
sa vie bien peu de ces faits merveilleux furent 


consignés par écrit, et dès lors un très grand 


LE. 


158 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENC! 


nombre restèrent ignorés. 

Voici quelques gucrisons miraculeuses 
tirées des actes de béatitication : 

Le tils unique d'une pauvre veuve 
Krautman, de Kaut beuren, souffrait d'une 
fièvre maligne, qui ne laissait ancun espoir. 
A la même heure à laquelle Creseenee com- 
inença ses prières pour le malade, à la de- 
mande de la mère désolée, un changement 
inattendu s'opéra et le jeanne homme re- 
eouvra rapidement la santé. 

L'enfant d’un instituteur de Stettin, 
âgé de cinq ans, était atteint depuis sa nais- 
sance d’une difformité des mains et des 
pieds qui rendait tout monvement impossi- 
ble. Toutes les ressources de l’art ne lui 
avaient apporté aueun soulagement. La 
mère ent recours aux prières de Crescenve 
qui lui remit de l’huile bénite et un T latin 
imprimé sur un papier, en signe de croix. 
Trois jours s'étaient à peine écoulés que dé- 
ja l'enfant marchait et ses membres avaient 
repris leur position n--male. 

Une dame de qualité de Pappus souffrait 
depuis de longues années d’un cancer. Non 


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leuses 


veuve 
d'une 
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croix. 
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vaient 


uffrait 


Son 


DE KAUFBEUREN 159 


état S'aggravait, la douleur devenant insup- 
portable, Tous les remèdes ayant échoué, elle 
eut recours à Crescence. Un pen d'huile 
qu'elle reçut d'elle eut un effet magique : 
Le mal invétéré disparut presque sur le 


champ. La miraculée écrivit elle-mème le 


détail de sa guérison soudaine. 

Lors d’un incendie désastreux, qui avait 
originé dans une brasserie de Kauf beuren, 
on craignit beaucoup une conflagration. 
Le peuple vint demander à la servante de 
Dieu de se mettre en prières. Et le feu 
S'éteignit et cessa comme de lui-même. Tous, 
luthériens comme catholiques, y virent une 
intervention surnaturelle et en attribuèrent,. 
d'un commun accord, le mérite à la puis- 
sante fille de St-François. 

il est de tradition constante à Kauf- 
benren, que Crescence est une protectrice 
souveraine contre le feu. Dès qu’un incen- 
die éclate, on court au couvent chercher une 
relique de la sainte religieuse, on jette cet 
objet au milieu des flammes. Aussitôt, 
celles-ci se concentrent, se replient sur elles- 


mêmes et s’apaisent, sans jamais se propager 


lg] 
Li 
LA 


160 LA VENÉRABLE MARIE-CREKCENCE 


et s'étendre à d'autres édifices. 

La guérison subite et complète d’un 
habitar:: de Fulsen, nommé Joseph Filser. 
rapportée par le Père Ott, créa une grande 
sensation. Après trois mois d’une moladie 
très grave, les médecins avaient perdu tout 
espoir de le sauver. A peine eut-il reçu 
quelques objets bénis, que lui envoyait Cres- 
eence, qu’il se sentit bien. 

Les miracles, que Dieu daigne accorder 
à ceux qui ont foi en Lui, n'ont jamaïs man- 
qué au sein de l'Eglise catholique ; chaque 
pays et chaque siècle ont été les témoins de 
la munificence et de la méstricordede Dieu. 
Ce sont les manifestations de sa puissance ; 
Elles abondent partont où il y a des malades 
à guérir, des affictions à consoler, des 
pécheurs à convertir, des Âmes à sauver. 


SR 
Due 


rence 
souff 
mÉnus 
cence 
jubil 


d’un 


lilser. 


rande 
laudie 
| tout 

reçu 


Cres- # XII 


order 

 man- 

haque 

ins de "a | ë 
ins de Vision de St-Paul.— Dernière maladie de Cres- 
Dieu. vence— Recommandations suprêmes— Vivre pour 
souffrir encore.— La semaine sainte— Je mourrai à 
minuit.—  L'Archange Raphaël— Séparation.— Cres- 
alades cence s'endort dans le Seignenr—  Regrets changés en 
jubilation.— 


ance , 


Crescence ne se lassa point durant les 
deux dernières années de sa vie, de parler 
de la mort. C’était son sujet favori.—t 1] 
ny a rien de plus doux, disait-elle, que 


Jésus, Marie, et la mort.” 


ne mpemmeneminnnndimnine sons 
; RARES RTE 
an ee SRE rap 


162 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRERCENCE 


Un jour, rapporte le Père Ott, elle eut 
une extase si prolongée que ‘la supérieu- 
re, alarmée, la rappela à elle-même, au nom 
de l’obéissance. Elle n’avait pas encore re- 
couvré parfaitement l'usage de ses sens, 
qu’elle dit : ‘ O mère, que je suis éloigné 
de vous !”” Plus tard, elle lui avoua que son 
ange gardien l'avait conduite, eu effet, en 
purgatoire et dans le ciel, qu’alors il lui avait 
dit : “ C’est ici ta demeure éternelle. J’en- 
tendis le plus délicieux concert de louanges 
qu’il soit possible d'imaginer ; je vis le par- 
fait anéantissement en Dieu, les saints plon- 
gés dans un océan de joie ineffable et de bon- 
heur, Je n’en puis dire davantage. En vérité, 
l'œil n’a point vu, l’oreiile n’a point enten- 
du et le cœur de l’homme ne peut concevoir 
ce que Dieu réserve à ceux qui l’aiment.” 

Sa dernière maladie, que les médecins 
ne purent diagnostiquer, se fit sentir au 
commencement du carême, en février 1744. 
Tout son corps était consumé d’une fièvre 
intérieure extrême. Le médecin protestant 
ne put attribuer cet état qu’à l’ardeur de l’a- 
mour qui enflammait son âme. Ses os sem- 


e eut 


érieu- 
1 nom 
re re- 
sens. 
loigné 
e son 
et, en 
iavait 
J’en- 
1anges 
le par- 


s plon- 
le bon- 
vérité, 
enten- 
\cevoir 
nt.” 
sdecins 
tir au 
1744. 
fièvre 
cestant 
de lP’a- 


DS SeM- 


LE KAUFBEUREN 163 


blaïient brulés jusqu'à la moëlle ; la tête et 
les côtés étaient le siège de douleurs cons- 
tantes ; une soif iutolérable tourmentait sex 
lèvres desséchées ; sa langue, enflée et rude 
comme l'écorce d’un arbre, était toute cre- 
vassée ; Son corps se réduisait à la peau et 
aux os, et encore le dos ne devint bientôt 
qu’une plaie sanglante. Elle avait l’épaule 
et le côté gauche de la figure terriblement 
enflés.  C’était avec vérité qu’elle disait au 
Père Pamer qui s’enquérait de ses souffran- 
ces : qu’il lui semblait qu’elle était rotie 
sur un gril surchauffé.” Il eut été naturel 
qu'une semblable maladie infectât la cham- 
bre. Bien an contraire, on y savourait une 
odeur agréable, quoi qu'aucun parfum n’y 
fut répandu. 

La maladie ne fit pressentir d’abord 
aucun danger. Cependant Crescence déclara 
aussitôt à son confesseur et à l'infirmière 
qu’elle en mourrait. Peu de jours après, 
elle calma les inquiétudes des religieuses 
qui s’alarmaient des symptômes dangereux 
qui s'étaient manifestés, leur disant que sa 


maladie serait longue, et qu’elle mourrait 


mers enmennpemennset maparmmpents Rage 
re À 6 EF - En REES 


164 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENUE 


après de grandes souffrances ; Cette perspec- 
tive semblait la combler de joie. — 

Elle tint parole. Six semaines durant 
elle endura des tourments audessus des 
forces humaines et cela d’une maniere 
sublime, que ceux qui en furent les témoins 
turent épris d'un sentiment d’admiration et 
de surprise, à ce spectacle d’une me trans- 
tigurée par l'amour et la souffrance. A 
l'exemple du Divin Rédempteur, jamais elle 
ne fit rien pour les adoucir, ne requit jamais 
d'aide de personne et passa ce temps sans 
rien manger n1 boire, si ce n'est un peu d'eau 
sur l’ordre du médecin, ce qui ne faisait 
qu'aggraver sa soif. — 

Les hommes de l'art ne pouvaient s'ex- 


L 


pliquer qu’une personne, déjà minée à ce 
point par la faiblesse, put résister à une 
fièvre semblable, sans mourriture aucune : 
Le docteur de Kempten, déclara, dans un 
cerit qui est conservé, que cela surpassait les 
pouvoirs de la nature. 

Sa seule nourriture était la sainte com- 
runion, qu'elle reçut tous les jours de sa 


maladie, excepté le Vendredi-Saint, Sa 


LE KAUFBEUREN 165 


wrandeur d'âme s'accrut avec les souftrances. 


Loin de se plaindre, elle se réjouissait dans 


un amour séraphique et souvent ou l'enten- 


dit s'écrier : ‘ Et vous, membres et os de 


ere si mon corps, réjouissez-vous ! rendez grâce | 


‘moins au Seigneur de vous avoir donné la capacité 
tion et de soutfrir ! Pourquoi m’abstiendrai-je de 
trans- boire au calice dela Passion du Sauveur? Je 
be. À 


is elle 


ne voudrais pas même remuer un pied, afin 
de diminuer mes douleurs. Encore davan- 
Jamais tage, O mon Dieu ! mais augmentez ma 


s sans patience avec mes souffrances. —" «| 


d'eau Dans l'atfliction, le cœur de Crescence pa | 
faisait “emblait un rocher immuable au milieu de ! 
l'océan contre lequel les vagues peuvent | 
il S'eX- bien venir s'abattre avec fureur, mais qui | 
à ce sont impuissantes à le renverser. Il y avait. l 
à une à vrai dire, deux personnes dans Crescemee : | 
Leune : l'amante provoquant l’admiratien, la malade | 
ns un attirant sur elle la compassion et la pitié. Sa | 
sait les chambre devint une école de vertu, son elevet 
une chaire éloquente, où se retraçaient toutes | 
e com- les tragiques scènes du calvaire. | 
de sa C'est dans la maladie que les famtes et 
t. Sa les imperfections d’un chacun, se commas- 


166 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


sent le mieux. L’humilité, le mépris de 
soi, l’abnégatioun et la soumission de Crescen- 
ce se réalisèrent alors d’une manière tou- 
chante. A plusieurs reprises elle assembla 
les sœurs et implora instamment leur pardon 
pour les mauvais exemples qu’elle avait don- 
ués et les fautes commises par elle, et solli- 
cita l’aumône de leurs prières. Elle les sup- 
plia de mettre sur sa tête après sa mort, non 
une couroune de fleurs, comme cela se . fai 
sait d'habitude, maïs une simple couronne 
de paille, et de l’enterrer dans un endroit 
“inconnu des hommes. Voulant pratiquer 
l’obéissance jusque dans la mort, elle écri- 
vit au Père Provinciel de lui imposer l’obéis- 
sance à l’arrêt suprême de la mort. Celui- 
ci répondit, qu’autant que la chose était en 
son pouvoir, au nom de Dieu et en confor- 
mité à sa volonté et ses décrets il lui impo- 
sait cet acte suprême d’obéissance.  L’épouse 
du Christ se réjouit et bénit le Seigneur de 
lui permettre d'accomplir un acte d’obéis- 
sance wême en exhalant son dernier sou- 
pir. 

| Elle cherchait autant que possible à 


DE KAUFBEUREN 167 


rester seule afin de donner libre cours à ses 
e e e ’ Q Q Q 
pieuses aspirations ; elle évitait de recevoir 
des visites à part celles de la sœur infirmière 
et de son confesseur. Le peu de temps qui 


lui restait à vivre, elle voulait le consacrer 

tout entier à l'amour de Dieu. C’est l’opi- 
. ’ ’ " 

nion générale que ce fut sa ferveur extra- 

ordinaire qui détermina, dans les trois der- 
niers jours, une violente hémorragie qu’on 


1 ne put arrêter. 

e : fat” En dépit de la difficulté qu’elle éprou- 
FOR vait À parler, elle accueillit avec bonté et 
affection les religieuses qui désiraient la 


voir ; elle leur donna de magnifiques instruc- 


| enri tions, pleines de charité et de douceur. | 
de Elle appela auprès de son chevet les nou- : 
Se velles religieuses pour leur donner ses der- (|| 
sort niers conseils. Elle les consola et leur re- | 
os commanda chaleureusement la fidélité à 

ki cé suivre la règle et à se sanctifier. Elle Îles 

pousse fit ensuite s’approcher à tour de rôle, et à 

dl né chacune elle dit ce qu’il y avait à retrancher 

obéis- et à faire pour s’amender, créant ainsi sur 

r sou- 


leur esprit une impression qui dura toute 


leur vie. 


‘ble à 


1 
Lil 


ms 


— ——— 


168 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


Bientôt parurent plusieurs symptômes 


sen 

| d’une mort prochaine, Le 27 mars, fête de as 

{ Notre-Dame des sept Douleurs, elle eut une ni 

| | longue faiblesse qui jeta les religieuses dans 4 

une pénible anxiété. Son confesseur appelé di 
en toute hâte, erut lui aussi la mort immi- 

nente, Etant enfin revenue à elle, Cres- \ Li 

[ cence dit aux assistants que les saints qu’elle Je 

| avait souvent priés de l'assister À l'heure de plu 

| la mort, s'étaient approchés de son chevet se 

et lui avaient promis de revenir quand elle ut 

serait pour quitter ce monde, me 

Plusieurs jours avant sa mort, à su de- Sun 

mande, les derniers sacrements lui furent de 

administrés ; elle les reçut avec une dévotion ne 


touchante : elle s'aceusa devant toute la 


” ! \ 
communauté, demanda pardon à chaque 


sœur en particulier des mauvais exemples 
qu’elle avait donnés, remercia de nouveau 
avec effusion de l’avoir reçue dans le couvent 
et recommenda son âme à leurs prières. 

Dès lors, on eut dit qu’elle éprouvait 
un double désir, apparemment contradic- 
toire : de mourir, et de vivre encore pour 
pouvoir souffrir davantage. Le Seigneur 


mes 
te de 
t une 

dans 
ppelé 
imimi- 

Jres- 
u’elle 
re de 


urent 
otion 
te la 
aque 
myples 

veau 
uvent 
puvait 
radic- 

pour 
gneur 


DE KAUFBEUREN 169 


sembla écouter sa demande. Le lundi saint, 
ses souffrances, pourtant déjà extraordinai- 
res, augmentèrent graduellement en nom- 
bre et en intensité. Cette peinture vivante 
du Divin Crucifié srrachait les larmes. 

Les douleurs se faisaient sentir surtout 
À la tête, aux mains et aux pieds. ‘ O mes 
sœurs, dit-elle, ne pleurez pas, réjouissez-vous 
plutôt, et bénissez Dieu. Toute ma joie, 
toute ma vie, toute ma force consistent À 
souffrir et à aimer. Si, avec le Christ, je 
me voyais clouée à la croix, tous mes désirs 
seraient satisfaits. Ceci est le ciel sur la 
terre et un avant-goût de la félicité éter- 
nelle. 

Les trois derniers jours de la semaine 
sainte, et surtout le jeudi saint où elle eut 
le bonheur de communier, se passèrent pour 
ainsi dire dans nne extase continuelle. En 
même temps, un parfum singulier s’échappa 
du lit de la malade et se répandit dans 
tout le couvent. Le Provincial, le Père 
Schmid, la trouva le soir dans un ravisse- 
ment profond. A peine eut-il prononcé les 


mots : ‘“ Vénérable Crescence”’ que cette 


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170 LA VÉNÉRABLE MARIE CRESCENCE 


fille de l’obéissance recouvra connaissance, 
et comme on lui demandait où son esprit 
était allé, elle répondit : “ Mon ange gardien 
m'a conduit au jardin des oliviers ; là, j'ai 
contemplé mon Bien-Aïmé en prières et 
son corps sacré recouvert d’une sueur de 
sang ; je m’approchai de lni, l’adorai et lui 
offris de souffrir tout pour Lui’ Mon 
Bien-Aimé reprit : ‘“ mon enfant, relève-toi 
et vièns souffrir avec moi.”— 

Le vendredi saint, elle semblait ne plus 
appartenir à la terre ; son corps n’avait 
plus qu’un souffle de vie. Son confesseur 
lui ayant demandé si elle avait accompagné 
le Sauveur au sommet du calvaire, un pro- 
fond soupir s’échappa de son cœur : ‘ Oh ! 
qu’il est triste de voir un Dieu se faire hom- 
me, souffrir et mourir ! Si ce n’eut été de 
sa toute puissance, je serais morte avec lui, 
d'amour et de compassion.” 

Le jour de Pâques, le cinq avril, devait 
être le dernier de sa vie. Elle fit assem- 
bler de nouveau les sœurs après le diner ; 
elle leur renouvela en quelque mots ses der- 
niers avis avec une onction et une affec- 


r'e 


= 
pe 


ssance, 
esprit 
rardien 
là, j'ai 
res et 
ur de 
i et lui 
Mon 


ève-toi 


1e plus 
n'avait 
fesseur 
pagné 
n pro- 
66 Oh ! 
> hom- 
été de 


ec lui, 


devait 
assemM- 
diner ; 
>s der- 

affec- 


LE KAUFBEUREN 171 


tion qui laïssèrent la plus profonde et la plus 
poignante impression. 

De ce moment, ses pensées se tournè- 
rent vers Dieu ; elle ne répondait que par 
signes aux paroles de son confesseur. 

Vers le soir, elle demanda À la sœur 
Kôgl quelle heure il était ; elle répondit 
qu’il était sept heures. Alors Crescence dit 
très distinctement, de manière que toutes les 
religieuses pussent entendre : “je mourrai 
à minuit.” Puis elle pardonna de nouveau 
à tous ses ennemis et institua les âmes du 
Purgatoire ses héritières pour toutes les 
inesses, les prières et les œuvres de péniten- 
ce qui seraient offertes pour le repos de son 
Âme. A neuf heures, une nouvelle hémor- 
ragie lui fit perdre beaucoup de sang et fut 
suivie de l’agonie ; cependant elle ne per- 
dit pas conscience de ce qui se passait. 

Les religieuses accoururent au chevet 
de leur Mère supérieuse expirante. Le 
Père Pamer, le Père Provincial, et son 
sécrétaire y étaient déjà. Elle gisait sans 
mouvement, sans parole, les yeux levés vers 
le ciel ou sur son crucifix, la bouche ensan- 


Al 
{rl 
ll 
lil 

| 


172 LA VÉNERABLE MARIE-CRESCENUE 


glantée et à demi-ouverte ; elle accompa- 
gnait par signes les invocations du prêtre. 
Le Père Provincial lui 
prier Dieu, quand elle serait admise à le 
posséder, pour le bien de l'Eglise, pour les 
religieux et surtout pour l’ordre séraphique 
qu’elle avait embrassé, afin que cette commu- 
nauté continuât à être dans l'avenir un mo- 
dèle d’édification et de sainteté. 
sante donna des signes évidents de son 


acquiescement. 


À onze heures et demi, son confesseur, 
se rappelant qu’elle avait souvent dit que le 
saint archange Raphaël devait lui servir de 
guide pour la conduire aux cieux, lui dit : 
‘ Vénérable Mère, l’archange Raphaël ne 
tardera pas à venir.” 


et distinctement : ‘Il est déjà auprès de 


moi.” 


Ce furent les dernières paroles de Cres- 
cence. Peu après, elle ouvrit les yeux et 
jeta sur son confesseur un premier et der- 
nier regard plein de tendresse, comme pour 
lui dire adieu. 
celui-ci, le sentiment d’une douceur si angé- 


demanda alors 


Elle répondit aussitôt 


Jamais il n'éprouva, dit 


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prêtre. 
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va, dit 


| angé- 


DE KAUFBEUREN 173 


lique. Puis elle ferma pour jamais ses chas- 
tes yeux à la lumière du monde.— 

Tous étaient émus et attendaient avec 
pénible anxiété l'heure fatale. Au même 
moment que la cloche de l’église sonna Îe 
premier coup de minuit, la pieuse vierge, 
calme et sereine, exhala son dernier soupir. 

C’est ainsi que cette Âme d’une pureté 
céleste, riche en grâces, en vertus et en mé- 
rites, quitta la prison de son corps. Nous 
avons toute raison de croire que cette pure 
et fidèle épouse du Christ fut aussitôt in- 
troduite dans le séjour du bonheur éternel, car 
au même instant où l’horlorge sonna minuit 
et qu’elle expira. deux incidents inexplicables 
se produisirent : La douleur extrême des 
religieuses se changea aussitôt en une joie 
d’une douceur surnaturelle, et si débordante 
qu’elles eurent peine à la contenir, —chose 
qu'aucune n'avait jamais encore ressentie. 
Au procès de béatification, cinq des personnes 
alors présentes témoignèrent, sous serment, 
de ce fait. Un phénomène semblable se pro- 
duisit à la mort de Ste. Rose de Lima. On 
peut interpréter cet événement comme une 


rs Re 


DR Re 


174 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


preuve de l’entrée immédiate de cette âme 
dans la béatitude éternelle, et l’on peut 
croire que, par une permission insigne de 
Dieu, quelques parcelles d’un bonheur indi- 
cible ont rejailli sur ceux qu’elle laissait 
derrière elle. Deuxième incident extraor- 
dinaire : De son corps inerte s’exhala le 
plus suave et le plus doux parfum qui rem- 
plit tout le couvent d’une odeur très péné- 
trante. 

Crescence était morte à la dernière mi- 
nute du jour de Pâques le 5 avril 1844, à 
l’âge de 61 ans, 5 mois et 15 jours, et elle 
avait vécu quarante et une années dans 
le cloître. 


ct 

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844, à 
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s dans 


XIII 


Transformation soudaine.—La mort de Crescence 
ct le sentiment populaire — Affluence— Phénomène 
extraordinaire — Parfum odoriférant.— Pélérinages et 
témoignages de gratitude— Conversion d’un grand 
criminel — Les larmes de Crescence.— 


Après avoir récité les prières d'usage, 
les religieuses se mirent à ensevelir le corps 
de la servante de Dieu, maïs elles ne purent 


contenir leur surprise du changement mer- 


SE ee 


CEE 


176 LA VENÊÉRABLE MARIE-CRESCENUE 


veilleux qui s'était produit. Sa figure, d’or- 
dinaire émaciée, livide et amaigrie, était de- 
venue d’une blancheur et d’un incarnat 
admirables ; ses lèvresauparavant dessichées 
avaient oris uue teinte rosée et animée. On 
eut dit qu’elle s'était endormie dans tout 
l'éclat d’un  rajeunissement.  Lorsqu’elles 
soulevèrent le corps dans le lit, ce corps qui 
pendant les trois derniers jours de sa vie 
n'avait pu se lever de la hauteur d'un 
doigt, se tenait maintenant droit, immobile. 
On le plaçca sur un banc, sans appui, et il de- 
meura ainsi assis, dans la position d’une 
personne vivante, pendant audelà d’un quart 
d'heure, les membres flexibles comme ceux 
d’un enfant. Personne ne pouvait s’expli- 
quer la chose. 

Le bruit de cette mort se répandit à 
bonne heure le lendemain par toute la ville, 
et catholiques et protestants, ecclésiastiques 
et séculiers, affluèrent bientôt au couvent. 
Le Père Provincial, voyant la foule impa- 
tiente s’apprêter à escalader les murs du 
monastère, dut en permettre l’entrée. La 
chambre où Crescence était exposée ne put 


», d’or- 
ait de- 
uarnat 
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ne put 


DE KAUFBEUREN 177 


contenir tous les visiteurs. Un grand nom- 
bre cherchèrent à se procurer quelque reli- 
que, et à faire toucher à son corps leurs cha- 
pelets, en dépit de la défense du Père Pro- 
vincial. Les Luthériens témoignèrent hau- 
tement de leur respect, et l’on vit: un vieil- 
lard protestant fendre la foule et s’écrier en 
versant des larmes : ‘ [1 faut que je la revoie 
une fois encore, celle qui à toujours vécu 
pieusement et saintement et n’a jamais offen- 
sé qui que ce soit.” 

De tous côtés l’on entendait dire: 
‘ Quel parfum délicieux qui rafraîchit le 
corps et l’Âme ! je n’en ai jamais ressenti de 
plus suave.”” Cette odeur exquise dura pen- 
dant les trois jours qui précédèrent l’enter- 
rement et toute la ville l’expérimenta. Au- 
eune matière odorante n'avait cependant 
été répandue par les religieuses.  Pancrace 
Hautter, qui déposa Crescence dans son cer- 
cueil, déclara souvent qu’il s’en était échappé 
une senteur aromatique prononcée telle 
qu’il n’en avait jamais connue. Plus d’un 
prodige s’accomplit lors du décès de la pieuse 
Fransciscaine. 


178 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRE8UENCE 


Un enfant d’un mois souffrait d’une 
rupture qu’il avait apportéeen naissant ; les 
médecins n’en pouvaient rien et l'enfant 
se tordait jour et nuit dans des douleurs ter- 
ribles. Son père vint prier au corps de la 
bienheureuse Crescence, le recommundant À 
son intercession, Au même instant, l’en- 
fant s’apaisa, toute trace de rupture dispa- 
rût. Devenu curé de Kauf beuren, il rendit 
témoignage au procès de canonisation que 
ses parents lui avaient maintes fois parlé de 
la faveur qu’il tenait de la servante de 
Dieu. 

Une jeune femme de Kaufbeuren ne 
pouvait plus se tenir debout, tant la maladie 
l'avait rendue impotente. S’étant fait con- 
duire auprès du cercueil, elle se mit à genoux 
et adressa avec confiance cette prière : ‘ O 
Mère Crescence, maintenant vous pouvez 
prier Dieu qu’il daigne me rendre à la santé, 
si toutefois c’est sa volonté et si cela doit 
aider à ma conversion. Je crois fermement 
que vous êtes déjà dans le ciel et que vous 
pouvez obtenir de Dieu tout ce que vous 
désirez.” Elle fut guérie à l’instant même, 


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UE KAUFBEUREN 179 


et les yeux pleins de larmes de reconnais- 
sance, alerte et joyeuse elle retourna à sa 
demeure, d’où elle était venue si diffcile- 
ment, et continua à jouir d’une excellente 
santé, 

Apolline Metz éprouva pendant dix 
années une tentation terrible qui la mettait 
presqu’au désespoir. Elle ne pouvait se 
défendre d’un sentiment de haine pour les 
auteurs de ses jours. Tous ses exercices de 
piété n’avaient pu diminuer en aucune façon 
cette tentation. À la mort de l’épouse du 
Christ, elle accourt au couvent. Une sim- 
ple prière confiante dissipa à jamais cette 
pensée infernale, pour la remplacer par un 
sentiment de pieux et tendre amour pour 
ses parents. 

Les funérailles de Crescence eurent lieu 
le 8 avril. Rien n’était changé dans l’aspect 
du cadavre : même contenance séraphique, 
même flexibilité des membres, même par- 
fum, mais plus prononcé encore.— 

_ À six heures du matin, les restes mor- 
tels furent apportés au son de l’humble 


cloche par huit religieuses dans la petite 


mie 


DRE 


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180 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENUE 


chapelle de la communauté sans pompe 
aucune, selon le désir de la défunte, et les 
règles de l’ordre. Le crucifix seul la précé- 
dait, et bien peu de personnes furent admis 
à assister à la cérémonie. 

Crescence fut inhumée au centre de ja 
nef de l’église ; le tombeau fut fermé le 
même jour et recouvert d’un simple pavé 
de briques. Une humble pierre tumulaire 
portant les initiales de son nom, avec une 
croix et la date de l’année de sa mort, ornait 
seule cette tombe. Ce n’est qu’en 1771 
qu’une pierre commémorative la remplaça. 
Sur la colonne en face se lisait l'inscription : 
Ici repose la Vénérable Mère Ma rie-Crescence 
Hôss, qui s’est endormie dans le Seigneur, le 
avril 1744, à l’âge de 62 ans. Suivant la 
coutume on célébra, après l’enterrement et 
les jours suivants, la messe des morts pour 
le repos de son âme. 

Cette odeur imerveilleuse dont nous 
avons déjà parlée se fit sentir encore long- 
temps après. 

Extrayons à ce sujet le témoignage 
suivant des actes de sa béatification : Tous 


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Tous 


LE KAUFBEUREN 181 


les objets dont Crescence avait fuit usage, 


ses haires, ses instruments de pénitence et 


plusieurs chapelets qu’elle distribua, répan- 


dirent cette senteur caractéristique. Ou la 
distinguait surtout en trois endroits : au 
tombeau de la pieuse religieuse, dans la 
chambre où elle avait rendu le dernier sou- 
pir et dans la cellule qu’elle avait occupée 
durant de longues années et qui est encore 
considérée comme un sanctuaire. 

A part les religieuses, des milliers de 
pélerins étrangers, parmi lesquels plusieurs 
protestants et des hommes de savoir et d’éru- 
dition, ont attesté ce phénomène remarqua- 
ble. Chose étonnante, d’aucuns saisissaient 
cette odeur aux trois endroits à la fois, pendant 
que d’autres ne la ressentaient qu’à un seul. 
Par exemple, la Princesse Antoine et toute 
sa suite remarquèrent, lors de leur visite 
cette odeur caractéristique. Citons encore 
parmi un grand nombre d’autres, le Cardi- 
nal de Constance, l’évêque de Chur, l'abbé 
de Planksetten, qui assure l’avoir ressentie 
bien qu’il fut privé du sens de l’odorat de- 


puis son enfance, le Comte et la Comtesse de 


182 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


Caprès, des professeurs distingués, ete. etc. 

“Je confesse volontiers, dit le Père 
Ott, que lors d’un pélérinage au tombeau 
de Crescence, en 1760, en compagnie d’un 
marchand d’Augsbourg et du Rev. Bonshat, 
je ne constatai nulle part un parfum surna- 
turelle, alors que mes deux compagnons l’as- 
piraient avec bouheur. Muis, lorsque j'y 
retournai en 1770, en qualité de confesseur, 
j'éprouvai alors, avec une douce consolation 
cette sensation extrêmement agréable et 
dans la cellule de Crescence et dans la 
chambre où elle est morte. Depuis lors, je 
ne ressentis rien dans mes visites réitérées, À 
venir à 1774, quand j’ouvris la porte de la 
cellule au Prince Lichtenstein. La même 
sensation éprouvée quatre années aupuara- 
vant se manifesta de nouveau. Maïs cette 
jouissance ne dura que quelque minutes 
pour moi, pendant qu’un des assistants en 
fit ses délices une heure durant.” Les 
religieuses de Kauf beuren, nous ont assuré 
que même encore, de nos jours, cette seuteur 
se manifeste parfois aux visiteurs, ou s’échap- 
pe des vêtements ayant jadis appartenu ‘À 


CE 


bte. etc. 
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’échap- 
enu ‘À 


DE KAUFBEUREN 183 


Marie-Crescence et que l’on peut considérer 
à bon droit comme de précieuses reliques. 

Il y a dans ce fait là une preuve éviden- 
te que le Christ régnait au fond de son 
cœur, et qu’il daignaiït choisir ce mode pour 
refléter sa divine présence. 


Le tombeau de la pieuse religieuse de- 
vint bientôt un sanctuaire et un lieu de pélé- 
rinage. Bien peu de saints ont été l’objet 
d’une vénération aussi grande. 

Le jour même de son enterrement, la 
population accourut en foule, faisant toucher 
au cercueil leurs chapelets et des images, 
pour en avoir un souvenir. On raconte 
des faits extraordinaires qui se sont alors 
accomplis. Dès les deux premières années 
après sa mort, des pélerins vinrent de gran- 
es distances, soit pour solliciter des grâces 
ou pour la remercier de faveurs obtenues. 
Il en vint non-seulement de la Bavière, mais 
encore de la Bohême, de la Hongrie, du 
Tyrol et de l’Autriche, et des ex-votos 
de gratitude furent envoyés en grand nom- 


bre au couvent de Kaufbeuren, désormais 


184 LA VENÉRABLE MARIE-CRESCENCH 


célèbre dans la chrétienté. 

Depuis sa mort à venir à 1779, plus de 
quatre-vingt personnes appartenant à des 
familles royales visitèrent son tombeau. Le 
Père Ott rapporte que, pendant qu’il était le 
directeur spirituel de la communauté, il fit 
visiter le couvent à trente quatre personnes 
de sang royal. Citons parmi elles : L’Im- 
pératrice Marie-Thérèse, qui tit à la com- 
munauté plusieurs dons précieux, Maxi- 
milien-Joseph électeur de Bavière et son 
épouse qui s’y rendirent en sept occasions, 
le Prince Louis-Eugène de Wurtembourg, 
l'épouse de l'Empereur Joseph IT. 

Un grand nombre de prélats et de 
princes de l'Eglise vinrent célébrer le saint 
sacrifice dans la petite chapelle : Le Cardi- 
nal Roth, les évêques d’Augsbourg, de Ra- 
tisbonne, de Chur, le prince abbé de Kemp- 
ten, le coadjuteur de l’évêque de Paderborn, 
l’évêque de Tempe qui séjourua deux jours 
au couvent et exprima, dans un document 
précieusement conservé, son étonnement de 
toutes les choses merveilleuses qu’il y avait 
vues, entendues et lues, et avec la convic- 


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X jours 
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y avait 
COnvic- 


DE KAUFBEUREN 185 


tion qu’un jour Crescence serait regardée 
comme une vierge prédestinée. | 

À part ces personnages, andel\ de trois 
mille cinq cents personnes de haut rang vin- 
rent s’agenouiller et prier sur la tombe de 
la religieuse vénérée. 

On estime à une moyenne de trente 
mille le nombre de pélerins qui, chaque 
année, visitèrent la petite chapelle où repo- 
saient les restes de Crescence, et le nombre 
en à doublé lorsque s’est ouvert le procès de 
sa canonisation. En 1772, il s’éleva à plus de 
70.000. | 

L'église du couvent, jusqu'alors désertée 


et silencieuse, était maintenant remplie du ‘ 


matin au soir de pienx fidèles. Jadis une 
seule messe y était célébrée d'ordinaire. 
Pendant que le Père Ott fut le directeur des 
religieuses, il s’en disait une moyenne d’au 
moins trois mille par année. 

Les présents et ex-votos déposés sur son 


tombeau sont innombrables. A venir au 
ler juillet 1751, il en fut offert audelà de 
six mille, pour la plupart des objets en cire. 
Par décret du Pape, ils furent placés dans 


RE re nee 


PL Te 


186 LA VÉNÉRABLE MARIE CRESUENCE 


. 


des armoires spéciales en dehors de la cha- 
pelle. En 1779, les offrandes en or et en 
argent atteignirent le chittre extraordinaire 
de trois mille. 

Les travaux en cire, les peintures, les 
béquilles, les bandages, les aiguilles avalées 
et restituées, des bijoux, des pierres précieu- 
ses, des ornements d’église d’une grande 
richesse et plusieurs calices d’une rare beau- 
té, sont une preuve palpuble de la croyance 
populaire que des miracles avaient été opé- 
rés par l’intercession de la Vénérable Cres- 
cence. 

Pendant audelà de cent trente ans, ce 
fut unc suite ininterrompue de pélérinages. 
La suppression de la société de Jésus rendit 
plus difficile pour un temps, ces manifesta- 
tions de piété, mais pour reprendre de nos 
jours un regain de force et de vitalité. Les 
ex-votos enlevés lors de la suppression du 
couvent sont remplacés aujourd'hui par uu 
nombre incalculable d’offrandes comme tri- 
but de reconnaissance pour la délivrance 
d’afflictions et de guérisons obtenues. Com- 
bien surtout de conversions extraordinaires 


CE 


la cha- 
r et en 
rdinaire 


res, les 
avalées 
précieu- 
grande 
re beau- 
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té opé- 
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6. Les 
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par un 
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livrance 
,, Com- 
dinaires 


LE KAUFBEUREN 187 


qui n’ont pas eu la publicité. ‘“ A son tom- 
beaa les plus grands pécheurs, rapporte le 
Père Ott, furens vaincus par la grâce. Par- 
mi eux il s’en trouvait quiétaienten proie 
au désespoir, d’autres qui, de leur sang 
même, avaient signé un pacte avec le démon. 

Une personne qui était venue dans lin-. 
tention de se confesser de péchés qu’elle 
avait longtems cachés, allait céder aux solli- 
citations de l'esprit du mal et s’apprêtait à 
sortir de de l’église sans se confesser, quand 
sur le seuil, elle fut repoussée dans la cha- 
pelle par une force invisible. En vain cher- 
cha-t-elle à s'enfuir. Prise de terreur, écon- 
tant la voix de sa conscience et contrite, elle 
fit humblement sa confession et put s’en 
retourner librement, consolée e£ repentante. 

Une veuve de condition, mais tombée 
dans la misère et la dévonsidération, cédant à 
une affreuse pensée de désespoir se dirigea 
vers la rivière, pour s’y ensevelir. Elle 
s'était élancée dans le vide et son corps 
allait toucher l’eau quand une main invisi- 
ble l'urrêta. Elle ouvrit les yeux et recon- 


nut dans cette religieuse, Crescence qu’elle 


188 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENUE 


avait souvent invoquée dans son malheur. 
Un sentiment de reconnaissance remplaçu 
l’idée de suicide ; elle déchargea son cœur 
dans le secret de la confession et vint faire 
un pélérinage d'actions de grâces au tombeau 
de sa libératrice, L’aisance reparut au foyer 
retrouvé, et dès lors elle ne cessa plus de 
bénir celle à qui elle était redevable de son 
salut temporel et éternel ;— 

Nous ne pouvons nous abstenir de rela- 
ter ici la conversion d’un grand criminel. 
Les principaux détails sont tirés de deux 
documents du temps et confirmés par un 
grand nombre de témoins : 

Cet homme s’appelait Etienne Wein- 
rauch et il avait une fille, Frederica, qui 
n'avait guère plus de trois ans lors de l’arres- 
tation de son père. Cette enfant avait. pour 
la Vénérable Crescence une piété et une dévo- 
tion inexplicables. Au moment même où 
son père fut appréhendé et traîné de chez lui 
à la prison, elle tomba du haut d’un esca- 
lier et demeura comme inanimée sur le 
plancher. La mère effrayée invoqua Cres- 
cence et l'enfant reprit aussitôt ses sens, en 


JE 


alheur. 
mplaça 
1 cœur 
t faire 
mbeau 


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le rela- 
iminel. 


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Wein- 
4, qui 
l’arres- 
it. pour 
e dévo- 
me où 
hez lui 
esca- 
sur le 
Cres- 


ns, en 


LE KAUFBEUREN 189 


disant ‘ O mère, Crescence était déjà rendue 
et m’a aidée.’ L'enfant vécut trois semai- 
nes, dans de grandes souffrances. Elle de- 
mandait souvent un rosaire et une image 
de la religieuse et priait instamment pour 
son pauvre père : ‘ Papa ne revient pas. Il 
va donc mourir et rejoindre Cresconce ; je 
mourrai moi aussi, et j'irai à elle.” Trois 
heures avant de mourir, la chère pctite pria 
sa mère d'ouvrir les rideaux de son lit afin 


que Crescence put venir la chercher et indi- 


qua l’endroit où elle se tenait ; elle s’étei- 
gnit en souriant, pressant avec joie sur son 
petit cœur le chapelet et l’image de la ser- 
vante de Dieu. 

Plusieurs raisons faisaient craindre que 
le père mourût dans l’impénitence. Cepen- 
dant, immédiatement après que la sentence 
eut été rendue contre lui, il fit mander le 
Père Pamer, uniquement parce qu’il avait 
assisté sa petite fille et il fit sa confession 
générale. Prenant dans ses mains un cru- 
cifix et une image du Sauveur, il déclara 
qu'après Dieu c’était à Crescenee qu’il de- 


vait sa conversion. Puis il monta courageu- 


190 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


sement à l’échafaud, demanda pardon de 
ses crimes. Sa mort loin d’être infamante 
fut un objet d’édification pour les trois mille 
personnes présentes et eut les pins heureux 
résultats. 

Ce qui confirme l'intervention puis- 
sante de la servante de Dieu dans le fait 
que nous venons de rapporter, c’est qu’en 
même temps que l'exécution avait lieu, un 
autre phénomène miraculeux se passait dans 
le couvent de Kauf beuren : 

Les religieuses étaient à faire le chemin 
de la croix pour le pauvre condamné. Or, 


quand elles furent rendues à la huitième 


station, le portrait de Crescence,—qu’un 
peintre avait inséré dans cette scène contre 
sa volonté, —changea tout-à-coup d'aspect et 
prit une teinte de fraîcheur et de grâce ex- 
traordinaires. Les yeux devinrent rouges 
et enflés comme si elle eut crié bien fort ; 
deux larmes, s’échappant de l’œil gauche, 
se détachaient parfaitement sur la toile. 
Ceci dura environ une heure, jusqu’à ce que 
lesteintes s’effaçant graduellement eussent 
complètement disparu. ‘ Nous augurâmes, 


CE 


on de 
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8 mille 
eureux 


| puis- 
le fait 
qu’en 
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ce ex- 
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toile. 
ce que 
ussentt 


A 


râmes, 


DE KAUFBEUREN 191 


ajoutent les sœurs, que Dien avait eu pitié 
de l’âme de Weïnrauch. ” 

L’épouse du Christ qui, durant sa vie, 
avait fui les honneurs du monde et recher- 
ché le mépris et l’humiliation avait trouvé 
la gloire éternelle réservée aux élus et la 
vénération la plus grande de la part des 
hommes.— 


XIV 


Choix de miracles— La “ poudre de Crescence ” 
et l'épouse du médecin de Naïsenbeuren.— Le Prince 
Louis-Eugène à Wasserloss— Témoignage des doc- 
teurs Flacho et de Wogan.— La famille protestante et 
la prière de la servante catholique— Le cheval du 


Prince Hohenzollern.— 


Lorsque l’Ordinaire du diocèse d’ Augs- 
bourg émana l’ordre de lui faire tenir les 
rapports des faveurs et des guérisons considé- 
rées comme miraculeuses, ils furent envoyés 


" 


scence ?” 
» Prince 
les doc- 
tante et 
eval du 


 Augs- 
nir les 
onsidé- 


nvoyés 


DE KAUFBEUREN 193 


par milliers. Mais comme ils étaient pour 
la plupart rédigés dans une forme défec- 
treuse ou que les faits relatés ne pouvaient 
servir au procès de béutification, l’évèque 
d'Augsbourg obtint de la Sacrée Congréga- 
tion des Rites de les brûler. Tout un volume 
suffirait à peine si l’on voulait publier tous 
les faits importants. Contentons-nous donc 
dl’en rappeler ici quelques-uns, tirés surtout 
des actes de la béatification : 

La fille d’un médecin d’Ottobeuren, 
Marie-Françoise Prix, souffrait depuis treize 
ans d’une fistule suppurative d’un caractère 
très grave et qui répandait une odeur si in- 
fecte que personne ne pouvait l’arprocher. 
La plaie se changea bientôt en cancer. Les 
médecins même, au nombre desquels se trou- 
vait son frère, jugèrent l'opération nécessaire. 
Le chirurgien lui déclara qu’elle allait cer- 
tainement perdre l’œil. 

La jeune fille fit vœu d'envoyer un œil 
d'argent au tombeau de Crescence si elle 
recouvrait la santé. Sans le secours d’aucun 
remède, la plaie se cicatrisa, au grand éton- 
nement des hommes de l’art. 


kr 


194 LA VÉNÉRABLE MARIE CRESCENCE 


Une femme du nom de Kollman, avait 
réussi à cacher à tout le monde un cancer 
dont elle souffrait depuis dix ans. La dou- 
leur devint intolérable et elle dut consulter 
le célèbre docteur Appin de Kauf beuren. 
Il lui représenta que la maladie était très- 
avancée et que la seule ressource était une 
opération chirurgicale. Effrayte, la femme 
se rend aussitôt au tombeau de Crescence, et 
implore son intercession. La poignante 
douleur cesse. Le jour suivant le médecin 
ne put retrouver aucune trace de la terrible 
maladie. Il témoigna lui-même, sous ser- 
ment, de cetfe cure merveilleuse. 

A la suite d’une chute, une jeune en- 
fant s’était brisé l’épine dorsale ; ce qui pro- 
duisit une déviation de deux mains de lar- 
geur. L'enfant criait nuit et jour et ne 
pouvait ni s’asseoir ni se coucher. Les pa- 
rents la confièrent à la protection de Cres- 


cence, mirent son image sur la partie malade 


et lui firent prendre de l’eau qui avait été ré- 
pandue sur un rosaire de Crescence. Aussitôt 
la douleur cessa, la déviation disparut et 
l'enfant reprit son état normal. 


lecin 


1lade 
é ré- 
sitôt 
ut et 


LÉ KAUFBEUREN 195 


Un médecin de renom avait réussi, à 
deux reprises, à sauver de la mort une fem- 


me de Nassenbeuren, âgée de 67 ans, qui 


était atteinte d’une rupture dar eureuse, 
Pour la troisième fois, la maladie revint 
avec un caractère de gravité telle que le 
docteur ordonna de lui administrer les der- 
niers sacrements. Peridant cinq jours toutes 
les tentatives échouèrent ; une fièvre terrible, 
des vomissements répétés, l’inffammation 
desintestins indiquèrent une mort prochaine. 
Ayant perdu tout espoir, le médecin la quitta. 
La malade envoya son fils, peu après, quérir 
le Dr. Hanser, pour soulager ses douleurs. 
Celui-ci n’y alla point, prétendant que c’était 
inutile. Mais sa femme dit alors au jeune 
homme : ‘“ Votre mère a-t-elle confiance 
dans la chère Crescence, qui a secouru tant 
de personnes quil’ont invoquée ? Voici quel- 
que chose qui vient d’elle,” en lui remettant 
un peu de poudre provenant de l’arbre dont 
nous avons déjà parlé. Les vomissements 
s’arrêtèrent, dès que la mourante eut avalé 
cette poudre ; la fièvre s’apaisa, les intestins 
reprirent d'eux-mêmes leur place, elle repo- 


196 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENUE 


sa tranquillement toute la nuit. Le jour 
suivant, la vieille femme était en parfaite 
santé. Quatorze témoins, y compris le chi- 
rurgien, attestèrent le fait sous serment. 
Urïsule Schmid s'était tellement gelé 
les deux pieds, qu’or crut l’amputation nc- 
cessaire. Dans sa naïve confiance en la 
servante de Dieu, elle s’attacha un de ses 
rosaires autour du pied droit, puis autour du 
pied gauche, et fut instantanément guérie. 
Une jeune fille de dix-neuf ans, du dio- 
cèse de Mayence, avait reçu les derniers 
sacrements, et semblait déjà à l’agonie, quand 
la mère pensa dans sa détresse à envoyer 
chez lesbon et atffable prince Louis-Eugène, 
de passage à Wasserlôss au retour d’un 
voyage à Kauf beuren, d’où il avait apporté 
quelques reliques de la Vénérable Crescence. 
Le prince se sentit porté à en fuire usage dans 
cette circonstance et se rendit lui-même 
auprès de la malade, qu’il trouva dans un 
état pire qu’on ne lui avait. représenté. Il 
comprit que Dicu seul pouvait la réchapper, 
et l’exhorta à mettre sa confiance dans la 


toute puissance de Dieu et dans l’intercession 


E 


e jour 
arfaite 
le chi- 
nt. 

t gelé 
on né- 
en Ja 
de ses 
our du 
guérie, 
du dio- 
eruiers 
quand 
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ugène, 
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pporté 
scence. 
re dans 
-même 
ns un 
té, Il 
apper, 
ans Ja 


CESSION 


DE KAUFBEUREN 197 


de Crescence, Au moment où elle allait 
expirer, il lui douna un peu de l'eau qu’il 
avait rapportée de Kaufbeuren. Aussitôt 


les douleurs cessérent. A mesure que le 


prince touchait les membres de. la malade 


avec le petit morceau de Fhabit de Crescen- 
ce, lenflure diminuait sensiblement ; la figu- 
re décomposée reprit son aspect accoutumé : 
Le prince et huit témoins, parmi lesquels 
unc dame protestante furent entendus sous 
serment et prouvèrent l'authenticité de ce 
miracle. 

Une religieuse, la Rev. sœur Sophie, de 
Meckingen, dans le diocèse de Constance, 
était traînante depuis quatre ans, d’une espè- 
ce d’hydropisie appelée tympanite. Les 
plus habiles médecins lui avaient, il est vrai, 
procuré quelque soulagement, inais en dé- 
cembre 1770, le mal reparut avec une nou- 
velle gravité. Les remèdes étant tout à fait 
inutiles, le Dr Klacho l’abandonna. Au len- 
demain d’une crise plus forte, la sœur de- 
manda à son confesseur la permission de 


mettre de côté les remèdes humains et de 


prendre plutôt, de la poudre de C'rescence, en 


198 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


se recomimandant à sa puissante intercession. 
Le Père Mayer la lui accorda.  Ilétait alors 
dix heures. Peu de temps après avoir aval 
cette poudre, elle éprouva le désir de man- 
ger,—ce qui ne lui était arrivé depnis quel- 
ques années.— [Ensuite elle essaya avec l’aide 
de deux assistantes à se lever de sa chaise, 
Tout-i soup elle se sentit une telle vigueur 
qu’elle jeta sa canne de côté, et lorsque les 
sœurs vinrent la visiter après diner, elles 
furent stupéfaites de la voir venir seule à 
leur rencontre. Le religieux appelé en toute 
hâte s’empressa d’accourir, croyant le der- 
nier moment arrivé. Ilreste cloué immo- 
bile et sans voix, en voyant marcher vers lui 
celle qui deux heures auparavant, il avait 
laissée sans mouvement dans sa chaise, 
Revêtant ses habits, la sœur gnérie descen- 
dit, en tête de la communauté, à l’église ren- 
dre actions de grâces, chanta le Te Deum 
avec entrain, et d’une voix qui dominait 
celle des autres sœurs. Elle devint plus tard 
la supérieure du couvent. Les docteurs 
Flacho et Conrad de Wogan, rendirent 


témoignage que cette guérison subite sur- 


ssion. 
alors 
avalé 
man- 
quel- 
l’aide 
aise, 
œueur 
e les 
elles 
eule à 
toute 
der- 
mmo- 
ers lui 
avait 
haise, 
escen- 
> reh- 
Deum 
ainait 
3 tard 
‘teurs 
livrent 
sur- 


DE KAUFBEUREN 199 


passait tontes les forces de la nature. 

Le fait suivant, bien que non consigné. 
dans les actes de béatification, a fait l’objet 
d’une enquête minutieuse ordonnée par 
l'évêque d’Eichstadt, et le rapport de la com- 
mission es’ *onservé dans les archives épis- 
copales : 

Magdeleine Oberhof, née en 1711, était 
professe au couvent d’Eichstat, depuis 1730, 
et pendant tout ce temps elle avait été lan- 
guissante et depuis vingt ans avait le côté 
droit paralysé. En 1763, elle fut conduite 
par la maladie au portes du tombeau, et 
reçut à deux reprises les derniers sacrements. 
Quatre fois elle eut recours à la poudre dite 
de Crescence et éprouva un soulagement 
instantané, Le 22 décembre, elle eut une 
grande faiblesse. Appréhendant une mort 
prochaine on récita les prières des agoni- 
sants. Elle perdit de nouveau connaissance 
et 1] lui sembla que l’image de Crescence 
qu’elle avait devant elle, s’animait et lui 
disait qu’elle ne mourrait pas maintenant, 
que ce n’était pas la volonté de Dieu et 
qu’elle (Crescence), ne le permettrait pas ; 


200 LA VENÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


elle devrait vivre encore longtemps. La 
malade se sentit portée À répéter ces paroles 
devant les assistants, et s'adressant au Père 
qui l’assistait : ‘“ Laïssez-1à vos supplications, 
je ne suis pas pour mourir, je ne peux pas 
mourir,” puis leur raconta sa vision. Elle se 
leva ensuite, prit un peu de nourriture, passa 
une nuit calme et le lendemain, elle qui depuis 
neuf semaines était incapable dese tenir seule, 
s’habilla sans aide aucune, assista À la messe 
et chanta le Te Deum. La guérison fut 
complète. Le Dr Hafner, qui avait soigné 
la religieuse pendant vingt-un ans, fut au 
nombre de ceux qui témoignèrent de cette 
eure merveilleuse, 

Une famille protestante de Kauf beuren 
avait une fille, Euphosine, qui devint com- 
plètement aveugle à l’âge de quatre ans. 


La médecine n°v pouvait rien. Or, la ser- 


vante Marie Acklsperger était catholique. 


Elle fit une neuvaine À son intention à Cres: 
cence et vint tous les jours prier sur son tom- 
beau. Dans l’une de ses visites elle amena l'en- 
fantet mouilla ses yeux avec quelques gout- 
tes de l’eau miraculeuse. A huit heures du 


La 
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ans. 

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lique. 
Cres- 

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gout- 


es du 


DE KAUFBEUREN 201 


matin le dixicme jour, l’enfant ouvrit les 
yeux ; tout mal avait disparu. La ville 
entitre fut témoin de ce fait. 

Une femme de peine, Véroniqne Stark, 
s'était enfoncé une aiguille si profondément 
dans la paume de la main que le médecin 
ne put l’extraire. L’emplâtre qu’il lui mit 
ue fit qu'aggraver sa souffrance. Obligée de 
gagner sa vie à la journée, à laver, elle laissa 
là les remèdes et invoqua Crescence, lui 
promettant d'envoyer à son tombeau une 
aiguille en argent si elle la délivrait. La 
douleur cessa aussitôt, et elle put vaquer à 
ces travaux ordinaires, bien qu’on put voir 
l'aiguille encore dans la main. Un jour, en 
essuyant ses mains elle remarqua que la 
toile était retenue par quelque chose, C’était 
la tête de l'aiguille qui avait traversé la 
paume ; elle l’en tira facilement, 

Anna Heiber avait avalé une aiguille 
qui s'était arrêtée en travers dans la gorge. On 
ne put l’extraire. A peine venait-elle de 
faire un vœu à Crescence, que l’aiguille s’ar- 
racha d’elle-mème violemment de sa bou- 
che, en présence de plusieurs personnes. 


202 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


Nous avons vu nous-mêmes, lors de 
notre visite au couvent de Kaufbeuren, en 
juillet dernier, (1894), cette aiguille au milieu 
d’une foule d’autres ex-votos de gratitude. 
I yaun très grand nombre d'objets de 
cette nature, qui forment nne riche mosaïque 
de foi et de reconnaissance, et on ne peut les 
contempler sans être saisi d’un sentiment 
d'émotion, de surprise et d’admiration. 

Le baron Rossi, l’officier-commandant 
de Constance tomba tellement malade d’une 


fièvre qu’il ne pouvait plus se remuer. Voyant. 


tout espoir humain perdu, il eut recours à la 
servante de Dieu. Un prêtre de l’ordre de 
St-Dominique alla, à sa demande, dire la 
messe au tombeau de Crescence, pendant 
qu’il communiait à une messe qui se disait 
dans sa chambre, à la même heure. Ses for- 
ces revinrent immédiatement et augmentè- 
s :: rapidement qu’il put, à quelques jours 
à r. nair quelques amis à sa table et 
faire ic pélérinage au tombeau de sa libéra- 
trice. 
* Un prêtre de mes amis, raconte le 
Père Ott, se plaignit un jour à moi que de- 


LE KAUFBEUREN 203 


rs de pais un an il ne pouvait se reposer. Dès 

a Fe ui s'apprêtait à dormir, un fantôme effray- 

HO ant sous la forme d’un chien repoussant, se 

FIGE. précipitait sur lui et l’empêchait de dormir, 

is de ai grand détriment de sa santé. Je lui l 

Ex. di renis un rosaire de Crescence en l’exhortaut | 

is A à avoir confiauce en elle. Chaque soir 

EEE désormais, il mettait le chapelet dans son | 

Et bras et faisait une courte prière. Jamais | 

Ant plus Pabbé Galler ne fut importuné pur 

ke us cette visite désagréable.” 

(uans Un rosaire, que Crescence avait elle- 

rs à la même donné, demeura pendant plus de deux | 

Me D heures au milieu des flammes lors d’un 

Lie incendie à Kôugetried. Il fut retiré par | 

Hoant hasard du feu avec une fourche de fer et, à Il 

disait la surprise de tous les spectateurs, il était | 

à is parfaitement intact. 

pre On employa souvent ces rosaires dans 

“da les cas de maladie difficile, et ils prouvèrent 

- FA di leur efficacité même dans les circonstances | 

1e les plus désespérées. | 
On rapporte qu'à Lucerne, dans le cours | 

te le de dix-huit années, toutes les mères de 

e de- famille qui se recommandèrent à l’interces- 


204 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENUE 


sion de Crescence, lui furent redevables de 
la vie et de la santé pour elles-mêmes et 
pour leurs enfants. Une seule fit exception 
et celle-là avait tourné en ridicule et méprisé 
cette confiance en la servante de Dieu. 

Que la Vénérable Crescence assiste, mê- 
me dans les choses temporelles, ceux qui la 


vénèrent est évident, comme le raconte le 
Père Ott : 
Le prince Hohenzollern Hechmingen 


avait un superbe coursier de grand prix qui 
tomba malade durant le siège de Schweïd- 
nitz. Le vétérinaire n’y pouvait rien. Le 
cheval était étendu à terre, les fers déjà en- 
levés ; il allait mourir, quand le prince dé- 
couragé eut recours à Crescence et promit 
d'envoyer à son tombeau un cheval d’argent 
‘si elle lui rendait son fidèle compagnon de 
batailles. Au mème instant le cheval se 
leva, courut à l'écurie et se mit à manger. 

Notons avant de terminer ce chapitre 
quelques uns des miracles accomplis en ce 
siècle : 

Gaspard Verschig, âgé de treize ans 
avait perdu la raison à la suite d’un accès de 


DE KAUFBEUREN 
frayeur. Il y avait déjà sept ans qu’il était 
ainsi, lorsque sa mère implora Crescence et 
la raison revint tout de suite à l'enfant. 

Antoine Heymer souffrait depuis un an 
de la cataracte et était complètement aveu- 
gle. Une opération avait déjà échoué. Il 
promit un pélérinage au tombeau de Cres- 
cence et la même nuit il recouvrait la vue. 

John Loder, tomba, un vendredi 
saint sous une lourde voiture. Plusieurs 
côtes étaient cassées, les chairs déchirées. 
Les médecins déclarèrent l'accident fatal. 
Neuf heures après, la mort semblait immi- 
nente. Après s'être recommandé à la ser- 
vante de Dieu il lui sembla que tout repre- 
nait, dans son corps, sa position normale. 
Cinq jours plus tard, il reprenait l'ouvrage 
comme auparavant. 

En 1816, Jacques Schônl apporta au 
tombeau de Crescence, une longue esquille 
d’un de ses os renfermée dans une châsse 
magnifique. Après avoir souffert pendant 
cinq ans et demi d’une blessure au pied 
qui l’empêchait de marcher, il fit vœu de 
faire un pélérinage et, sur le champ, l’os sor- 


206 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENUE 


tit de lui-même ; la guérison fut instanta- 
née. 

Marie-Crescence Bucheuscheid avait la 
langue tellement enflée qu’elle lui sortait de 
la bouche et pendant virigt-sept jours la 
pauvre fille ne put parler. Elle fit une 
promesse à Crescence ; la langue revint à 
son état naturel. 

Une personne du Tyrol, Anna Kuln 
avait à peine pris de l’eau miraculeuse rap- 


portée du couvent de Crescence et que lui 


présentait la sœur, qu’une lèpre infecte dis- 
paraissait. 

Catherine Strohmilier était aveugle de- 
puis sept ans; les deux yeux étaient atteints 
de la cataracte noire qui, on le saît, est une 
maladie incurable. Elle dût sa guérison 
complète à Crescence. 

Un soldat avait été blessé, par la mi- 
traille sur un champ de bataille. Il resta 
gisant dans son sang, sans bandage, depuis 
neuf heures du soir à sept heures du matin. 
La balle fut extraite il est vrai, mais le bras 
resta impotent. Il fut donc ‘échargé com- 
me invalide : il ne pouvait aucunement tra- 


anta- 


ait la 
it de 
s la 
une 
int à 


uln 
rap- 
à Jui 


dis- 


e cle- 
eints 
une 
rison 


mi- 
resta 
puis 
atin. 
bras 
com- 
 tra- 


DE KAUFBEUREN 


vailler. Ayant eu recours à Crescence., au 
bout de trois jours, Richard Koller,—c’était 
son nom--pouvait faire tont espèce d’ou- 
vrage. | 

Un charpentier de Markback, était 
dans la dernière période de la consomption 
et avait été condamné par les médecins. II 
reçut même les derniers sacrements. Sur 
les instances de sa femme il s’adressa à Cres- 
cence. Cette maladie, qui ne pardonne point 
pourtant, disparut, ne laissant aucune trace 
quelconque. 

Des guérisons merveilleuses, semblables 
À celles que nous venons de relauter, se sont 
produites sans interruption, et dans ces der- 
nières années, un regain d'éclat les a mises 
en évidence. Suivant le témoignage des 
religieuses à nous-mêmes, il ne se passe 
guère de semaine sans qu'on signale quel- 
que fait merveilleux. Mais, comme l’auto- 
rité religieuse ne s’est pas encore prononcée 
sur leur authenticité, nous croyons devoir 
nous abstenir de les rendre publiques. 

Jusqu'à ce que l’Eglise ait statué en 
dernier ressort, nous ne pouvons entretenir à 


208 LA VÊENÉRABLE MARIE-CRESCENCH 


leur égard qu’une certitude morale qui 


peut être sujette à l’erreur. Aussi, tenons- 
nous à déclarer que c’est là l’unnique portée 
de l'interprétation que nous avons donnée 
aux faits relatés dans cet ouvrage. 


hr 


qui |} 
nons- | 
ortée 


, 
nnee 


Enquête épiscopale— Le procès apostolique—- 
Commission papale— Jugement de la Congrégation Ges 
Rites—  Marie-Crescence déclarée Vénérable— La | 
révolution et le procès de béatification— La preuve 
requise pour établir un miracle.— Coup d'œil rétros- | 
pectif.— 


Nous avons déjà mentionné que Benoit 
XIV, dans un bref en date du ler octobre 


1745, ordonna À l’évêque d’Augsbourg de 


ne pas poursuivre l'enquête sur la vie de 
Crescence, mais plutôt de l’ajourner à un 


temps déterminé, et cela à cause de la gran- 


210 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


de vénération dont elle était entourée. Ce 
décret eut pour effet de faire croire que la 
béatification de la vierge consacrée à Dieu 
n’avait aucune chance de succès. Mais 
cette opinion n’était pas fondée.  L’évêque 


d’Augsbourg résista en conséquence à la 


pression qui s’exerçait de tous côtés pour 
hâter la cause de canonisation. Les avis 
différents de personnes très-distinguées et 
favorables à Crescence, comme celui du Père 
Azevedo, de la Congrégation des Rites, ne 
purent changer sa détermination. 

Enfin, l’évêque Winceslas se rendant au 
désir unanime des fidèles, nomma en juillet 
1775, une commission chargée d’entendre 
des témoins et faire l’enquête dite épiscopale. 
La commission finit cette enquête le 12 juillet 
1777, après avoir tenu deux cent vingt-neuf 
séances et avoirentendu trente cinq témoins. - 
Le rapport fut envoyé à Rome avec une 
pétition de l’évêque, à l’effet de le prendre 
en considération et d’instituer le “ procès 
apostolique. Le Postulant”’, (Postulator causæ) 
le Père Obwexer, le représentant attitré 
de l’ordre des Franciscains à Rome, réussit à 


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titré 
sit à 


UE KAUFBEUREN 211 


obtenir du Pape, en 1785, la nomination 
d’une commission pour commencer le * pro- 
cès apostolique ”” ce qui veut dire de consi- 
dérer à nouveau l'affaire et d’entendre les 
témoins. 

La commission papale siégea d’abord à 
Kauf beuren, le 80 jnillet 1755 et se termina 
à Ottobeuren le 20 juillet 1790, et tint deux 
cent cinquante neuf séances. Les procès- 
verbaux contiennent les témoignages de 
trente sept témoins. Le 21 Aout 17538, les 
deux enquêtes furent déclarées valides par 
la Congrégation des Rites et le deux août 
1801, le Pape Pie VIT fit connaître la déci- 
sion de la Sacré Congrégation des Rites dans 
le jugement suivant qu’il rédigea lui-même : 
“IL est avéré et certain que la Vénérable ser- 
de Dieu, la sœur Marie-Crescence Hôss a 
possédé et a pratiqué à un dégré vraiment 
héroïque les vertus théologales, et les vertus 
morales qui s’y rattachent.” 

La cause de la béatification fut, par 
suite des révolutions qui émurent l’Europe 
et par un concours de circonstances impré- 


vues, interrompue pendant soixante-dix ans. 


212 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENUE 


Elle vient de s’agiter de nouveau et il reste à 
prouver que deux miracles se sont accomplis 
après la mort de la Vénérable Crescence, par 
son intercession. On ne peut se faire une 
idée, à moins d’y avoir assisté, avec quelle 
rigueur et quelle prudence scrupuleuse le 
Saint-Siège conduit les enquêtes. Deux 
faits sont exigés pour faire la base de la 
preuve : l’état de maladie de la personne 
avant la cure, et la guérison qui a suivi ; et 
ceci doit être prouvé par trois témoins. Le 
fait que l’on a invoqué seulement ce saint 
et pas d’autres, et que l’on n’a pas eu recours 
à d’autres moyens, doitè tre établi par quel. 
ques personnes sous serment. Pour prouver 
ces trois points, il faut résoudre tant de 
questions que le miracle le plus clair peut à 


peine supporter le feu des transquestions, si 


la chaîne de lu preuve n’a pas été préparée 
avec un soin extrême. 

Le ler octobre 1788, le tombeau de 
Crescence fut ouvert et examiné en présence 
de membres de la commission papale, du 
Père Provincial, de quelques religieuses et 
de médecins. Mais on ne connait point dans 


uver 
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5, si 


arée 


de 


du 
et 


DE KAUFBEUREN 213 


quel état ils trouvèrent le corps de la servante 
de Dieu, car tous avaient, suivant la règle 
de l Eglise, fait serment de ne jamais dévoi- 
ler aucune chose de ce qu’ils y auraient cons- 
taté. 

Admirons une dernière fois, avant de 
nous mêler de nouveau aux bruits du monde 
et à ses chimères trompeuses, avec quelle 
énergie Crescence marcha dans les sentiers 
les plus sublimes de la vertu et du renonce- 
ment, surmontant tous les obstacles, avan- 
çant sâÂns cesse dans la voie de la perfection, 
faisant taire ses sentiments naturels, même 
les plus légitimes, pour atteindre ce but. 
Avec quel soin jaloux préserva-t-elle son 
cœur du contact du monde et loffrit à Dieu 
dans sa pureté virginale ! Avec quelle abné- 
gation elle quitta sa famille pour chercher 
dans le couvent les croix et les épreuves de 
toutes sortes! Avec quel calme, quel héroïs- 
me elle endura les répugnances de la nature 
les contradictions des hommes, les persée 
tions des supérieurs, de l’enfer même ! 

Fidèle jusqu’à la mort à Celui qu’elle 


s'était choisi pour fiancé, Crescence suivit, 


214 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENUE 


sans reculer jamais, le chemin douloureux 
du calvaire. 

Elle a recueilli dans !: ciel, nous en 
avons la ferme espérance, l’xbondante mois- 
son des vertus qu’elle avait fait germer ici- 
“bas dans la foi, l’obéissance et l’amour ! 

En prenant congé de cette belle figure, 
de cette vierge angélique qui nous est désor- 
mais chère ainsi qu’à nos lecteurs, espérons- 


le, nous formulons le vœu que tous ceux 

, q 

qui liront ces pages, écrites avec le cœur 
À F 2e 578 

plutôt qu'avec la main, soient épris d’une 


confiante piété pour la puissante Marie-Cres- 
cence, et se plaisent à répandre sa tendre 
dévotion et à promouvoir ainsi l’heureux 
résultat de la béatification de cette épouse 
du Christ, chaste comme le lys, humble 
comme la timide violette et dont l’amour 
dépassait en beauté et en parfum le brillant 
éclat de la rose. 


reux 


s en 
nois- 


 icl- 


rure, 
ésOTr- 
"ONS- 
ceux 
cœur 
l’une 
Cres- 
ndre 
reux 
Jouse 
mble 
nour 
illant 


APPENDICES | 


DECRET POUR LE DIocÈsE D’AUGSBOURG. 


Se rapportant à la béatification et à la canoni- 
sation de la Vénérable servante de Dieu. 
Sœur Marie-Crescence Hôss, 

Sœur Professe du Tiers-Ordre de St-François 
au couvent de Kaufbeuren.— 


SUR LA QUESTION : 


De savoir si, dans la cause devant 
Nous, pour ‘l’objet en vue, le dégré 
héroïque des vertus théologales, la foi, l’es- 
pérance et l’amour de Dieu et du prochain, 
avec les vertus morales de prudence, de | 
justice, de force et de tempérance et les au - 
tres s’y rapportant, est bien établi : 


216 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENUE 


La pureté de la foi catholique, qui brilla 
avec tant d'éclat durant toute la vie de 
Marie-Crescence, ainsi que toutes les autres 


vertus chrétiennes, depuis ron Âge le plus 


tendre jusqu’à sou dernier soupir, ont excité 
l'admiration non-seulement de ses conci- 
toyens catholiques mais aussi des protestants, 
à un dégré tel que plusieurs d’entre eux en 
firent les plus grands éloges et mirent tout 
en œuvre pour obtenir, en dépit de son état 
de pauvreté, son admission dans le couvent 
du Tiers-Ordre de St-François, comme la 
meilleure sauve-garde de son innocence, 

Attendu, grâce à la grande réputation 
de sainteté dont elle jouissait déjà de son 
vivant et qui, depuis sa mort, n’a fait que 
grandir constamment et s’est répandue au 
loin, que deux commissions farent nommées 
pour faire l’examen de toute sa vie, l'une 
instituée après un laps de temps considéra- 
ble par l’évêque d’Augsbourg, pour vérifier 
la constance de sa renommée, l’autre plus 
minutieuse instituée en obéissance à un bref 
du Saint-Siège lui-même; 


Nous prenons plaisir à déclarer que 


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bref 


que 


LA VÊNÉRABLE MARIE-CRESCENCÉ 217 


parmi les membres de cette commission se 
trouvaient-événement rare et digne de men- 
tion,—quatre abbés de l’ordre de St-Benoit, 
qui exprimèrent le doux espoir que l'œuvre 
déjà commencé recevrait son couronnement 
du Saint Pontife Souverain de l'Eglise qui 
faisait ivi-même partie de cet ordre ancien 
et vénérabie, 

Il advint ainsi: Que les rapports de 
l'enquête concernant ses brillantes vertus 
furent remis entre les mains de la Sacré- 
Congrégation des Rites, lors de la première 
séance tenue par cette Congrégation le 9 mai 
1797, au palais de feu le Cardinal Archinto, 
alors le notaire du procès. Leurs sessions 
se continuèrent, le 3 mai de la présente 
année, dans le palais apostolique du Quirinal 
et furent enfin terminées le 28 juillet dans 
ce même.palais. A une assemblée générale 
à laquelle présidait Sa Sainteté le Pape Pie 
VII, le jugement unanime de tous les Véné- 
rables Cardinaux et de tous les juges réunis, 
fut que la Vénérable Crescence avait pra- 
tiqué, à un dégré héroïque, ces vertus chré- 


tiennes. 


218 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESUENCE 


Mais, Sa Sainteté, qui s’abstint alors de 
donner sa décision, dans une affaire si im- 
portante afin de chercher conseil dans la 
prière et de connaître la- volonté de Dieu, 
fixa un jour vénéré entre tous par la famille 
de St-François, celui où est commémorée la 
dédicace de leur première église, pour honuo- 
rer cette vierge prudente, cette fille du glo- 
rieux patriarche St-Françuis, sous le titre 
plein d'honneur d’héroïne de la vertu chré- 
tienne. 

Puis, après avoir célébré les divins mys- 
tres avec une grande dévotion dans sa 
chapelle domestique, il fit mander auprès 
de lui le révérend Cardinal-vicaire de 
Somalia, préfet de la Congrégation des Rites, 
qui avait agi comme notaire lors du procès, 
ainsi que le promoteur de la foi, Promotor 


fidei, le Père Jérôme Napulioni, et le secré- 


taire soussigné ct il prononça alors le juge- 
ment qui suit : 

“ il est certain que la Vénérable Ser- 
“aute de Dieu, sœur Marie-Crescence Hôüss 
posséda et pratiqua dans un degré vraiment 
héroïque les vertus théologales et morales, 


rs de 


im- 
s la 
Dieu, 
nille 
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OtO- 

glo- 
titre 
chré- 


mys- 
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près 
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rites, 
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notor 
ecré- 
uge- 


Ser- 
Hôss 


nent 


ales, 


UE KAUFBEUREN 219 


et celles qui s’y rattachent.” 

En même temps, il ordonna la publica- 
tion de cette décision et son insertion 
dans les actes de la Congrégation des Rites, 


le second jour d’août 1801. 


J. M. CARDINAL DE SOMALIA, 
Préfet de lu Congrégation des Rites. 


J. DE CARPINGEN, 
Secrétaire de la Congrégation de Rites. 


PRIÈRE À LA 


VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE. 


O Dieu ! Pbre céleste, qui tous les jours 
par de nouveaux saints réjouissez votre Egli- 
se et augmentez votre gloire, daignez me 
faire ressentir dans mon besoin actuel la 
puissante intercession de votre fidèle servan- 


_ te Marie-Crescence, que vous glorifiez de nos 
‘jours par tant de miracles. 


222 LA VÉNÉRABLE MARIE-CRESCENCE 


O Jésus-Christ ! fils du Dieu éternel, je 
vous remereie et je vous rends hommage et 
louange pour tant de grâces et de bienfaits 
dont vous avez comblé votre très aimante 
fiancée Marie-Crescence durant sa pieuse 
vie et après sa sainte mort. Puissé-je aussi 
jouir de sa puissante intercession, et par ses 
mérites obtenir les grâces que je sollicite, être 
délivré de mes maux et de ma présente 
afliction. 

-O Saint-Esprit ! Divin consolateur des 
affigés, vous qui apparaïssiez souvent dès sa 
jeunesse à votre amie de prédilection, qui 
l'instruisiez et la gratifiez de tant de dons 
extraordinaires, daignez, grâce à son inter- 
cession, me guider et fortifier ma foi. Don- 
nez à mon esprit la connaissance de votre 
lumière et enflammez ma volonté du feu de 
votre amour. 

O Vénérahble Crescence ! je vous im- 
plore en toute confiance et je me recominan- 
de à votre protection ; je crois fermement 
que vous êtes une avocate très puissante de- 
vant Dieu et que vous pouvez, par votre 
douce médiation, me venir en aide dans tous 


DE KAUFBEUREN 293 


nes besoins et mes peines et principalement 
dans mn misère et mes inquiétudes actuel- 
les. Ah! je vous en conjure ‘humblement. 
O bienheureuse Crescence, priez pour moi 
maintenant et à l'heure de la mort. Ainsi 
soit-il. 

Récite ensuite trois Pater et trois 
Ave pour o  îrles dons et les grâces du 
Saint-Esprit. 

Traduit de l'Allemand par un malade confiant. 


WærisHorex, Juillet 1894. 


IMPRIMATUR 


Dat. Monachiüi die 18. Julii 1894. 
Dr. Kronast, V. G. 


IMPRIMATUR 
Québec, le 20 Mai 1895. 
+ L. N. Arch. de Cyrène, 


Administrateur. 


IT. 


ITT. 


IV. 


TABLE DES MATIÈRES 


—— 0 — 


Enfance de Marie-Crescence,— Première Vision.— 
Voeu de chasteté.— L'’habit de St.-François— Le cou- 
vent de Mayrhoff— Refus de la Supérieure— Persévé- 
rantes supplications— Le Christ du Cloître— Inter- 
vention du Maire Worle.— Admission au noviciat — 


Marie-Crescence revêt la livrée de St.-François.— 
La croix de la souffrance. — La Révérende Mère Schmid.- 
Influences occultes. — Persécutions et tentations— Pro- 
fession.— Phénomène extraordinaire. — 


La fosse aux lions— Flagellation et torture. — 
Combat avec un être invisible.— Une sorcière— Nou- 
velle arrivée— Enquêtes et jugements.— Vision et pro- 
messe de la Ste Vierge.— Pélérinage à Lechsfeld.— Un 
compagnon de route Délivrance— L'épreuve du Pè- 
re Provincial.-— 


Muitiplication des pains.— Fête de la Portioncu- 
le.— La propagation de la foi.— Pacte d’amour..— Le 
St.-Sacrement.— La manne Céleste.— Faveur extraor- 
dinaire— Epreuves et consolations.—- 


Pages. 


16 


26 


43 


En 


VI. 


VII. 


VIII. 


IX. 


XI. 


TABLE DES MATIÈRES 


L'institution du chemin de la croix.— Le crucifix 
enlevé.— Les verges de la flagellation.— Le tableau de 
Rüfin : le Saint-Esprit.— Crescence et l'Enfant de Beth- 
léem—  Salutation angélique—  St.-Joachim honoré 
dans l'Eglise. — 

Don de prière et de contemplation —  L’anecdote 
du poirier— Visions inteilectuelles— Etrennes à 
Jésus,— Amour et compassion du prochain— Un 
mendiant au couvent de Mayrhoff— Le plateau d'ar- 
gent.— 

Dévotion pour les âmes du purgatoire.—L'intima- 
tion de la supérieure.— Secours et délivrance.— Le con- 
seiller Scholl.— Témoignage du curé de Kemnat.— L’œu- 
vre des Auxiliatrices du Purgatoire— Foudation.— Pro- 
grès croissants. — 


L'amour de la souffrance— Mortifications et 
pénitences.— La croix de bois— Crescence modèle 
d'humilité et d’abnégation —  L’obéissance, le béton 
du pélerin— Le sas rempli d'eau.— L'autorité. -- 

Un ange dans la chair— Candeur du jeune âge. — 
La force de l'exemple— Détachement des biens ter- 
restres.—  Prévoyance.— L'offre de la Duchesse 
de Savoie— Le legs de iCrescence.— Révélation 


Document écrit. — 
Maitresse des Novices et Supérieure— Fautes 
dévoilées.— Nécessité de la méditation— Adminis- 


tration de la fille du tisserand.— Seconde fondatrice.— 
Les six ailes des Séraphins.— Le chapitre des fautes.— 
St. Antoine de Padoue — 

La renommée de Crescence— Don de prophétie — 
Visites distinguées—  Prédictions—  Intendant et 
sénateur.— La suppression de l’ordre des Franciscains.— 
Le cas de conscience.--La famille Andréas.—Guérisons.— 
Le chape let de la religieuse et les Luthériens. — 


137 


73 


84 


95 


112 


124 


XIII 


XIV 


73 


84 


95 


XIL. 


XIII. 


XIV. 


XV. 


TABLE DES MATIÈRES 
Pages. 


Vision de St-Paul.— Dernière maladie de Cres- 
cence,— Recommandations suprêmes— Vivre pour 
souffrir encore.— La semaine sainte— Je mourrai à 
minuit—  L'Archange Raphaël — Séparation-— Cres- 

ce s'endort dans le Seigneur— Regrets changés en 
jubilation — 

Transformation soudaine.—La mort de Crescence 
et le sentiment populaire— Affluence— Phénomène 
extraordinaire— Parfum odoriférant—  Pélérinages et 
témoignages de gratitude.— Conversion d’un grand 
criminel — Les larmes de Crescence.— 

Choix de miracles— La “ poudre de Crescence * 
et l'épouse du médecin de Nassenbeuren.— Le Prince 
Louis-Eugène à Wasserloss— Témoignage des doc- 
teurs Flacho et de Wogan.— La famille protestante et 
la prière de la servante catholique.— Le cheval du 
Prince Hohenzollern — 

Enquête épiscopale.— Le procès apostolique.— 
Commission papale— Jugement de la Congrégation des 
Rites—  Marie-Crescence déclarée Vénérable— La 


161 


192 


révolution et le procès de béatification— La preuve 
requise pour établir un miracle— Coup d'œil rétros- 
pectif — 209 


AIBBBNDIONE TU ns emo nait eus 0 ner D 0 0 68 
Décret se rapportant à la béatification et à la ca- 215 
nonisation de la Vénérable Marie-Crescence Hoss.,.... 221 


Prière à la Vénérable Marie-Crescence....,....... 225 


Pages Lignes Au lieu de 


5 — 15ème 
7 —11 
Il — 13 
12 — 23 
.17 — 10 
32 —7T 
34 — 16 “ 
48 — 20 “ 
49 — 24 
52 — 17 
08 9 en 
61 —13 “ 
64 —T 
66 — 12 ‘ 
69 —8 ‘ 
712 —6 * 
74 —18 
78 — 22 
154— 19 “ 
187—3 
187—9 
168— 21 
182— 17 


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Lisez 


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